lieu) ; tendance qui, sur la Terre, mène à l’homme-créateur, lequel, conséquemment, en développant et en appliquant ses facultés créatrices, évolue vers le plus grand bien que l’homme puisse concevoir : une activité créatrice libre, complète, illimitée, de tous les hommes, au sein d’une société parfaite, basée sur cette activité, l’assurant et la favorisant.
Soulignons, ici même (afin de faire mieux comprendre l’essence du progrès et de ses facteurs principaux : la faculté et l’activité créatrices), que cette activité créatrice forme non seulement le « but » vers lequel « tend » l’évolution humaine, mais aussi, en même temps, le seul moyen d’atteindre ce but. En effet, ce n’est que par la voie de la création croissante que l’humanité parviendra à son splendide avenir. Cet avenir, c’est la vie créatrice. Et le moyen, c’est encore l’action créatrice. Sans cette dernière, l’humanité, vu les conditions spéciales de son existence, et malgré son intelligence ou sa sociabilité, serait infailliblement condamnée, soit à la dégénérescence complète et à la disparition, soit à la formation d’une société « mécanique » semblable à celle des fourmis ou des abeilles. Seules sa faculté et son action créatrices parent à ces menaces et guident l’humanité vers le triomphe définitif, affirmant sa progression au milieu et à travers des dangers, des difficultés et des obstacles de toutes espèces. Donc, le progrès en marche est formé par l’ensemble du moyen et du but, l’un étant inséparablement « soudé » à l’autre. Cette constatation est très importante pour comprendre le vrai caractère de l’évolution créatrice de l’humanité et pour arriver à des appréciations, à des déductions justes.
Précisément, nous avons dit plus haut qu’au cas où nous aurions admis le progrès, nous devrions chercher les raisons pour lesquelles la voie du progrès n’est pas absolument droite, nette, continue. En effet, l’humanité connaît, au cours de son évolution, des déviations, des interruptions, des arrêts, des égarements, voire des reculs et des régressions. D’autre part, elle est constamment contrariée et menacée dans sa marche par toutes sortes d’imperfections, de contradictions, de dégradations, de déchirements, etc…, ce qui paraît justifier la mise en doute de l’existence même d’un progrès définitif. D’ailleurs, s’il en était autrement, le problème du progrès ne se discuterait pas, car le progrès serait alors évident. Si le problème se pose, c’est justement parce que le progrès n’est pas encore bien prononcé. On ne peut pas encore le concevoir autrement que d’une façon générale, cherchant à deviner, à dévoiler les ressorts profonds et cachés de l’activité de la Nature. Et quant aux raisons de cette marche entrecoupée, inconséquente du progrès, elles sont multiples, variées et compliquées. Il nous est impossible de les analyser, comme il convient, dans ces colonnes. Bornons-nous à constater deux choses. 1° L’homme, s’étant détaché du reste des animaux (par suite d’un surcroît, physiquement à peine perceptible et, cependant, décisif, de la faculté créatrice), resta au début très près de ses ancêtres. Pour plusieurs raisons, son éloignement progressif des animaux se fit – et se fait encore – très lentement et très péniblement, sans harmonie ni concordance. Tandis que, dans certains sens, l’homme se trouva bientôt très en avance, dans d’autres il reste encore aujourd’hui presque au niveau de l’animal. La grande tragédie de l’humanité consiste justement dans ce déchirement, dans ce tiraillement entre sa situation primitive tout près des animaux, d’une part, et, d’autre part, son éloignement par une évolution spécifique, singulière et, par conséquent, disproportionnée, accidentée, difficile, vers de nouveaux horizons d’une vie humaine, créatrice. C’est cette disproportion, ce tiraillement, ce contraste entre l’avancement très prononcé dans certaines matières et le piétinement dans d’autres, qui fait surgir sur la route du progrès humain des obstacles, des diffi-
Soulignons, ensuite, que le progrès est illimité, dans ce sens et pour cette raison que ses sources – la faculté et l’activité créatrices de l’homme ainsi que les possibilités de les exercer – n’ont pas de limite, n’ont pas de « fin » (à moins de la disparition de notre monde). La création est infinie. Donc, infini est le Progrès.
Précisons enfin, brièvement, encore un point important. C’est aussi uniquement par le chemin de la création, par l’effort créateur, que l’humanité arrivera à liquider la fameuse contradiction entre le progrès individuel et le progrès social, le conflit « éternel » entre l’individu et la société, ce gros tiraillement sur le chemin du progrès. C’est par son action créatrice que l’homme réalisera la grande synthèse qui conciliera l’intérêt, la liberté, le bien-être de l’individu avec le bien-être de la collectivité. Cette conciliation est, naturellement, un des éléments les plus indispensables du vrai progrès. Or, aucune force, en dehors de l’activité créatrice de l’homme, ne pourrait y aboutir. En l’absence de cette force, l’un ou l’autre – individu ou société – aurait été finalement, et fatalement, sacrifié. (Bien entendu, plutôt l’individu que la société. Voir, encore, la société des fourmis, des abeilles, etc…). Ce n’est que par ses capacités, ses aspirations et ses réalisations créatrices que l’homme parviendra à une solution où les intérêts, la liberté, le progrès de l’individu et le bien de la société coïncideront en une harmonie parfaite. C’est en cela que la société humaine diffère de celle des animaux, lesquels, faute de l’élan créateur, sont impuissants à arriver à une solution pareille. Et cela nous dit encore que la véritable base, le vrai levier du progrès humain est la force créatrice de l’homme.
Passons à quelques déductions et, aussi, à certaines réserves.
I. D’après notre conception, la véritable base, la vraie force motrice de l’évolution dans la Nature est l’énergie créatrice qui, par la croissance continue de son intensité, et sans intervention d’un autre principe spécial, pousse l’évolution, progressivement, à travers le développement de la matière « inorganique », au phénomène de la « vie » et à l’évolution de celle-ci (là où l’évolution a lieu). Cette conception nous mène à la liquidation de la fameuse controverse entre les « mécanistes » (ceux qui réduisent le processus évolutionniste à des phénomènes purement mécaniques) et les « vitalistes » (ceux qui supposent l’existence d’un « prin-