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miers par le moyen de danses rapides, les seconds grâce à des mouvements de la tête et à des cris suraigus ; les uns et les autres font des miracles à la manière des fakirs de l’Inde ou des saints catholiques. Nous aurions tort cependant de rendre Mahomet responsable de toutes ces roues ; il n’en prévoyait pas l’existence. Comme les autres religions, celle qu’il fonda devait dégénérer par la suite.

Au point de vue moral, le Coran ordonne de faire l’aumône, de protéger les orphelins ; il défend de tuer les nouveaux-nés et d’enterrer les petites filles vivantes (ce que les Arabes avaient coutume de faire) ; il conseille l’affranchissement des esclaves, rien n’étant plus agréable à Dieu. Il interdit l’usure et les jeux de hasard, ne permet pas aux peintres et aux sculpteurs de représenter la figure humaine et prohibe l’usage de la viande de porc, du vin, des boissons fermentées. En ce qui concerne la guerre, Mahomet nous répugne par ses goûts sanguinaires et sa barbarie. Il fixe à quatre le nombre des femmes légitimes que peut avoir chaque croyant ; mais, par une permission spéciale de l’ange Gabriel, il eut personnellement le droit d’en avoir davantage. À l’inverse de ce qui se passe dans le catholicisme, la femme fut presque éloignée du culte. En Turquie, la situation sociale est restée un défi au bon sens, jusqu’à la réforme opérée par Mustapha-Kemal, malgré l’opposition des dévots musulmans.

Dès le début, l’Islam se divisa en Églises rivales. Les sunnites, qui se prétendaient seuls orthodoxes, et les chiites, qui se rattachaient à Ali, le gendre du prophète, se vouèrent une haine mortelle. Les premiers vénèrent la Sunna, recueil de commentaires donnés par les compagnons de Mahomet, sans attribuer néanmoins à ce livre une valeur comparable à celle du Coran. Mais les chiites, particulièrement nombreux dans la Perse et dans l’Inde, rejettent la Sunna et se montrent moins rigides en ce qui concerne la représentation des êtres vivants, ainsi que l’usage du vin. Et chacune de ces deux grandes branches du mahométisme a donné naissance à une multitude de sectes. Chez les orthodoxes, rappelons la réforme des motazilites et celle des wahhabites ; chez les chiites, mentionnons les ismaïliens, qui sont presque libres-penseurs, les soufistes, dont le mysticisme tend vers un panthéisme spiritualiste, les druzes. À partir de 1840, Madhi el Bâb prêcha en Perse une nouvelle doctrine ; on le fusilla en 1850, mais ses disciples continuèrent, après sa mort, de propager ses idées. Le bâbisme réclamait la suppression de la polygamie et du voile, ainsi que des réformes sociales en faveur des pauvres.

Pour moderniser la Turquie, les kemalistes ont dû rejeter délibérément un grand nombre de préceptes coraniques. La religion musulmane apparaît aussi inconciliable avec le progrès que le catholicisme romain. Ses missionnaires continuent cependant de recruter de nombreux fidèles, en Afrique et dans l’Inde ; les enseignements très simples du Coran répondent mieux aux besoins des mentalités encore naïves que les complications, inutiles et grotesques, de la théologie, soit catholique, soit protestante.


Il existe beaucoup d’autres religions, dont l’étude détaillée manque d’intérêt pour nous, soit parce qu’elles sont peu originales, soit parce que leur zone d’influence s’avère très limitée. Au Japon, le shinto n’est plus guère qu’une forme du patriotisme ; il s’attache au culte de la famille impériale, des héros nationaux, des ancêtres ; il honore aussi des génies personnifiant les forces cosmiques. Le confucianisme, cher aux lettrés chinois, n’est pas une religion au sens ordinaire du mot ; c’est une morale rationnelle, compliquée d’un culte philosophique. Confucius n’est pas à ranger parmi les inspirés d’en haut.

