être des phénomènes de lecture de pensée et de télépathie interviennent-ils, quelquefois, le cerveau étant plus apte, durant le sommeil, à capter ondes et vibrations d’origine encéphalique. Une nuit, j’ai rêvé que l’un de mes anciens élèves, perdu de vue depuis longtemps, tirait un coup de fusil sur mon chapeau ; et, le lendemain, je recevais de lui une lettre, d’ailleurs fort amicale. Même si l’on suppose une action télépathique, le surnaturel n’a rien à voir avec les phénomènes oniriques. À l’état d’incubation, la maladie encore insoupçonnée engendre aussi des rêves prophétiques. Une enfant, qui avait rêvé qu’on broyait sa tête dans un étau, fut, peu après, atteinte de méningite. Conrad Jenner se crut piqué par un serpent dans un endroit où un anthrax apparut ensuite. Ajoutons que l’homme superstitieux, persuadé qu’un songe lui présage un accident prochain, sera, parfois inconsciemment, sous l’empire d’une terreur secrète, le véritable auteur de l’accident ; c’est le cas pour des collisions d’automobiles qu’avec plus de sang-froid l’on pourrait éviter.
L’absence de tout esprit critique, une crédulité sans borne qui accorde la même valeur à toutes les images et n’exige aucune justification rationnelle, suffisent à expliquer l’incohérence et l’illogisme de la majorité des rêves. Alors que, dans l’état de veille, rien n’arrive sans cause et que les événements sont liés entre eux d’une manière intelligible, les combinaisons les plus contraires aux lois de la nature surviennent, en songe, sans que nous en soyons surpris. Et cette absence d’esprit critique résulte probablement du fait que le dormeur reste étranger à toute considération d’intérêt, n’ayant pas besoin d’aborder effectivement le domaine de l’action. Plusieurs estiment que l’exagération de l’émotivité constitue l’un des caractères essentiels du rêve. À l’appui de cette thèse, Vaschide apporte des exemples bien choisis. Beaucoup, pourtant, ne partagent pas cette opinion. « Des faits contraires, écrit P. Brunet, semblent bien infirmer, en partie, cette théorie, puisque bien souvent dans le rêve nous restons indifférents à des scènes qui, à l’état de veille, nous auraient violemment émus. Mais il ne faut pas oublier que l’émotion éprouvée en rêve est indépendante de son substrat hallucinatoire ; si bien qu’au réveil, en présence de notre impossibilité de réunir l’émotion et le substrat, nous interprétons comme de l’indifférence ce qui n’est, en réalité, qu’une réaction affective sans rapport normal avec l’élément représentatif. »
Quant aux procédés architectoniques qui, dans le rêve, permettent la transposition des idées en images, ils sont loin d’être encore parfaitement connus et pleinement expliqués, malgré les belles recherches de Freud. Non seulement la pensée abstraite est traduite en images concrètes, de préférence en images visuelles, mais une condensation des matériaux oniriques intervient qui résulte soit de l’élimination de certains éléments, soit de leur fragmentation, soit, et c’est le cas le plus fréquent, de leur fusion. Grâce au déplacement et au transfert de l’accent psychique, un élément voit quelquefois son importance croître démesurément. De plus, il semble qu’une activité agisse après coup sur le contenu du rêve, quand ses diverses parties ont pris leur forme symbolique.
« Le travail du rêve, déclare Freud, consisterait alors à disposer ces symboles pour en faire un ensemble cohérent, une représentation bien ordonnée. Le rêve acquiert ainsi une sorte de façade, insuffisante à la vérité et qui n’en masque pas également toutes les parties ; mais, moyennant quelques raccords, quelques légères modifications, il reçoit une interprétation provisoire et tout à fait approximative. En somme, nous ne trouvons là qu’un brillant travestissement des idées latentes. » Ce travail de regroupement aurait pour but de disposer les matériaux oniriques selon leurs meilleures chances d’intelligibilité.
Mais, aux yeux de Freud et de ses disciples, le symbo-
Terminons en disant que l’on a rapproché l’inspiration artistique du rêve proprement dit. « Les poètes et romanciers, écrit Freud, sont de précieux alliés, et leur témoignage doit être estimé très haut, car ils connaissent entre ciel et terre, bien des choses que notre sagesse scolaire ne saurait encore rêver. Ils sont, dans la connaissance de l’âme, nos maîtres à nous, hommes vulgaires, car ils s’abreuvent à des sources que nous n’avons pas encore rendues accessibles à la science. Que le poète ne s’est-il prononcé plus nettement encore en faveur de la nature, pleine de sens, des rêves ! » Mais d’autres estiment que l’état de sommeil, l’absence de volonté et de réflexion ne conviennent pas du tout à la création poétique. « La véritable condition du poète, déclare Paul Valéry, est ce qu’il y a de plus distinct de l’état de rêve. Je n’y vois que recherches volontaires, assouplissement de pensées, consentement à des gênes exquises. Celui-là qui veut écrire son rêve se doit d’être infiniment éveillé. Si tu veux imiter assez exactement les bizarreries, les infidélités à soi-même du faible dormeur que tu viens d’être, poursuivre dans ta profondeur cette chute passive de l’âme comme une feuille morte à travers l’immensité vague de la mémoire, ne te flatte pas d’y réussir sans une attention poussée à l’extrême, dont le chef-d’œuvre sera de surprendre ce qui n’existe qu’à ses dépens. » Ces deux opinions contiennent, également, une part de vérité, à mon avis. Dans la rêverie de l’artiste et du poète, comme dans le rêve proprement dit, l’inconscient joue un rôle de première importance. Mais la création esthétique exige de plus l’exercice des facultés critiques, un choix conforme à la raison. Pour obtenir une œuvre belle, il faut que l’intelligibilité se