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retrouve réellement que dans les manifestations artistiques grecques ou latines.

Plus près de nous, nous voyons évoluer deux écoles sportives que l’on commence à envisager avec une curiosité sympathique : c’est le Naturisme, des frères Durville, et le Nudisme, de Kienné de Mougeot. Et ceci rentre bien dans notre étude, car la thalassothérapie et l’héliothérapie, c’est-à-dire les bains de mer et les bains de soleil, réclament, pour obtenir un maximum bienfaisant, une nudité absolue. Les nudistes affirment, d’ailleurs, que le nu est plus chaste que le demi nu, et que si, dès le jeune âge, on habituait les enfants des deux sexes à vivre ensemble à l’état de nature, ils n’auraient pas, plus tard, les curiosités malsaines de la puberté. L’éducation sexuelle en serait d’autant facilitée.

Voilà donc, envisagé dans ses grandes lignes, ce qui touche à la prophylaxie hygiénique.

Voyons rapidement, maintenant, les chapitres de la prophylaxie thérapeutique.

Ils embrassent toutes les grandes diathèses, toutes les grandes maladies ; c’est-à-dire qu’il faudrait un livre entier, que dis-je, plusieurs ouvrages, pour développer tous les traitements nouveaux, tous les moyens de défense contre les maladies, qui sont la gloire de notre nouveau siècle, avec les sérums, les vaccins, les bactériophages, l’hémothérapie et la transfusion du sang, la radiothérapie et les rayons X ; enfin, la dernière venue, l’opothérapie ou prophylaxie et traitement par les produits des glandes endocrines.

Quatre grandes diathèses déciment l’humanité : syphilis, tuberculose, alcoolisme, cancer. Voyons les données modernes qui peuvent protéger la société contre ces maladies, dans son individualité comme dans son hérédité.

Syphilis. — La syphilis n’étant plus, heureusement, considérée comme maladie honteuse, l’individu peut être mieux guidé et conseillé, d’abord pour éviter la maladie ; ensuite, l’ayant contractée, pour préserver son entourage de tout contage. On peut mieux lui apprendre à bien se soigner et, surtout, à considérer comme un crime de donner la vie à un enfant dans de telles conditions. Des livres, des pièces de théâtre, des tracts et des articles dans de nombreux journaux le mettront en garde contre la gravité de sa maladie, si les soins ne lui sont pas donnés à temps, et surtout s’il se figure être guéri parce que les premiers accidents auront rapidement disparu. Un syphilitique a, toute sa vie, une épée de Damoclès suspendue sur sa tête : qu’il ne l’oublie jamais.

Des centres vénériens existent aujourd’hui un peu partout et donnent une marche à suivre rigoureuse pour éviter ces accidents à retardement. La vraie prophylaxie de cette maladie est un peu illusoire : c’est un peu, comme dans la pièce de Brieux, le bon ou mauvais billet tiré à la loterie de l’amour. Cependant, je crois rendre service au lecteur en lui donnant ce conseil pratique : le plus tôt possible, après un rapport sexuel suspect, faire un savonnage prolongé des organes génitaux et des régions voisines (savon blanc de Marseille et eau chaude). Frictionner ensuite légèrement ces mêmes surfaces avec la pommade suivante, qui sera laissée en place deux à trois heures :

Cyanure de Hg : dix centigrammes ;

Thymol : 1,75 g ;

Huile de vaseline : 4 g ;

Calomel : 25 g ;

Lanoline : 50 g ;

Vaseline : q. s. pour 100 g. (Gauducheau.)

Tuberculose. — Nous avons dit plus haut que l’hygiène est la clef de toute bonne santé. Jamais aphorisme n’a été aussi vrai qu’en ce qui concerne la prophylaxie de la tuberculose.

