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particulier ne persuaderait à une société tant soit peu assise que là où la loi n’a rien à punir, elle peut porter la peine, uniquement pour prévenir un danger. » Jamais les gouvernants, Guizot le premier, lorsqu’il fut ministre, n’ont hésité à prendre des mesures injustes, mais utiles à leurs partisans.

Les plus adroits, nous en convenons, n’oublient pas d’égarer l’opinion publique en couvrant leurs forfaits du manteau de la morale, de la religion, de l’honneur, etc… Cette conception qu’on peut appeler classique, fut celle d’un grand nombre de spiritualistes au XIXe siècle. Les sanctions prenaient à leurs yeux l’aspect de véritables expiations, de châtiments qui devaient être proportionnés à la gravité du manquement moral. Circonstances atténuantes et aggravantes permettaient seulement au juge d’adapter la peine à la responsabilité. On présumait l’existence de l’a liberté morale dans tout acte répréhensible, et cette liberté on la supposait identique chez tous. Plus voisine de la théorie de de Maistre et des théologiens catholiques qu’il ne semblerait au premier abord, cette doctrine témoigne cependant d’un effort vers la laïcisation de la justice. Comme elle ne répond point aux idées modernes, on l’abandonne de plus en plus. En grande majorité, constate Tarde, les juristes « malgré leurs convictions religieuses, commencent à rompre l’antique association d’idées entre la liberté et la responsabilité — je pourrais citer Cuche, Moriaud et d’autres — et sont bien près de regarder le libre arbitre, à leur exemple, comme n’ayant rien à voir avec la responsabilité morale et pénale. À vrai dire, ce qu’on retient du libre arbitre, pour complaire, pense-t-on, il la conscience populaire, n’est-ce pas le nom plus que la chose ? Tout en disant qu’aux yeux du peuple la responsabilité implique la liberté, on ajoute que la liberté, telle que le peuple la conçoit, c’est tout simplement la normalité physiologique. Ce qui fait la mesure de son indignation, ce n’est pas le degré de liberté que l’acte implique, c’est le degré d’intérêt ou de répulsion que l’agent lui inspire d’après la nature de son caractère, révélé par ses actes et ses paroles. Autant vaut dire que la conscience populaire, en prononçant son verdict, se préoccupe de savoir non si l’acte incriminé a été libre…, mais s’il a été conforme au caractère permanent et fondamental de l’accusé ». Obligation, responsabilité, sanction ne sont, pour la plupart des juristes actuels que des institutions sociales, sans rapport avec le libre arbitre des métaphysiciens et le devoir des moralistes. En bonne logique, ils devraient conclure qu’il n’existe en soi ni bien ni mal et que les lois pénales reposent uniquement sur l’intérêt du groupe ou plus exactement de ceux qui le commandent. D’ordinaire, ils cherchent une solution mieux adaptée à l’hypocrisie des bien-pensants. Fidèles à l’exemple que leur donnait l’école utilitaire, quelques penseurs l’ont osé néanmoins. Dans la peine, ils ne voient « qu’une mesure de défense et de sécurité publique analogue aux mesures préventives prises à l’encontre d’un animal dangereux ou d’un fou ». Et si plusieurs déclarent qu’il faut soigner le délinquant, le guérir, non le punir, car il est victime de son milieu des conditions économiques, de son tempérament, beaucoup d’autres se montrent impitoyables à son égard. Gustave Le Bon ne croit ni à la liberté, ni aux entités morales fabriquées par les métaphysiciens, il ramène tout à l’intérêt. Il déclare, dans un livre écrit avant guerre : « Pour arriver aux répressions nécessaires, il faudra guérir le public de son humanitarisme maladif et la magistrature de ses craintes. Quelques indices, bien insuffisants encore, permettent cependant d’espérer un peu cette guérison… Les humanitaires sont, indirectement mais sûrement, beaucoup plus dangereux que les bandits… Lorsque le danger sera devenu trop aigu, et qu’un nombre suffisant de philanthropes aura été éventré, notre sentimentalité s’évanouira rapidement.

