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tertiaire. Parmi les premiers figuraient le terrible machairodus, fauve redoutable aux dents tranchantes en forme de poignards, plus redoutable encore que les chiens, les chats, les loups, les ours, les tigres et les lions parmi lesquels il vivait.

Les animaux de l’ère tertiaire ont, avec les nôtres, de grandes ressemblances. Poissons, reptiles, batraciens et oiseaux se rapprochent de plus en plus de ces derniers. Les oiseaux sont dépourvus de dents, alors que ceux des temps secondaires en avaient. Tortues, lézards, crocodiles, serpents, ont pris la place des grands sauriens. De vrais singes succèdent aux lémuriens du début de l’ère tertiaire. Bientôt surgira un être que la nature est en train de tisser dans ses flancs : l’homme.

La flore des temps tertiaires ressemblait beaucoup à celle d’aujourd’hui. Ce furent d’abord des plantes tropicales, telles que palmiers, lauriers, bananiers, camphriers, mais la température s’abaissant apparurent des arbres à feuilles caduques, tels que les chênes et les érables. Les plantes à fleurs se sont développées. Les graminées nourrissent de nombreux troupeaux d’herbivores. Les saisons commencent à se dessiner, le froid s’accroît, la glace recouvre les pôles et le sommet des hautes montagnes.

L’ère tertiaire a duré trois millions d’années. Elle a vu la naissance des grandes montagnes actuelles. À cette époque se sont formés les plissements alpins qui ont produit les Alpes, le Jura et les Pyrénées. L’Atlantique, la Méditerranée et la Manche se sont ouverts, tandis que s’effondraient d’immenses continents tels que l’Atlantide.

Voici maintenant l’époque quaternaire, qui est celle dans laquelle nous vivons. Elle a été divisée en pléistocène (pleistos, beaucoup plus récent) et en holocène (olos, tout à fait récent, temps actuels). Quels progrès réalisés depuis les temps primitifs ! Quel plus beau roman que celui des espèces se succédant en se perfectionnant, pour aboutir à la forme humaine.

Le quaternaire a donné naissance à plusieurs sortes d’animaux contemporains de l’homme et de son précurseur. Parmi ces animaux, il en est dont les espèces sont éteintes : le mammouth, l’ours des cavernes, le rhinocéros à narines cloisonnées qui appartenaient à la faune froide. Le glyptodon était un tatou gigantesque, sorte d’édenté mesurant trois mètres de long. Sa carapace a pu servir d’abri aux premiers hommes. Des oiseaux géants, tels que le Dinornis ou Moa, de trois mètres de haut, et l’Aepyornis, de la même taille, qui pondait des œufs d’une capacité de dix litres, ont également disparu. D’autres animaux de la faune chaude émigrèrent vers d’autres cieux : l’hippopotame, la panthère, l’éléphant et, plus tard, le renne et l’élan. Enfin, d’autres animaux de l’époque quaternaire vivent encore dans nos pays : le cheval, le bœuf, le cerf, le sanglier, le chien et le loup. La flore était celle d’aujourd’hui.

Le climat consistait en périodes froides séparées par des périodes chaudes, ces périodes coïncidant avec l’avance et le recul des glaciers. Inutile d’ajouter que la géographie pléistocène correspondait, dans ses grandes lignes, à celle d’aujourd’hui.

Avec le quaternaire, nous entrons dans la Préhistoire. Fin du tertiaire ou commencement du quaternaire, offrant les mêmes caractères, ont assisté à la naissance de l’homme. Celui-ci ne date pas de 4.000 ans, comme le prétendait Bossuet, prenant à la lettre les Saintes Écritures. S’il est, d’après ce qui précède, le benjamin de la nature, ce benjamin date de plusieurs milliers d’années. Il a pu apparaître au pliocène, et même au miocène. La nature, d’où il est issu, a sans doute recommencé plus d’une fois son œuvre. Il y a eu des ébauches d’êtres humains. Combien d’humanités ont disparu, avant qu’une humanité plus perfectionnée ait supplanté les autres ! Et peut-être l’être humain actuel n’est-il, au point de vue physique, et ajoutons moral, qu’une

caricature qui disparaîtra, remplacée par un être plus parfait à tous les points de vue. Mais cela, c’est le secret de l’avenir, de ce que nous appellerons la Post-histoire.

