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petit malade. Une fièvre violente se déclara immédiatement, accompagnée de frissons, et la mort survint rapidement. Behering, par sa magie verbale, réussit à convaincre le malheureux père que sa mirifique invention était étrangère à la mort de son fils. Si bien que, l’année suivante, une nouvelle épidémie diphtérique s’étant déclenchée dans la capitale allemande, le père infortuné n’attendit pas que quelque symptôme du mal se manifestât chez son dernier enfant ; sans plus de délibération, il lui fit inoculer le fatal vaccin. Quelques jours après, la mort, à nouveau, emportait le garçonnet, après qu’on eut observé le même processus pathogénique que dans le premier cas.

La presse du 27 janvier 1933 enregistra, par une indiscrétion vivement réprimée, les accidents morbides ayant affecté 172 enfants venant d’être soumis au traitement préventif de l’anatoxine du Docteur Ramon. Un enfant décéda même des suites de cette intoxication. Le lendemain de cette nouvelle, un adroit communiqué réduisait le nombre des victimes, en laissant toutefois subsister le décès, et mettant sur le compte de souillures vaccinales intempestives la cause de ces troubles.

En conclusion de ce qui précède, nous estimerons donc, en accord parfait avec les Docteurs Boucher, Durville, Carton, et tous les médecins, savants et hygiénistes hostiles à cette thérapeutique d’inoculation que l’introduction dans l’organisme de virus, même à virulence atténuée, est une hérésie si l’on considère quelles substances morbides ils tiennent en suspension. Poisons chimiques, opothérapiques ou sérothérapiques, ne peuvent remédier ni s’opposer aux situations déficientes en apportant avec eux des éléments corrupteurs et perturbateurs. Ils contribuent, au contraire, à précipiter l’effondrement des résistances organiques en faussant par surcroît le jeu des automatismes de défense. Les statistiques truquées des mythomanes cyniques, avides de gains et d’honneurs, susceptibles de fausser le jugement de gens mal informés ne peuvent abuser les esprits avisés ni les chercheurs préoccupés de faits. Et ceux-ci sont là, irrécusables : une mortalité effrénée et affirmant un crescendo inquiétant.

Si, parmi l’élément médical, les ânes bâtés du doctorat persistent sincèrement dans de regrettables et funestes errements et contribuent par ignorance ou négligence, aussi par incompréhension des phénomènes naturels, à envoyer au trépas une humanité toujours soumise au bouillon de culture de la bêtise, c’est en toute conscience que les affairistes de la corporation — mercantis diplômés — cultivent, dans le public crédule, le magnifique et productif jardin des préjugés. N’oublions pas que les intérêts du médecin et du malade présumé sont antagoniques. Que les maladies disparaissent parce qu’on aura vaincu leurs causes, et c’en est fait de ces honoraires princiers qu’il soutire au patient. Eclairer la masse des profanes sur les raisons profondes de ses souffrances et mettre à sa portée les moyens — simples en eux-mêmes — propres à y remédier, ce serait tarir les sources d’une réjouissante fortune. Aussi, tant que l’aisance — et les appétits de richesse — du morticole dépendra de la maladie… et des malades, nous ne pouvons guère espérer en sa sincérité, ni en son désintéressement. Nous devons même reconnaître, pour être équitable, que les modalités d’un état social, sur lequel pèsent l’intérêt et le lucre, le contraignent souvent à œuvrer dans ce sens immoral. Ce n’est pas lui seul, mais toute la collectivité qui est responsable des maux causés par les fils d’Esculape.

Dans une société intelligente, les honoraires médicaux devraient, au moins, non pas croître au prorata des maladies, mais, au contraire, accompagner la santé conservée. L’intérêt du médecin aurait ainsi un stimulant profitable au bien-être général….