Alors, comme les Anglais, nous emploierons des moyens efficaces, les peines corporelles surtout. Quand les 30.000 apaches qui infestent Paris auront acquis la solide conviction qu’au lieu d’une villégiature en Nouvelle-Calédonie ou dans une prison bien chauffée, ils risquent le fouet, un labeur forcé et la guillotine, le travail leur semblera préférable au vol et à l’assassinat. En quelques semaines, Paris sera purgé de son armée de bandits. Nos législateurs découvriront alors que de toutes les formes d’imbécillité connues, l’humanitarisme est la plus funeste, aussi bien pour les individus que pour les sociétés. Il a toujours constitué un énergique facteur de décadence. » Gustave Le Bon, qui n’aimait que l’assassinat légal, aura eu la joie de voir l’humanitarisme s’évanouir tout à fait de 1914 à 1918. Avec une telle doctrine, la discussion devient inutile ; elle n’invoque pas hypocritement la morale et la vertu ; elle ramène le droit de punir à une question de force et d’intérêt sordide. Entre le délinquant et la société, il y a lutte ; cette dernière n’a rien à dire si le premier est le plus fort. Mais, comble de l’impudence ! maints auteurs modernes osent prétendre que la peine a pour but, non de châtier le coupable au sens traditionnel du mot, mais de l’avertir et de l’amender. « La peine, écrit Saleilles, a un but social, qui est dans l’avenir ; jusqu’alors on ne voyait en elle qu’une conséquence et comme une suite nécessaire d’un fait passé, sans référence à ce qu’elle pouvait produire dans l’avenir. Aussi ne produisait-elle que des récidivistes ! On veut voir aujourd’hui le résultat il obtenir… Et par suite, la peine pour chacun en particulier doit être appropriée à son but, de façon à produire le maximum de rendement possible. On ne peut ni la fixer d’avance d’une façon stricte et rigide, ni la régler légalement d’une façon invariable, puisque le but de la peine est un but individuel qui doit être atteint par l’emploi d’une politique spéciale appropriée aux circonstances. » Mais est-ce pour amender le coupable qu’on le condamne à mort ? Et depuis quand la prison et le bagne sont-ils des écoles de vertu ? Juges, policiers, gardes-chiourme voudraient seulement convertir le condamné ! Laisse-moi rire ; les faits sont là pour contredire ceux qui prêtent de si belles intentions, tant aux enjuponnés des tribunaux qu’aux argousins des prisons. De plus, en ramenant la répression judiciaire à un art de guérir et d’améliorer moralement l’individu, n’est-ce pas reconnaître que l’on est incapable de légitimer le droit de punir, que la société s’attribue ? Cet aveu nous suffit et nous arrêterons là l’examen de théories que l’on a multipliées sans profit. Nous repoussons le droit de punir. Nous admettons, par contre, le droit de légitime défense. C’est grâce à lui qu’en régime libertaire l’individu sauvegardera sa personne contre les attaques d’adversaires malveillants. Nous n’avons pas à sacrifier notre vie aux caprices d’un injuste agresseur, ni à souffrir qu’il nous violente ou nous exploite. Respectueux de la liberté des autres, nous pouvons exiger qu’ils respectent la nôtre. Un second droit, qui nous paraît incontestable, c’est le droit à réparation pour les dommages injustement subis. On m’a dérobé mes instruments de travail ; je découvre le ravisseur et l’oblige a me les rendre. Bien entendu, il ne saurait être question de pénalité et un libertaire ne voudra pas recourir ft l’oppressive action des tribunaux ; mais il sera dans son droit en exigeant la restitution. Il ne faut violenter personne ; pas davantage il n’est bon de se laisser violenter par autrui. Repousser la force par la force, c’est se défendre, ce n’est pas punir. Quant au droit à réparation, l’ouvrier qu’on exploite est fondé à en user contre son patron. — L. Barbedette.


PURGATOIRE n. m. (du latin : purgatorius, de purgare : purger). Le purgatoire est un lieu intermédiaire entre le ciel et l’enfer, où les âmes qui n’ont pas entiè-