L’air confiné, les séjours dans les locaux obscurs, sales, mal entretenus, où grouillent des nichées d’enfants, voilà les facteurs de la tuberculose. Et ceux-là ne pardonnent jamais. Prenez les mêmes nichées d’enfants, faites-les évoluer en plein air, qu’ils appartiennent à des bohémiens ou à des fermes campagnardes, dans lesquelles on les verra disputer le fumier aux porcs : jamais vous ne trouverez chez ceux-ci le bacille de la tuberculose. Ah ! Des croûtes d’impétigo ou autres teignes, tant que vous voudrez ! Mais les parents vous diront que « ça n’a pas d’importance, que c’est la santé de l’enfant… », et vous n’aurez rien à répondre. La vie au grand air, les exercices physiques, les bains de soleil et de mer, voilà la vraie prophylaxie de cette terrible maladie. Quant à son hérédité, on affirme aujourd’hui qu’elle est rare : l’enfant ne naît pas tuberculeux, il naît tuberculisable.

La lutte que la société livre à cette maladie est grande et donne de bons résultats. Des dispensaires existent dans chaque arrondissement de Paris, et le timbre antituberculeux, lancé chaque année, à Paris, leur apporte une source intéressante de revenus. On a fait un peu partout des préventoriums et des sanatoriums. Des affiches, dans tous les lieux publics, défendent de cracher, car les poussières remplies de bacilles sont absorbées rapidement. Malgré tout, le pourcentage de mortalité par tuberculose est trop élevé. « Là encore, les résultats obtenus, partout où la lutte est menée méthodiquement, montrent ce que leur généralisation pourrait nous conserver de vies humaines. » (Le Matin, 27 mai 1932.)

Les Italiens sont en progrès sur nous à ce sujet. Une loi va, en effet, instituer la fiche radiologique obligatoire dans les écoles, afin que soient dépistées les lésions initiales de la tuberculose chez les enfants, « les radiologistes italiens désirant collaborer d’une façon désintéressée à la grande bataille de rénovation de la race ». (10e Congrès radiologiste italien, juin 1932.)

Alcoolisme. — Il n’y a pas de prophylaxie de l’alcoolisme : il est ou il n’est pas. Il en est de l’alcool comme de tous les poisons : c’est par sa suppression catégorique que l’on peut arriver à un résultat positif. Deux grands exemples sont là : au moment de la guerre, on a supprimé les alcools et l’absinthe ; résultat : on ne voit plus dans les rues de ces clochards ivres morts. Ceci pour la France. En Amérique, on a institué le régime sec : on en discute encore le bien ou le mal que cela a occasionné. Il est certain qu’en ce qui concerne notre pays, on peut affirmer que l’ouvrier ne s’alcoolise plus. Regardez-le au bar : il prendra un « café arrosé », un « blanc », un « rouge bord », quelquefois un « calva ». Mais l’ « anis » le dégoûte : ce n’est plus le bon « Pernod » d’autrefois, et les alcools coûtent trop cher.

Mais le vice s’est décalé, et c’est maintenant dans la classe riche qu’il sévit. L’alcoolisme règne en maître chez les buveurs de cocktails, de liqueurs à pleins « verres de dégustation » répétés je ne sais combien de fois dans une journée ou une soirée, et ce sont souvent les femmes dites « du monde » qui en détiennent le record. On peut dire que le cocktail est le poison actuel de la haute société, néfaste doublement comme alcool et comme mélange.

Cancer. — Le cancer est la grande maladie moderne, sournoise, tapant à coup sûr, sans qu’on puisse en deviner l’invasion. Certains, comme les cancers de la bouche, des lèvres, de la langue, peuvent être décelés par des spécialistes comme les dentistes avertis. Une prophylaxie bien dirigée, surtout par la suppression du tabac chez les fumeurs ou le meulage de certaines dents ou racines à arêtes coupantes, peut enrayer le mal. (Voir Tumeur.)

Dans l’état actuel de la science, on ne peut dire encore si le cancer est contagieux ou non. Il semblerait héré-