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rie : abattoirs et boucheries de la commune. Pour les vins : caves communales, etc. Les autres denrées alimentaires seront conservées dans les magasins, prêtes à être livrées par la commune aux consommateurs qui viendront les chercher ou qui en commanderont livraison.

Ce ne sont encore que des hypothèses, car il y aura des perfectionnements que le progrès et la nécessité commanderont et que n’entraveront ni la concurrence, ni les privilèges.

Une fois de plus, les coopératives seront utiles à la parfaite socialisation en tout et pour tout.


Statistique. — Inutile d’insister ici sur les avantages d’une organisation socialisée de la statistique, qui fournira à tous et sur tout les renseignements utiles donnés par la commission communale de statistique. Elle sera copieusement alimentée par les diverses corporations et associations de producteurs sur le nombre de travailleurs occupés dans chaque branche de l’industrie, sur la production accomplie et sur les hausses et les baisses de produits, selon la quantité de matières premières fournies. Ce sera le baromètre de toute la production générale ou partielle, mise en balance avec les besoins de la consommation. On saura s’il y a lieu d’augmenter ou d’abaisser la production. On saura qu’il faut l’accroître ici et la réduire là. De cette façon, pour ne pas augmenter la fatigue des ouvriers de telle localité, on adjoindra à ceux-ci les ouvriers disponibles de telle autre localité où se peut diminuer la production. C’est avec la statistique que se pourra parfaire, au mieux des intérêts de la commune, la socialisation toujours en cours jusqu’à l’harmonie complète des communes fédérales, constituant le nouveau régime de bien-être et de liberté des travailleurs émancipés par la Révolution sociale également toujours en cours de perfection, visant au mieux-être définitif.

La statistique suppléera à toutes les paperasseries, multiples jusqu’à l’extravagance, qu’accumulaient les archives bourgeoises. L’état civil ne fonctionnera plus solennellement et bêtement comme autrefois : naissances et décès seront seuls enregistrés ; mais les mariages n’existeront plus, car, dans une société libre, l’union volontaire de l’homme et de la femme ne sera plus acte officiel mais acte absolument privé entre amants : cela ne regardera qu’eux ; seuls, les enfants nouveau-nés seront enregistrés, si cela est nécessaire, avec les noms de leur père et mère, à moins que la société nouvelle ne prenne soin d’eux dans des conditions tout à fait louables et dignes d’une société de travailleurs heureux, libres, fiers et pacifistes n’aimant que le travail et la vie rendue belle et bonne.

La statistique s’occupera de la santé publique et consignera toutes les observations scientifiques utiles à tous.


Éducation. — Sur un tel sujet, la socialisation devra d’abord considérer l’entretien des enfants. Leur nourriture et leur éducation sont abusivement, et par préjugé, à la charge des parents qui ne sont pas toujours à même de remplir une telle charge. C’est, d’ailleurs, en s’appuyant sur un principe faux — qui a toujours fait considérer l’enfant comme une propriété, — la propriété des parents. Il y eut le patriarcat où le père avait droit de vie ou de mort sur chacun de ses enfants. Vienne le matriarcat et la mère sera propriétaire, seule, de ses enfants. Or, l’enfant ne doit être la propriété de personne : il s’appartient à lui-même et, ne pouvant d’abord se protéger lui-même, cela paraît juste qu’il soit laissé à l’amour de ses parents quand ceux-ci peuvent pourvoir entièrement à ses soins. Mais il est inique de voir l’enfant laissé à des parents malheureux et augmentant leur misère et devenir lui-même malheureux dès sa naissance parce que la loi le veut ainsi.

La socialisation a pour premier devoir de protéger

l’enfant et de lui assurer la garantie de ne rien manquer de ce qui est nécessaire matériellement et moralement à son libre développement.

La société doit pourvoir à tout pour l’enfant : son entretien, son éducation, son apprentissage, son instruction ; même son épanouissement de jeunesse doit être un sujet de soins et de sollicitude pour la société qui tient à faire de lui un homme fier et digne, un travailleur intelligent et consciencieux, redevable à la communauté sociale de ce qu’il aura été et de ce qu’il peut devenir.

Voilà ce que la socialisation doit faire.

Il y a toute une méthode d’éducation de l’enfant qu’il serait trop long de développer ici, d’autant qu’on peut se reporter à chaque mot intéressant, contenu en cette Encyclopédie, comportant l’étude et le développement qu’il convient. (Voir École, Éducation, Ruche, etc…).

Mettre l’entretien matériel, intellectuel et moral de l’enfant à la charge de la société, ce n’est pas comme l’ont prétendu certains réactionnaires « détruire la famille », c’est au contraire l’améliorer et fortifier la société et garantir la personnalité de l’enfant. Avant tout, l’enfant ne doit pas être une chose, mais quelqu’un qui n’appartienne qu’à lui-même. L’éducation doit être ainsi comprise par la socialisation.


Assistance. — Il ne s’agit pas, on le pense bien, d’œuvres de charité publique ou privée, mais d’institutions au moyen desquelles la société nouvelle s’acquittera des dettes de la société ancienne, réparera ses fautes envers les indigents, les malheureux, les tarés moraux et physiques, les infirmes, les mutilés, les estropiés, en un mot, tous les êtres victimes de la société bourgeoise, hypocrite, égoïste et brutale. Assurer l’existence, le bien-être, l’entretien des enfants, des malades, des vieillards. Rendre à tous la vie douce et supportable en faisant à tout jamais disparaître les causes de ces mauvais effets. Il va de soi que pour l’établissement de ces institutions, les communes ne négligeront ni leurs initiatives, ni leur activité. Elles se prêteront mutuellement appui pour réaliser partout le mieux possible.

De même que l’enfance a droit au soutien permanent, à l’éducation, à la sollicitude éclairée de la commune, de même ont droit aux soins, à tous les soins, les incapables de tout travail, les malades et les vieillards des deux sexes.

Il est certain qu’en cette rénovation sociale, le sort de la femme de tout âge réalisera la conception la plus haute, la plus fraternelle de la solidarité, magnifiera la femme et lui assurera pour toute la vie en toutes circonstances son droit au bonheur, comme son droit à l’amour en toute liberté ! La société, d’ailleurs en retirera tout le bénéfice, puisque la femme sera la cause même du plein épanouissement du bonheur et de la liberté pour tous. Elle sera le symbole vivant de l’apaisement social, de la félicité humaine.


Hygiène. — Le bon fonctionnement des services publics étant indispensable au maintien de la santé de tous les membres de la commune, celle-ci s’appliquera à ce que tous les citoyens libres de la commune puissent facilement participer à tous les avantages des services mis à leur disposition, sans aucune autre obligation de leur part que de veiller à leur entretien et à leur bon fonctionnement, en toute intelligence et en toute conscience. Pour des hommes libres, cela va de soi. Mais il se peut qu’il y ait, par ci, par là, des négligences, des gamineries individuelles portant préjudice à la collectivité. Une aimable observation doit alors suffire, car les sanctions sont abolies. On fait appel à la raison en tout et pour tout, dans une société libre qui doit ignorer la crainte ; les châtiments, les menaces et même les humiliations n’ont plus cours.