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(que l’on connaît imparfaitement en France) Marie Stuart, le Fiancé de Messine, etc.

Après ces deux immenses poètes, les frères Schlegel et Tieck fondent une école nouvelle. Puis, les poètes romantiques surgissent qui prêchent la haine de Napoléon : Kœrner, Ardt, Rückert, Uhland, Korner, Hebel. C’est la période patriotique, mais il faut reconnaître que ce genre de poésie a trouvé une autre expression que la nôtre, incarnée par un Déroulède. Notons, à côté de ces bardes héroïques, Chamisso et Platen, et l’école autrichienne, avec Zedlitz, Lenau, Grün, etc.

Le dernier grand poète de l’Allemagne, c’est le juif Henri Heine, qui écrivit aussi en français, très spirituellement. On lui doit des liéder, des satires comme Atta Troll où il fustige cruellement ses compatriotes. Son influence fut profonde sur la jeune poésie française, notamment sur Jules Laforgue. Depuis, l’Allemagne a vu naître bien des poètes, mais aucun d’eux n’a marqué profondément. La musique et la métaphysique demeurent les traits dominants de la culture allemande.

Poésie anglaise. — Un des plus vieux poèmes connus de langue anglaise est intitulé Beowulf. Un des premiers poètes est Chancer qui écrivit de nombreuses pièces de théâtre et traduisit le Roman de la Rose. Il faut dire que jusqu’au xive siècle, la langue anglaise n’exista point. Les conquérants normands parlaient un dialecte français ; les Anglo-Saxons parlaient leur dialecte à eux. La fusion de ces deux dialectes a donné l’anglais moderne, sans compter bien des apports étrangers. Il n’y a donc, dans les premiers siècles, que légendes brumeuses, venues des pays nordiques, comme la légende d’Hamlet qui, chose curieuse, se retrouve en Gascogne (voir à ce sujet la traduction et l’étude de Marcel Schwob). La véritable poésie anglaise apparaît un peu tard.

La Renaissance connaît son plein épanouissement sous le règne d’Elisabeth avec Spenser, l’auteur de la Reine des Fées (voir Taine), Christophe Marlowe, dont le Faust inspirera Gœthe. Et, enfin, voici l’immense Shakespeare, le dramaturge sans rival, dont on ne sait pas très bien s’il a existé en un seul individu, qui il était, qui il représentait. Mais ce problème déborde notre cadre. De même nous ne consacrerons pas une étude approfondie à ce poète qui veut une analyse à part. Qu’il suffise de noter la variété touffue de son œuvre, faite de comédies, de tragédies, de drames empruntés tantôt à des légendes : Roméo et Juliette, Hamlet, Othello, le Roi Lear, Macbeth ; tantôt à l’histoire et aux anciens : Jules César, Antoine et Cléopâtre, Richard III, etc. Parmi ses meilleures comédies, il faut citer : Le Marchand de Venise, Beaucoup de bruit pour rien, les Joyeuses Commères de Windsor, etc. L’influence qu’a exercée Shakespeare sur toutes les littératures, et particulièrement au xixe siècle, est énorme. Les Anglais lui opposent Otway génial poète dramatique, mais très inégal.

Un autre grand poète anglais, Milton, est universellement connu. Son Paradis Perdu a été traduit dans toutes les langues. C’est un poète épique et plein de lyrisme, mais d’une philosophie confuse. A la même époque, Dryden triomphe dans la satire et au théâtre.

Le xviiie siècle voit Pope, sorte de Boileau anglais ; Macpherson, qui imagine les poèmes d’Ossian, lesquels sont à l’origine du romantisme ; Chatterton, qui devait servir de sujet à Alfred de Vigny.

Au théâtre, Sheridan brille dans la comédie. Parmi les poètes secondaires, il faut citer : Cowper, Robert Burns, Wordsworth, Shelley et, surtout, Byron. Mais, déjà, nous touchons au xixe siècle et au romantisme. Wordsworth écrit des sonnets et des ballades lyriques ; Shelley, mort très jeune, atteint aux cimes du lyrisme et dans la Reine Mab, la Magicienne de l’Atlas, Prométhée, s’efforce d’élever les âmes et de guider l’Huma-

nité vers des destinées de Bonté. Quant à Byron, grand lyrique lui aussi, qui agira profondément sur Lamartine, c’est le premier héros du romantisme. Mais sa personnalité encombre son œuvre. On le retrouve sans cesse, lui, toujours lui, dans Childe Harold, Manfred et même dans Don Juan.

