déchirera les voiles dont s’entourent métaphysique et religion. Mais la presse, qui parle complaisamment des effets pratiques de la radioactivité, ne dit pas que les récentes découvertes physico-chimiques rendent absolument inutile l’hypothèse d’un dieu créateur. De plus les esprits ne sont pas habitués à concevoir les phénomènes cosmiques comme se déroulant, non en ligne droite, mais sur le modèle d’un cercle fermé. Ils ne comprennent pas que la mort de mondes vieillis provoque infailliblement la naissance de mondes nouveaux ; sans qu’on puisse parler d’origine première ou de fin ultime, car il s’agit des phases successives d’un processus circulaire qui se répète indéfiniment. Dans Face à l’Éternité, puis dans la préface du livre de G. Kharitonov, Synthanalyse, j’ai insisté sur ces idées, sachant d’ailleurs qu’elles étaient trop neuves, trop contraires aux conceptions traditionnelles, pour être comprises immédiatement.
Si, dans un tube de verre, où passe un courant électrique, on pousse le vide jusqu’à une pression comprise entre 1/100.000e et 1/1.000.000e d’atmosphère, toute colonne lumineuse disparaît ; par contre, la paroi opposée à la cathode s’échauffe et s’illumine d’une lueur verdâtre ou violette. Crookes, le premier, observa ces phénomènes en 1886. Des rayons sont émis par la cathode, qui semblent constitués par des particules de matière transportant de l’électricité négative et animées d’une extrême vitesse. Au voisinage de la cathode, les molécules de gaz restées dans le tube seraient décomposées en ions positifs, absorbés par la cathode, et en ions négatifs qui, projetés en ligne droite, constituent les rayons cathodiques. La vitesse des particules ainsi projetées est de 40.000 à 60.000 kilomètres par seconde ; elle varie d’après la différence de potentiel qui, dans le tube de Crookes, existe entre les deux électrodes. Ainsi le rayonnement cathodique apparaît constitué d’éléments infimes, arrachés aux atomes des corps. Ces constatations devaient conduire à la théorie électronique de la matière et au problème de la structure de l’atome. Les découvertes d’Henri Becquerel, un peu plus tard, puis de M. et Mme Curie aboutirent à des conclusions de même ordre. Après de minutieuses recherches, Henri Becquerel résumait ainsi ses observations, en 1896 : « L’uranium et tous les sels d’uranium émettent un rayonnement invisible et pénétrant qui produit des actions chimiques, photographiques et décharge à distance les corps électrisés. Ce rayonnement paraît avoir une intensité constante, indépendante du temps et n’être influencé par aucune cause excitatrice extérieure connue. Il paraît donc spontané. Il traverse les métaux, le papier noir et les corps opaques pour la lumière. La plaque photographique et l’électroscope forment les bases des deux méthodes d’investigation pour étudier le nouveau rayonnement. La propriété radiante est liée à la présence de l’élément uranium : c’est une propriété atomique, indépendante de l’état moléculaire des composés. Les corps frappés par le rayonnement nouveau émettent eux-mêmes un rayonnement secondaire qui impressionne une plaque photographique. » On découvrit ensuite que le thorium et ses composés provoquaient des phénomènes identiques. Puis M. et Mme Curie remarquèrent que certaines chalcolites et certaines pechblendes étaient deux à quatre fois plus actives que l’uranium. « Il devenait dès lors très probable, déclarait Mme Curie, que si la pechblende, la chalcolite, l’antunite ont une activité si forte, c’est que ces substances renferment, en petite quantité, une matière fortement radioactive, différente de l’uranium, du thorium et des corps simples actuellement connus. J’ai pensé que s’il en était effectivement ainsi, je pouvais espérer extraire cette substance du minerai par les procédés ordinaires de l’analyse chimique. » En juillet 1898, Curie et sa femme annonçaient qu’ils avaient trouvé un corps quatre cents fois plus actif que l’ura-
