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en état de refuser. Ils n’ignorent pas que lorsqu’une réforme touche aux fondements mêmes du mécanisme autoritaire : État et capitalisme, elle se heurte à la résistance désespérée des pouvoirs établis et que cette résistance ne peut être brisée que par l’élan révolutionnaire. Ils n’attachent de prix qu’aux moyens employés directement par le prolétariat en travail d’émancipation, et ils ont la certitude que, en aucun cas, en aucune conjoncture, celui-ci ne s’affranchira véritablement sans recourir à l’unique instrument de sa libération : la révolution sociale triomphante.

L’erreur du réformisme, c’est de s’imaginer que, par étapes successives, de petits profits en conquêtes secondaires, il est de force à faire l’économie d’une Révolution, et que ces victoires totalisées aboutiront à la transformation sociale.

Que les groupements, organisations et partis bourgeois, même les plus avancés, placent leur confiance dans cette méthode de propagande et de combat qui se meut dans le cadre de la légalité en cours et des institutions qui agissent à l’intérieur et dans les limites de ce cadre, cela se comprend et s’explique. Ces partis croient ou feignent de croire à la pérennité de l’État et de la Propriété individuelle. Ils ne conçoivent pas que celle-ci et celui-là puissent disparaître et que la vie sociale puisse être organisée sans le maintien de la propriété privée et en l’absence de l’État. Il est donc naturel qu’ils élargissent et multiplient les réformes et ne leur assignent comme limites extrêmes que les frontières tracées par les nécessités de la domination politique, l’État, et de l’exploitation économique, le capitalisme. Ils sont dans leur rôle, lorsqu’ils consentent, par les réformes, à faire la part du feu. Elle est rationnelle, elle est adroite et astucieuse, la manœuvre par laquelle, grâce à de minuscules concessions, ils parviennent à endiguer le flot qui menace de les submerger, à apaiser ou détourner les colères que suscite l’accumulation de leurs fautes et de leurs crimes. De leur part, cette tactique a sa raison d’être : elle est ruse de guerre et savante stratégie.

La sauvegarde de l’organisation sociale dont ils sont les bénéficiaires pousse les profiteurs du régime actuel dans la voie des réformes. Cette voie est pour eux, provisoirement du moins, celle du salut. Il est donc juste de reconnaître que, la mise en pratique de la méthode réformiste étant éminemment favorable à la défense de leurs intérêts de classe, les privilégiés ont cent fois raison de s’en servir. Par contre, il est évident que, nécessaire à la défense des intérêts de la bourgeoisie, le réformisme ne peut être que contraire et nuisible aux intérêts de la classe prolétarienne, et il convient de condamner sévèrement le réformisme pratiqué par les partis politiques et les organisations syndicales qui inscrivent en tête de leur programme d’action la lutte à mener, jusqu’à la victoire, contre les institutions qui servent de rempart à la classe qui gouverne et exploite.

Car le réformisme est lourd de conséquences mortelles à l’affranchissement du travail et des travailleurs. Il mène à l’abandon de toute action s’inspirant de l’esprit de classe et conduit insensiblement au collaborationnisme, c’est-à-dire à la conjugaison de plus en plus étroite des intérêts – essentiellement contradictoires, pourtant – de la classe riche et de la classe pauvre, de la classe qui gouverne et de celle qui est gouvernée. Il jette dans la position respective des organisations et des partis une confusion qui obscurcit les problèmes les plus clairs et complique les questions les plus simples. Il dérive le cours des énergies fécondes et l’enlise dans les méandres inextricables des tractations sans fin, des pourparlers sans issue et des conciliations sans résultat. Il endort le cran révolutionnaire des masses opprimées et exploitées ; il affaiblit, déconcerte et démoralise les éléments les plus ardents et les plus actifs du courant qui emporte la conscience populaire

vers la conquête des points névralgiques et les réalisations ayant un sens social précis et une portée indiscutable. Il absorbe, petit à petit, au service des améliorations douteuses et des modifications à double tranchant, des efforts qui seraient autrement efficients s’ils s’employaient à des tâches sérieuses et à des buts plus élevés et plus amples.

Le Réformisme détourne le regard du firmament où brille l’étoile qui indique la direction à prendre et la route à parcourir, en inclinant les petits esprits et les volontés fragiles – hélas ! C’est le plus grand nombre ! – à perdre de vue l’étoile libératrice, qu’ils accusent d’être trop haute et trop loin, et à remplacer celle-ci par les vers luisants, humbles lucioles qui parsèment l’ornière. — Sébastien Faure.


RÉGÉNÉRATION n. f. du latin regeneratio. Reproduction d’un tissu, d’une partie qui a été détruite : la régénération des chairs ; la régénération du tissu osseux par le périoste. Au figuré : réformation, renouvellement : la régénération des mœurs ; la régénération d’un peuple. En termes de religion et en parlant du baptême, signifie Renaissance : la régénération en Jésus-Christ.

En biologie, on appelle régénération la formation nouvelle d’une partie enlevée à un organisme. Elle se fait normalement, physiologiquement. Chez tous les insectes, à la suite de la mue des poils, des plumes, des écailles, ou des épithéliums ; c’est à peu près la seule que l’on constate chez les mammifères, les oiseaux, les reptiles, les poissons, les mollusques et les arthropodes aériens. Mais on peut observer chez les autres animaux une régénération anormale, accidentelle ou pathologique, dans laquelle les organes entiers ou même des portions d’individu peuvent se reformer après avoir été enlevés. Chez les batraciens urodèles, par exemple, la queue, les pattes, l’œil et les branchies régénèrent. Les crabes reforment leurs pattes, les vers leur queue, les étoiles de mer leurs bras. Cette faculté surprenante de reformer un organe enlevé ou détruit expliquerait, dans bien des cas, le phénomène d’auto amputation que l’on observe chez certains animaux.

Régénération de l’espèce humaine. — On entend par là une méthode de sélection volontaire, raisonnée, comprenant deux parties : l’une négative, l’abstention procréatrice des tarés, des dégénérés, des déficients de toute nature par l’emploi des moyens anticonceptionnels, ou par la stérilisation, consentie ou imposée, selon les cas, par l’opération chirurgicale dite vasectomie (voir ce mot) ; l’autre par l’application des méthodes eugéniques, ou science de la bonne naissance.

Dans les sociétés modernes, la sélection naturelle qui consacre généralement la survivance des plus forts, des plus beaux et des mieux doués, est plutôt renversée. Par les guerres, les jeunes, les forts, les sains, ceux qui ont les plus grandes chances de devenir les meilleurs reproducteurs sont sacrifiés. Par le privilège de la richesse, les individus les plus propres à la procréation de beaux enfants sont presque toujours supplantés à l’avantage des vieux, des tarés, des dégénérés : il est plus facile à un homme âgé, usé, laid et même infirme, mais riche, de fonder une famille qu’à un homme jeune, beau, d’intelligence droite, mais pauvre. Il s’ensuit, alors, une sélection à rebours, une véritable dégénérescence de l’espèce.

Ligue de la régénération humaine. — Hist. Fondée en 1896 par Paul Robin, section française de la Ligue Universelle de la régénération humaine, dont le secrétaire général était Eugène Humbert ; elle fut dissoute en 1908, son organe mensuel avait pour titre Régénération (voir au mot Malthusianisme).

Après la promulgation de la loi scélérate du 31 juillet 1920, qui punit de prison – jusqu’à trois années – et d’amende – jusqu’à trois mille francs – la propagan-