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La tâche la plus urgente qu’ait à remplir actuellement le socialisme, c’est d’établir le programme des socialisations qu’il juge nécessaires : 1° pour résoudre la crise interminable qui, déchaînée par le capitalisme, ne peut être surmontée par lui ; 2° pour affranchir la classe ouvrière du joug du Capital. [C’est ce que vient de faire (décembre 1933) le Parti ouvrier belge.]

Ce programme établi, le socialisme posera sa candidature au pouvoir et il appellera les masses à le lui donner.

Ce qui vient d’être dit laisse, on le voit, très peu de place au « réformisme ». Les temps du programme minimum sont passés. Celui-ci a pu avoir, aux débuts du mouvement et jusqu’avant la guerre, une efficacité pour le rassemblement des masses. Il a, aujourd’hui, perdu sa raison d’être. Avec la crise et la décomposition du capitalisme, les réformes sont devenues à peu près aussi irréalisables que l’était la Révolution elle-même quand le Capitalisme était tout puissant et prospère. Au point où en sont les choses, on ne réforme pas la société capitaliste ; elle tombe en morceaux, il n’y a plus qu’à la démolir.

Mais que faire jusqu’au jour — plus proche qu’on ne pense — où, légalement ou non, le prolétariat se saisira du pouvoir ?

Que faire ? Mais continuer ce qu’on a toujours fait ! Lutter pied à pied contre la bourgeoisie et le capitalisme, profiter de toutes les libertés, de presse, de parole, d’association, de suffrage, pour organiser et instruire le prolétariat, déloger les partis bourgeois de leurs positions politiques, battre en brèche l’oppression et l’exploitation patronales, combattre sans merci le militarisme, le colonialisme et la guerre, tant offensive que défensive. Ce n’est pas le travail qui manque au socialisme.

La lutte électorale, la lutte parlementaire ne sont que des moyens pour le socialisme : elles constituent sur le terrain politique, le prolongement de la lutte de classe ; une forme dérivée de l’action directe du prolétariat. Sinon, elles ne sont rien. Elles doivent se garder de toute compromission. C’est pourquoi l’alliance avec les partis bourgeois, la participation au pouvoir bourgeois ont été condamnées, comme des déviations mortelles, par tous les Congrès nationaux et internationaux du Parti.

Le mot d’ordre de celui-ci est, aujourd’hui, plus que jamais : Tout le pouvoir au Socialisme ! En attendant, opposition irréductible au pouvoir de la bourgeoisie !

Napoléon, ce grand entraîneur d’hommes, a dit un jour : « On ne conduit un peuple qu’en lui montrant un avenir ; un chef est un marchand d’espérance ».

Dans le déclin de tout ce à quoi les hommes ont cru, de tout ce pourquoi ils ont vécu, le socialisme, seul aujourd’hui, montre au peuple un avenir : le Bien-Être et la Liberté. Seul, il lui dit d’avoir confiance dans l’énergie créatrice qui est en lui. Et l’espérance dont il est plein, il la lui donne. C’est pourquoi, en dépit des défaites passagères, sa victoire finale est certaine. — Amédée Dunois.


SOCIÉTÉ DES NATIONS — Le principe d’un état de société entre les nations avait déjà été proclamé avant la guerre. On lit dans les conventions de la Haye de 1907 : « Les Nations civilisées constituent une Société. Les membres de cette société sont solidaires, soumis à l’Empire du Droit et de la Justice Internationale. » Certains pacifistes désignèrent, à ce moment, sous le terme « Société des Nations » l’organisation juridique internationale, assurant la paix, par le respect du droit, à laquelle ils aspiraient.

Ce fut pendant la guerre de 1914–1918 que se développa, principalement sous l’influence du président Wilson, un mouvement d’opinion en faveur d’une association générale des Nations civilisées, destinée à empêcher le

retour de conflits sanglants. La formule « Société des Nations » devint populaire. Mais la forme de cette institution était conçue de manières très diverses. La conception anglaise était rebelle à l’idée de contrainte, rebelle aussi à une limitation trop accentuée de la souveraineté de l’Empire. Confiante en la puissance de l’opinion publique, la tendance anglaise envisageait des liens contractuels librement acceptés par les États, un organisme destiné à faciliter la coopération des peuples et le règlement amiable de leurs conflits, une ligue dont les adhérents auraient à tout moment le pouvoir de se retirer.

Selon la conception du pacifisme officieux de France, représentée surtout par Léon Bourgeois, la société des nations ne devait pas non plus avoir le caractère d’un sur-État ni porter atteinte à la souveraineté des États. Mais pour assurer le respect du droit et le maintien de la Paix, les nations associées devaient s’engager à mettre à la disposition de l’organisme à créer leur puissance économique et militaire contre le pays violant le pacte social.

Enfin, certains doctrinaires plus hardis du pacifisme constructif appelaient « Société des Nations » une autorité politique internationale dominant les États, munie des trois pouvoirs : législatif, exécutif, judiciaire, disposant d’une puissance suffisante pour limiter effectivement la souveraineté des nations et les mettre dans l’impossibilité de se faire justice elles-mêmes.

Plusieurs projets envisageaient soit la représentation directe des peuples, soit la participation au parlement mondial, à côté des délégués des États, de mandataires des grandes forces internationales comme le Syndicalisme et l’Église. Il s’agissait donc, non d’une Société des nations souveraines et armées, mais d’une société souveraine des nations désarmées.

La Société des nations existante, celle qu’institua le traité de Versailles, ne réalise sous aucun aspect la troisième conception.

Elle n’est pas une vraie fédération, sa constitution n’est pas démocratique, elle n’organise pas le règlement de tous les conflits sans exception, elle n’interdit pas dans tous les cas le recours à la guerre.

Elle a été le produit d’un compromis entre la conception française et la conception anglaise. Elle est, principalement, un organisme diplomatique.

Ses principaux organes sont : l’Assemblée des délégués, le Conseil et le Secrétariat.

La cour de justice internationale est rattachée à l’institution de Genève. L’Assemblée n’est pas un Parlement. Elle n’a pas le pouvoir de voter des lois à la majorité des voix ; ses décisions doivent être prises à l’unanimité et n’engagent les États qu’après leur ratification. Son mode de désignation n’est pas démocratique. Ses membres sont nommés par les gouvernements. Mais tandis que chaque pays dispose d’une voix à l’Assemblée, le Conseil est fondé sur une base oligarchique. Seuls les États puissants y ont un siège permanent. Le Conseil et l’Assemblée « connaissent de toute question qui rentre dans la sphère d’activité de la Société et intéressent la Paix du Monde ». Le Conseil n’est pas un pouvoir exécutif ; l’exécution des décisions de la S. D. N. et la mise en œuvre des sanctions dépendent des États membres.

Le Conseil et l’Assemblée ont certaines attributions communes, notamment, la compétence pour la solutions des différends entre membres de la société. Parmi les attributions spéciales de l’Assemblée figure la désignation des membres nouveaux, en statuant à la majorité des deux tiers. Parmi les tâches réservées au Conseil, citons la préparation du plan de réduction des armements, la réception des rapports annuels des puissances disposant d’un mandat colonial.

La cour de justice internationale, dont le siège est à La Haye, est un corps de magistrats indépendants