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dre les problèmes humains. S’il en est ainsi, les Religions sont irrémédiablement condamnées. En avouant leur impuissance formelle à les fonder sur la raison, les défenseurs des croyances et des mystères religieux confirment notre thèse. Ils n’ont plus d’autre ressource que de barrer la route à l’examen, à la critique. Ne touchez pas aux « vérités surnaturelles » ! Ce sont des choses éminemment respectables et sacrées… Ne troublez pas la candide quiétude des âmes que la religion aide à vivre !

Ainsi, c’est au nom de la Tolérance ( ?) que l’on demande au Rationalisme de mettre la Lumière sous le boisseau, de ne pas combattre le Dogme et de laisser le champ libre à l’Obscurantisme. Pendant ce temps, les gens d’Église enseignent leurs calembredaines à des enfants de six ou sept ans. N’ignorant pas que l’adulte serait réfractaire à leurs fausses conceptions, ils tiennent à prendre d’abord l’enfant. La Religion lui sera inculquée tyranniquement. Le prêtre usera de tout son ascendant pour dominer et faire plier la jeune conscience. Il fera même appel à la peur, et n’hésitera pas à faire intervenir le terrorisme de son Dieu impitoyable, les lugubres (et cocasses, à la fois) images de l’Enfer, du Purgatoire et du Diable.

C’est au nom de la Liberté Humaine que le Rationalisme intervient en faveur de l’Enfant. Le cerveau de celui-ci doit être préservé de toute déformation autoritaire. L’éducateur se bornera, sans faire pression sur lui, à mettre à sa disposition les éléments indispensables à sa formation harmonieuse et à son évolution normale. Le Rationalisme constitue la seule méthode véritablement émancipatrice, non seulement dans le domaine religieux, mais dans tous les autres domaines politiques ou sociaux. L’homme n’aboutira à rien de grand aussi longtemps que la Raison sera méconnue et sacrifiée au nom des intérêts de classe ou de caste. Comment la Paix, comment la Justice et la Fraternité pourraient-elles être réalisées en dehors de la raison ? Travaillons donc sans répit à éduquer les hommes, à fortifier les consciences, à développer en l’individu un idéal logique, élevé, puissant. C’est seulement ainsi que l’humanité pourra se libérer et grandir. — André Lorulot.


RATIONNEMENT n. m. Le rationnement s’impose dans deux cas : soit par suite de sous-production, soit pour éviter les conséquences des excès de consommation (au point de vue alimentaire surtout). Le rationnement est artificiel quand il résulte de la mauvaise répartition des produits du travail. Étant donné un groupement humain dont les besoins vitaux sont connus, en société égalitaire, le rationnement ne peut s’imposer que lorsqu’il y a impossibilité de satisfaire entièrement à tous ces besoins. Il faut dire que, dans ce cas, le rationnement ne sera jamais qu’une mesure transitoire, valable pour la période de passage de la société capitaliste à la société libertaire. En très peu de temps, en effet, le travail de tous les membres de cette société suffira à donner « à chacun selon ses besoins ». L’humanité est arrivée à une époque où, par l’emploi du machinisme, l’individu peut être totalement libéré des soucis qui le hantent depuis l’âge des cavernes (nourriture, vêtement, logement, sécurité). Encore faut-il que, par la révolution (ou par des révolutions), il se débarrasse des parasites qui le dominent et l’exploitent.