Mais, sans attendre ces temps peut-être utopiques, il faut nous garder avec soin des manœuvres de prati-

ciens « à la page », et nous tourner vers les enseignements des vrais apôtres de la médecine qui, de tous temps, se sont efforcés d’éclairer l’objectif à atteindre…

D’ailleurs, sont-ce véritablement et uniquement les microbes et bactéries qu’il faut incriminer dans la genèse et la diffusion de la plupart des maladies ? Ou n’est-ce pas plutôt l’effondrement de nos immunités naturelles, par suite d’erreurs répétées qui nous exposent à l’emprise maléfique des infiniments petits ?…

La cuti-réaction démontre que, la race nègre exceptée, tous les humains hébergent le bacille de Koch à partir de la première quinzaine ou du premier mois de la naissance. Le colibacille est le commensal habituel, permanent et inoffensif de notre intestin. Le pneumocoque, le streptocoque, le staphylocoque, etc., sont les hôtes coutumiers de notre bouche, de notre épiderme. Le vibrion cholérique se réfugie parfois dans le tube digestif de certains individus sans occasionner de dommage, etc., etc. Tous ces parasites microscopiques vivent habituellement en saprophytes inoffensifs, à l’état de symbiose, en parfaite harmonie avec les organismes porteurs et sustentateurs, tant que l’aptitude défensive de ceux-ci demeure intacte. Nous sommes donc contraints d’admettre que ce ne peut être qu’à la faveur d’une réduction de notre système de défense, de l’affaiblissement du « terrain », que l’offensive microbienne, qui se traduit par des affections polymorphes, peut être déclenchée… Il importe donc de connaître les raisons profondes de cette décadence vitale qui nous livre, pieds et poings liés, à nos redoutables et minuscules adversaires.

Demandons-nous d’abord pour quelles raisons les animaux sauvages, qui sont exposés nuit et jour et en toutes saisons, aux douloureuses intempéries jouissent d’une magnifique santé. Parce que, à l’encontre de l’homme, ils obéissent passivement aux lois naturelles qui les régissent. L’herbivore n’ira pas emprunter au régime carné tout ou partie de son indispensable ration. Et c’est à l’abreuvoir fluvial qu’il ira étancher sa soif. Constitué pour la vie au grand air, il ignore les désastreux effets du calfeutrement. La satisfaction de ses besoins, le souci de sa sécurité l’astreignent à une activité constante qui met en jeu la totalité de son appareil musculaire interne et externe et le soustrait à cette redoutable inertie dans laquelle se complaisent la plupart des humains, particulièrement les civilisés.

Certes ! il n’est nullement question de restituer à notre bipède, la dure et pénible existence ancestrale propre à l’ancêtre des cavernes ; il est cependant urgent qu’il connaisse et pratique au moins les rudiments d’un comportement très différent de celui qu’il a, de longue date, cultivé. L’alcoolisme gradué et polychrome est, au premier chef, préjudiciable à sa santé. On ne sait en vertu de quelle aberration, de quelle altération du goût, il abandonna l’eau pure des sources pour les aigres et corrosifs breuvages qualifiés — ô ironie ! — d’hygiéniques. Il est certain qu’à elle seule, cette malfaisante habitude doit être tenue pour comptable de bien des catastrophes. La proportion des décès, en général, et l’énorme mortalité tuberculeuse, en particulier, sont rigoureusement liées à l’importance de la consommation des boissons alcooliques. La France, par exemple, qui s’est approprié l’effarant record de cette consommation avec 24 litres d’alcool absolu par an et par individu (chiffre qui laisse de côté les « suppléments » clandestins des bouilleurs de cru) détient, non seulement le record de la mortalité, mais aussi celui des décès d’origine tuberculeuse, avec le chiffre annuel de 150.000. La Hollande, au contraire, qui a vu décroître la consommation nationale du meurtrier breuvage (elle n’est plus, aujourd’hui, que de 2 litres, annuellement, par tête d’habitant), est le pays d’Europe où la