C’est à la fin du tertiaire ou au début du quaternaire, — ce qui est au fond la même chose, — qu’on rencontre des êtres intermédiaires entre les espèces de singes aujourd’hui éteintes, et l’homme actuel.

Le Pithécanthrope (de pithécos, singe, et anthropos, homme), découvert à Java en 1911, que Marcellin Boule croit être un gibbon géant plutôt qu’un hominien, tient des singes anthropomorphes par la forme de son crâne et ses arcades sourcilières proéminentes, mais par la capacité de sa boite crânienne et son attitude verticale, prouvée par la forme de son fémur, il tient de l’homme.

Dans la région de Pékin, ont été récemment mis au jour les restes d’un être intermédiaire entre le Pithécanthrope de l’Île de Java et l’homme de la race de Néanderthal (voir plus loin). On lui a donné le nom de Sinanthropus pékinensis, découvert en Chine en 1829, dans les montagnes du Hopéi occidental, dans une fente fossilifère de Tchéou-kéou-tien. La visière sourcilière de cet être est très développée.

Cet hominien connaissait le feu et vivait dans les cavernes. Il a laissé des outils de pierre et d’os. Ces objets, dont les retouches sont certaines, ressemblent aux objets pré-chelléens et chelléens (voir plus loin), sauf qu’au lieu d’être en silex, ils étaient de quartz et de quartzite. L’homme de Pékin est sûrement de l’âge du pithécanthrope ou de l’éoanthrope (eos, aurore, et anthropos, homme). Il était doué d’intelligence, c’était ce qu’on appelle un homo sapiens (l’homo sapiens a été reculé à tort, selon nous, à une époque ultérieure).

Notre ancêtre est une forme éteinte de singes anthropoïdes fossiles, et non d’un singe anthropoïde de races existant encore : chimpanzé, gorille ou gibbon. Les primates comprenaient les anthropoïdes, divisés en Platyrrhinés et Catarrhinés (de ces derniers font partie les Cynomorphes, Anthropomorphes et Hommes). Vers quelle époque se produisit la séparation des hominidés d’avec les primates ? Sans doute au tertiaire le plus ancien, ou pendant le miocène moyen. Dans l’Asie Centrale, les hominidés, croit-on, auraient évolué de l’état de quadrupèdes anthropomorphes aux formes bipèdes.

Nous pouvons maintenant aborder la Préhistoire proprement dite, caractérisée par la présence de l’homme au milieu des autres espèces animales.

Divisions de la Préhistoire. — La Préhistoire comprend plusieurs époques, chacune étant superposée sur une époque antérieure, et recouverte elle-même par une époque postérieure. Chaque époque comprend des industries caractéristiques, une faune et une flore associées à ces industries, ainsi qu’aux ossements des différentes races humaines. Au début, ce fut l’époque éolithique (eos, aurore, et lithos, pierre, en grec), ou le début de l’industrie de la pierre (celle-ci simplement utilisée, puis retouchée). Viennent ensuite les deux grandes divisions dues à Gabriel de Mortillet : le paléolithique (époque de la pierre taillée, du grec palaios, ancien, et lithos, pierre), et le néolithique (époque de la pierre polie, du grec néos, nouveau, et lithos, pierre), entre lesquels on a intercalé depuis le mésolithique, ou moyenne industrie de la pierre (du grec mésos, moyen, et lithos, pierre).

Nous ne croyons pas devoir faire entrer dans la préhistoire l’époque des métaux qui rentre plutôt dans la protohistoire (du grec protos, premier). Le paléolithique, correspondant au pléistocène (du grec pleistos, beaucoup plus, et kainos, récent) ou quaternaire ancien, a été divisé en paléolithique inférieur, moyen et supérieur. Font partie du paléolithique inférieur et moyen le pré-chelléen, le chelléen (industrie de Chelles, Seine-et-Marne), l’acheuléen (industrie de Saint-Acheul, Somme), le Moustérien (industrie du Moustier, Dordogne). Le