Fort intéressant au point de vue doctrinal et histori-

que, le mazdéisme ne compte maintenant qu’un nombre très restreint de fidèles. Il aurait pour fondateur Zoroastre, personnage plus ou moins fabuleux, qui serait l’auteur du Zendavesta et aurait vécu vers 1100 avant notre ère. Le conflit du bien et du mal, la lutte d’Ormazd (symbole du feu et de la lumière) contre Ahrimam (l’esprit des ténèbres), voilà l’élément central des spéculations de l’Avesta. Ce dualisme prendra fin par la victoire du dieu bon. Zoroastre préfère l’activité saine au mysticisme stérile ; mais il accorde une place énorme aux formules rituelles et aux incantations magiques. À côté de maximes qui recommandent l’amour du prochain et l’humilité, on trouve des inepties qui faisaient dire à Voltaire : « On ne peut lire deux pages de l’abominable fatras attribué à ce Zoroastre sans avoir pitié de la nature humaine. Nostradamus et le médecin des urines sont des gens raisonnables en comparaison de cet énergumène. »

On trouve, à l’heure actuelle, quelques rares mazdéens en Perse ; ceux de l’Inde sont appelés guèbres ou parsis. Le culte qu’ils rendent au feu a particulièrement frappé les voyageurs ; et tous les Européens qui séjournent à Bombay vont voir les tours du silence, où sont exposés les corps des mazdéens décédés. Si les guèbres livrent les cadavres des leurs aux animaux carnassiers, c’est pour ne souiller ni le feu en les incinérant, ni la terre en les inhumant.

L’histoire des mormons prouve que les récits les plus invraisemblables peuvent encore trouver créance dans les pays civilisés. En 1830, un Américain, Joseph Smith, expliqua à ses compatriotes qu’il avait découvert l’Évangile éternel, rédigé par le prophète Mormon, vers l’an 600 avant Jésus-Christ. Ce livre est platement imité de la Bible et d’un roman publié en 1812. Joseph Smith recruta des adeptes et fonda, en 1841, dans l’Illinois, l’Église des saints des derniers jours. Ses partisans furent persécutés, surtout parce qu’ils pratiquaient la polygamie ; lui-même fut tué en 1844. Les mormons s’installèrent ensuite sur les bords du lac Salé ; la loi américaine ne leur a pas permis de continuer à être polygames. Ils ont toute une hiérarchie sacerdotale et entretiennent des missionnaires ; ces derniers n’ont pu recruter en Europe que très peu d’adhérents.

Nous ne dirons rien du spiritisme et de la théosophie, religions écloses également au siècle dernier. Elles empruntent leurs croyances essentielles au bouddhisme, au christianisme et aux spéculations théologiques de l’Inde ; leur morale est complètement dépourvue d’originalité ; leurs pratiques cultuelles s’inspirent de procédés que n’ignoraient pas les sorciers d’autrefois. Et nous arrêterons là le tableau des aberrations humaines, qu’une étude impartiale des religions nous obligeait à faire.— L. Barbedette.

Bibliographie. – Il importe avant tout de consulter les recueils de livres sacrés, les encyclopédies des sciences religieuses, les collections de textes historiques ou théologiques qui permettent de suivre la marche évolutive des dogmes et des rites, les publications savantes, en particulier la Revue de l’Histoire des Religions, qui tiennent leurs lecteurs au courant des découvertes de l’exégèse rationaliste. Pour les religions non chrétiennes, il sera utile de consulter particulièrement le Manuel général d’histoire des religions, de Chantepie de la Saussaye ; pour le christianisme, l’Encyclopédie de théologie protestante, de Hauck. Beaucoup d’autres dictionnaires, encyclopédies ou recueils divers seraient à citer. Quoique déjà anciens, les ouvrages de Bayle, Fontenelle, Voltaire, Dupuis, Strauss, Burnouf, Darmesteter, Reuss, Renan, etc., gardent une sérieuse valeur. Voici, en outre, une liste d’ouvrages modernes qui méritent de retenir spécialement l’attention :

Alfaric : La première vie de Jésus, l’Évangile de Marc ; Pour comprendre l’Évangile de Jésus ; Le Jésus