nium ; ils l’appelèrent polonium. En décembre de la même année, on apprenait qu’ils avaient extrait de la pechblende un corps neuf cents fois plus actif que l’uranium, et célèbre aujourd’hui sous le nom de radium. Depuis, on a isolé d’autres éléments radioactifs. Le radium dégage spontanément de la chaleur, de l’électricité, une lumière visible dans l’obscurité ; il produit des effets chimiques, provoque la luminescence de certaines substances, émet un triple rayonnement invisible. Tous les sels de radium dégagent une substance inconnue, qui se comporte comme un véritable gaz et produit, en se détruisant, de l’hélium, le plus léger des gaz après l’hydrogène. Dès lors, il apparut extrêmement probable que toute matière pondérable était d’origine électrique. (Voir article Matière.) Et l’on put concevoir comment naissent, meurent et renaissent les substances tangibles qui constituent l’univers observable. Bien des retouches seront apportées, sans doute, aux conceptions de G. Kharitonov. Il est même possible que l’origine et la fin des mondes soient expliquées par un processus différent. Il aura eu le mérite de démontrer, à l’aide d’arguments purement scientifiques, que les univers se succèdent sans fin, éternellement. Et je me félicite d’avoir contribué de toutes mes forces à la publication de sa Synthanalyse. Les travaux de Millikan et d’autres chercheurs célèbres conduisent, d’ailleurs, à des conclusions pareilles. « Que faut-il considérer comme commencement et comme fin ? Le cycle est fermé et pour cette raison comporte autant de commencements que de fins ; on peut dire que le commencement est une fin et la fin un commencement. » En vertu de lois inflexibles, la matière se désagrège et retourne aux éléments impondérables d’où elle était sortie, mais c’est pour renaître de ses cendres, tel le phénix dont parlaient les anciens. A l’angoissante question du premier et du dernier jour du Cosmos, nous pouvons apporter une réponse claire : « Si l’homme, écrit Kharitonov, pose une telle question, il est évident qu’elle est la suite de la contemplation des phénomènes qui l’entourent : il voit que chaque phénomène sur la terre a son commencement et sa fin. Ce n’est pas tout, l’astronomie lui montre que les étoiles sont aussi soumises à cette loi. Enfin, nous voyons, par tout ce qui nous entoure, qu’un corps organisé et limité dans l’espace est aussi limité dans le temps de son existence organisée. En examinant le genre humain, nous découvrons : qu’il fut un temps où il apparut sur la terre et qu’un temps viendra où il disparaîtra ; que la longévité du genre humain est déterminée par le remplacement d’une génération par l’autre. Il est évident que les hommes parurent sur notre planète lorsque les conditions correspondantes y naquirent. Quand les conditions changeront, le genre humain disparaîtra. Mais si les conditions dans lesquelles nous vivons sur la terre étaient constantes, l’existence du genre humain n’aurait pas de fin. Cela veut dire que la variété des conditions est la cause principale de l’apparition et de la disparition de la vie organique. C’est ce qui a lieu relativement au Cosmos. On peut comparer les univers séparés aux races humaines et. l’univers des univers au genre humain. Les mondes se forment, naissent et meurent ; les races apparaissent et disparaissent. Mais l’univers des univers n’a ni commencement ni fin, car les conditions dans lesquelles il existe sont invariables. L’éternité des conditions engendre la constance des formes. Voilà pourquoi l’univers des univers n’a jamais connu de naissance et ne connaîtra jamais la mort. » Un retour éternel, qui n’a rien de commun avec celui des spirites et des théosophes, tel serait l’inflexible destin des soleils et des mondes. A mon avis, l’homme pourra le rompre, s’il arrive, grâce à la science, à dominer les forces cosmiques dont notre terre est le produit. Au jeu aveugle des énergies naturelles, se substituerait alors la finalité éclose dans son cerveau. Et notre