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médecin de la famille, ou, à leur défaut, par les parents ; mais ceux-ci sont, presque toujours, de très mauvais éducateurs.

Alors, du fait que les enfants seront libérés de toutes ces idioties dont on embue leur petite intelligence, et comprendront le mystère de la vie humaine par comparaison avec les métamorphoses de plantes ou d’insectes, il naîtra dans leur conscience toute une prophylaxie mentale qui les mettra à l’abri des curiosités malsaines de la puberté, et en fera des êtres normaux, psychiquement et physiologiquement parlant. Il n’y aurait pas tant d’adeptes de Sodome et de Lesbos si la franchise sexuelle existait chez l’enfant dès son tout jeune âge, à commencer par le nudisme intégral.

Nous ne nous écarterons pas de notre sujet en parlant de la tendance actuelle à niveler les classes de la société ; et le résultat s’en fera nettement sentir d’ici peu, car 1932 voit la suppression du ministère de l’Instruction publique et son remplacement par le Ministère de l’Éducation nationale. Cette année voit aussi la gratuité de l’instruction dans les lycées. Et, pour bien montrer l’état d’esprit de la jeunesse actuelle, je veux citer la fin d’un discours prononcé cette année, au banquet des anciens élèves du lycée Pierre Loti, à Rochefort, par un élève de philosophie, invité : « Depuis plusieurs années, les élèves de l’école primaire supérieure et les élèves du lycée ont appris que la diversité des programmes n’élevait pas d’irréductibles obstacles à une réciproque compréhension. Les règles de la vie commune, le zèle simultané aux exercices du corps comme aux travaux de l’esprit, les conversations et les débats à cœur ouvert, les hasards irraisonnés de la sympathie : tout concourt à effacer les barrières factices, les préjugés sans fondement, les égoïsmes nés d’une mutuelle ignorance. La jeunesse reconnaît la jeunesse, et sait lui tendre une main fraternelle par-dessus les institutions et les doctrines. Le travail a toujours la même valeur humaine, parce qu’il a toujours la même dignité… Aux paroles merveilleuses que chantent Homère et Virgile, voici que s’unissent le bruit des machines et la rumeur studieuse des ateliers. Puisse cette symphonie, d’abord étrange, vous sembler le symbole du Présent et du Futur. »

Voici donc un pas de fait vers cette éducation « mondiale », chère à beaucoup, qui mènerait à la Fraternité universelle.

J’ai dit, plus haut, que chaque être, dès son jeune âge, devra être guidé pour obtenir de la vie le maximum de ses bienfaits. Cependant, donnez les mêmes conseils à deux individus et suivez-les dans leur réalisation : l’un réussira, l’autre échouera ; l’un aura de la chance, l’autre, jamais.

C’est qu’il y a des quantités d’éléments impondérables qui viendront se greffer pour faire la chance de celui-là, la malchance de celui-ci. Ne peut-on donc devenir maître de sa destinée ? On peut tout au moins mettre beaucoup d’atouts dans son jeu, quand on joue le bonheur de sa vie, en s’appuyant sur ces trois facteurs indispensables : l’ordre, la méthode et la confiance en soi.

Malheureusement, il y a des contingences qui peuvent venir contrarier cette harmonie que devrait être la vie : l’hérédité bonne, qui fera de ce jeune homme un individu sain, intelligent, bien armé pour la lutte, donnera à cet autre, si elle est lourde, un handicap néfaste : victime de diathèses multiples, tuberculeuses, syphilitiques, alcooliques, bref, dégénéré au moral comme au physique, il paiera à la société cette dette accumulée sur sa tête par les tares pathologiques de ses parents.

En résumé, la prophylaxie mentale devra guider l’individu pour obtenir le plus de réussite possible dans la vie. Pour cela, il lui faudra un peu de psychologie, beaucoup d’intuition, une propreté morale et physique.

Ce qu’on appelle la « cote d’amour », due à un physique agréable, à une facilité d’élocution, ne peut qu’aider à cette réussite. En tout cas, celle-ci donnera la confiance en soi, et permettra d’obtenir mille petits avantages que n’auront jamais les timides et les endormis.

Prophylaxie sociale. — Nous parlerons en dernier lieu de la prophylaxie sociale ; et pourtant nous aurions dû la mettre en première ligne, car c’est bien d’elle que dépendent toutes les autres. Lorsqu’on veut qu’une graine germe bien, qu’un plant d’arbre fruitier se développe et donne son rendement maximal, que fait-on ? On soigne le terrain, on y ajoute les éléments déficients.

De même pour les animaux : quand on veut un produit parfait, on sélectionne les pères et mères et l’on entoure la procréation de tous les soins possibles. Et que fait-on pour l’animal doué de raison qu’on appelle l’homme ? Rien. On ne l’éduque même pas sur ses devoirs de procréateur. On le jette dans la vie « au petit bonheur la chance », fabriquant des enfants sans se rendre compte de l’acte formidable qu’on va faire : créer de la vie !

Ah ! Vous croyez avoir le droit de la créer, cette vie ? Et vous, mère, vous croyez avoir le droit de mettre cet enfant au monde ? Ce droit, vous l’avez, mais à une condition : c’est que vous serez sûre que l’être qui naîtra aura en lui toutes les forces, toutes les possibilités d’une nature saine, exempte d’une hérédité lourde ou même douteuse. Voulez-vous me croire – et c’est un médecin qui vous parle : tout le problème de la rénovation sociale et de la procréation est inclus dans une seule formule :

Soyez sains. Restez sains. Redevenez soins.

Je l’explique en deux mots.

Faites des enfants si vous êtes sains, père et mère, c’est-à-dire si vous n’avez pas une hérédité scrofuleuse, tuberculeuse, syphilitique ; si vous n’avez pas acquis vous-mêmes la tuberculose ou la syphilis ; ou bien si, l’ayant, vous êtes guéris de ces diathèses avant de vous marier. Et encore, je ne parle pas des alcooliques, des épileptiques, de tous les tarés du système nerveux.

Je pose donc en principe que c’est un crime de mettre un enfant au monde si vous n’êtes pas sûrs, parents, de lui léguer un terrain sain dans lequel travailleront ses organes dans une parfaite intégralité physiologique et euphorique.

Posé cet axiome, tout ce qu’on nous raconte sur la natalité n’est que littérature, utopie et même danger, car le danger sera aussi grand, pour une nation, de mettre au monde des enfants tarés que de n’en pas mettre du tout. Donc, soignez d’abord vos diathèses héréditaires ou acquises, et procréez ensuite.

Voyez-vous maintenant l’utilité du certificat prénuptial qui va son petit bonhomme de chemin ? Nous le verrons bien éclore un de ces jours. Il ne s’agit point, ici, des thèses qui intéressent le malthusianisme (voir ce mot) ; il n’est question que de la mise en pratique de l’eugénisme. Il était en honneur chez les Grecs et les Romains qui enfermaient les femmes enceintes dans le gynécée, entourées de belles statues, d’œuvres d’art splendides, pour qu’une imprégnation subconsciente vînt former un être beau et fort. Ils le pratiquaient aussi, ces mêmes peuples qui sacrifiaient impitoyablement les nouveaux-nés tarés ou malingres. Que la société prenne donc l’enfant sain, d’où qu’il vienne, et ne jette pas son injuste réprobation sur la fille-mère. On se plaint de dépopulation. Protégez la fille-mère et son rejeton. Vous ne verrez plus les avortements pulluler à tous les étages de la société, et ouvrant la porte à la prostitution, à la criminalité.