En période actuelle, il y a toujours rationnement forcé pour la classe prolétarienne, qui ne peut consommer selon ses besoins par suite de la répartition défectueuse des richesses. Il n’y a jamais rationnement pour les riches. Même aux périodes de sous-production vitale (guerre), les puissants ont pu échapper aisément aux effets du rationnement (constitution de stocks, complaisances et complicités avec les maîtres de l’heure). Le chômage a pour conséquence un rationnement inten-

sif de la classe ouvrière, mais, par le jeu des contradictions économiques que le régime porte en lui, il est facteur de la décomposition même de ce régime et il aggrave la crise sociale. Et lorsqu’un trop grand nombre d’individus souffre de misère tandis qu’une minorité de gavés détient les moyens de production, il y a déséquilibre total et, par suite, les conditions de rupture sont remplies ; l’explosion devient inévitable. L’aveuglement d’une grande partie de la masse inconsciente ne fait que retarder l’heure de cette rupture, mais bientôt cette masse est entraînée par les éléments sains et elle apporte sa pierre à la construction sociale nouvelle.

Autre chose est le rationnement volontaire de l’individu, qui a pour but de prévenir les conséquences des excès de consommation alimentaire, et le rationnement forcé qui doit réparer ces conséquences, une fois l’imprudence commise. Ce rationnement sera certainement la règle générale à observer lorsque l’individu pourra consommer à satiété. Il est, dès maintenant, la règle de santé pour tous ceux qui consomment trop. Et ceux-ci sont relativement nombreux. Viande, alcool, tabac sont nocifs et trop souvent consommés avec exagération. Il a été constaté, en Allemagne en particulier, pendant la période de blocus, au cours de la guerre de 1914-1918, la quasi disparition du diabète, de la goutte et de nombre d’affections ayant pour origine un excès d’alimentation. Ces mêmes maladies ont réapparu dès que le ravitaillement a pu redevenir normal, c’est-à-dire dès qu’il n’y a plus eu rationnement. Que l’individu soit donc bien pénétré de cette idée que si, par la révolution, il peut un jour satisfaire à tous ses besoins, il sera de son intérêt même de se limiter. Dépasser la ration indispensable au maintien du corps en bon état de santé, sacrifier à des vices – tous artificiels – qui usent prématurément la machine humaine, cela serait se forger de nouvelles chaînes, cela serait s’avilir. Le rationnement – du latin ratio, raison – procèdera alors de la raison, maîtresse souveraine des instincts et seule conductrice des hommes. — C. B.


RÉACTION n. f. Employé dans le langage, soit scientifique, soit ordinaire, le mot réaction possède de nombreux sens ; nous en retiendrons un, celui d’opposition au progrès. Doivent être qualifiés réactionnaires tout mouvement, toute doctrine, toute institution qui arrêtent le genre humain dans sa marche en avant. Parce que ce terme possède un sens péjoratif, les politiciens l’emploient volontiers quand il s’agit de leurs adversaires ; et nous assistons à ce spectacle comique de conservateurs forcenés, de notoires soutiens du capital et de l’armée qui, en parole, s’affichent hommes de progrès. Des prêtres poussent l’audace jusqu’à prétendre que l’incroyant retarde. Bien que réactionnaires dans le domaine social, politique, religieux, les riches s’estiment à l’avant-garde de leur époque, quand ils suivent les caprices de la mode en matière de vêtement ou d’auto. Pourtant, la perfection ne s’identifie ni avec la nouveauté, ni avec la fantaisie, comme le supposent trop de civilisés. Ajoutons qu’un mouvement, même révolutionnaire à l’origine, et préconisant des réformes utiles, se stabilise fréquemment, par la suite, dans une attitude régressive ; le politicien avancé d’aujourd’hui peut se réveiller réactionnaire demain. Mais tout devient clair, lorsqu’on accepte pour critérium du progrès le perfectionnement de l’espèce humaine. Ce dernier, n’ayant pas de limite, comporte une marche en avant ininterrompue ; et l’on conçoit qu’il se mue en réactionnaire, l’individu qui, s’étant avancé même très loin, prétend s’arrêter de façon définitive, alors que d’autres le dépassent considérablement. Toute nouveauté, toute invention, si ingénieuses soient-elles, qui s’opposent au perfectionnement physique ou mental de l’homme, s’avèrent des régressions. Lorsqu’ils doi-