Parmi les modernes, Tennyson, poète très pur et abondant, presqu’un classique ; Swinburne, lyrique violent, exaspéré, et dramaturge génial. Plus près de nous, Rudyard Kipling, l’immortel auteur du Livre de la Jungle, qui est aussi un poète héroïque et fougueusement nationaliste.

Poésie italienne. — Dans l’Italie diverse, morcelée, en proie aux révoltes, les poètes sont nombreux. Presque tous sont de culture française. Le premier qu’on rencontre, Brunetti Latini, que Dante considérait comme son maître, nous a laissé un recueil de tous les poèmes épars du moyen âge, qu’il a intitulé : Trésor.

Mais, dès la fin du xiiie siècle, la Divine Comédie fait connaître partout le nom de Dante Alighieri. Ce poème se compose de trois parties : L’Enfer, le Purgatoire, le Paradis. C’est une œuvre un peu complexe, mais d’une rare puissance. Dante est accepté comme le plus grand poète d’Italie. Il a, cependant, dans un genre différent, un rival avec Pétrarque, l’immortel auteur du Canzonière, consacré à Laure. La langue de Pétrarque est extraordinairement musicale, quoiqu’un peu précieuse. Boccace, qui écrivit beaucoup en latin, compte plus comme l’auteur licencieux du Décameron que comme poète.

La Renaissance italienne se manifeste par deux poètes, l’un héroï-comique, l’Arioste, auteur du Roland furieux ; l’autre, épique, le Tasse, auteur de la Jérusalem Délivrée. Ce dernier, classé parmi les grands poètes, abuse cependant de ce qu’on appelait alors les concetti, c’est-à-dire les pointes et son style est tout d’affectation. Au siècle suivant, Maffei compose des tragédies. De même, Metastase, dont les chœurs chantés sont inoubliables. De même encore Alfieri qui vient après. Enfin Goldoni est le créateur de la comédie de caractères et mérite d’être surnommé le « Molière italien ».

Le xixe siècle débute avec Monti, auteur tragique, et Léopardi, poète amer, néantiste, pessimiste. Puis, c’est Carducci, le grand poète national italien qui s’impose. Il fait songer, par l’abondance de ses images, par sa richesse et sa couleur, à Victor Hugo, alors que Léopardi rappelle plutôt Vigny. Antonio Fogazzaro est un poète idéaliste. Et voici Gabriele d’Annunzio qui, en dépit de ses aventures politiques, reste le poète le plus brillant et le plus pur, parmi les contemporains. Après lui, c’est une mêlée confuse. Le futurisme fait son apparition avec Marinetti, qui opère aussi en France, lance des manifestes retentissants à travers tous les pays, proclame qu’il faut mettre le feu aux bibliothèques et aux musées, renouveler l’art et la poésie, ouvrir les portes aux Barbares… Aujourd’hui, Marinetti est de l’Académie de Mussolini. Le futurisme n’est plus que du passé.

Autres pays. — L’Espagne a ses poèmes de combat, ses chansons, ses romances, avec tous ses Cid Campeador. Les poètes ne font que chanter la gloire de l’Espagne, notamment Herrera. Par contre Gongora imagine une langue qui a fait fureur en France, à certaines époques et a donné naissance au gongorisme. Dans le drame et la comédie, Lope de Vega est au premier plan. Guilhem de Castro lui succède. Mais le maître incontestable est Calderon, auteur de mille cinq cents pièces environ.

A noter encore le fabuliste Yriarte, le poète comique Moreto, qui inspira Molière et Scarron, Tyrso de Molina auquel on a emprunté Don Juan. L’époque contemporaine s’enorgueillit de Zorrilla, grand poète et auteur dramatique.