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ves, sentimentales, sensuelles, les relations sexuelles sont actuellement empreintes d’une très grande duplicité. La société capitaliste affecte de ne connaître qu’une sorte d’amour : l’amour légal, c’est-à-dire l’union pour toute une vie à un être qu’avant « le mariage » on ne connaît souvent pas, qui dissimule son véritable caractère et dont, malgré le divorce, on, ne saurait, dans bien des cas, se séparer sans graves inconvénients économiques ou sociaux. L’union libre se différencie très peu du mariage, entrée qu’elle est de plus en plus dans nos mœurs. Qu’il s’agisse donc du mariage légal ou non légal, par respect des convenances, nombre d’individus « papillonnants » de nature doivent paraître « constants ». De là des cohabitations qui sont de véritables tortures et des repaires d’hypocrisie domestique. De là un raffinement de bassesse de la part des conjoints s’efforçant de se dissimuler l’un à l’autre leur véritable tempérament, nouant des intrigues qui, pour être menées à bien, exigent le mensonge à l’état permanent. Par suite : abaissement du niveau du caractère, amoindrissement général de la personnalité.

À l’amour esclave, on le sait, les individualistes anarchistes opposent la liberté de l’amour, c’est-à-dire la possibilité, pour chaque être humain, de se déterminer, femme ou homme, individuellement, au point de vue sentimental, sexuel, génital, sans imposer à qui que ce soit son propre déterminisme personnel. C’est l’entière possibilité pour l’unité humaine d’en aimer une ou plusieurs autres (synchroniquement) conformément à son déterminisme particulier. C’est l’absolue faculté de s’associer temporairement ou à titre plus ou moins durable avec un, quelques-uns ou un certain nombre d’êtres humains pour constituer des associations amoureuses volontaires.

En réponse aux critiques ou aux observations des protagonistes du mariage légal ou non légal ; les individualistes ne disent pas que l’association-couple est moralement supérieure ou inférieure à une autre forme d’union sexuelle, la camaraderie amoureuse au communisme sexuel, etc., ils veulent que toutes les formes de relations amoureuses puissent s’expérimenter ou se réaliser, du couple jusqu’à la promiscuité sexuelle, en passant par toute la gamme d’associations amoureuses intermédiaires, la propagande ou le recrutement en faveur de l’une ou l’autre forme d’association ne rencontrant aucun obstacle. Et cela dans tous les lieux et dans tous les temps.

Mais nos thèses sont trop connues pour m’y étendre. Je voudrais effleurer un sujet qui n’est que rarement traité. Outre les concessions qu’ils font au milieu social, les anarchistes militants se marient. Qu’en penser ? Ma réponse est que nous ne pouvons porter de jugements trop sommaires (à condition d’admettre qu’un « anarchiste » puisse porter « jugement » sur les faits et gestes d’un camarade, alors qu’il n’implique pas acceptation par lui d’une fonction d’autorité) sur telles concessions dont nous ne connaissons pas les motifs ultimes et profonds. Il y a des camarades qui condescendent à la formalité du mariage pour ne pas handicaper les enfants pour.le reste de leur vie, par exemple J’ai connu un compagnon qui s’est marié légalement avec une étrangère pour lui éviter d’être expulsée, alors que son existence dépendait peut-être de son séjour en France ; j’en connais un autre qui n’avait aucune famille et qui résidait souvent en prison : le mariage légal seul pouvait le laisser en relations avec le monde extérieur durant ses villégiatures pénitentiaires. J’en ai connu un troisième qui ne pouvait pratiquer la pluralité amoureuse qu’en acceptant l’union légale avec sa compagne habituelle, faute de quoi elle eût immanquablement perdu sa situation et le cama-

rade dont il s’agit n’était pas en état de lui en procurer une autre. Je pourrais multiplier les exemples.

Et alors ? La ou le camarade qui font cette concession restent, selon moi, des camarades dès lors qu’ils ne la nous présentent pas comme une réalisation d’ordre anarchiste et qu’ils ne la prennent pas au sérieux. C’est ainsi que je m’attends à trouver les anarchistes se trouvant dans ce cas de bien plus énergiques exposants et pratiquants de la liberté de l’amour que les autres. Mon choix est fait : entre un union-libriste jaloux et exclusif et un camarade marié qui n’est ni l’un ni l’autre, c’est ce dernier qui m’apparaît le plus individualiste anarchiste des deux, puisqu’il n’admet pas que sa compagne soit sa propriété. Et vice versa, bien entendu. — E. Armand.


MARINE. n. f. (du lat. mare, mer). Art. de la navigation sur mer. Ensemble des bâtiments grands et petits d’une nation.

Les premiers essais de navigation semblent avoir été faits par les Atlantes 3.000 ans environ avant J.-C., ils remontèrent tout le long des côtes et parvinrent, même jusqu’en Asie. Certains prétendent même, se basant sur les écrits d’historiens grecs, que chez eux, dans les ports, de petits bateaux se dirigeaient sans pilote comme sans rameurs, c’est ce qui donne corps à la croyance que les Atlantes connaissaient l’électricité et savaient employer les ondes.

Les Grecs ne commencèrent à s’aventurer sur mer que vers l’an 2700 avant J, —C. mais, ce n’est en réalité que vers l’an 600 avant J.-C. que la marine prit de l’importance par l’apparition des galères, lesquelles étaient actionnées par des équipes de rameurs, qui s’aventuraient sur mer, pour aller faire du commerce avec les autres continents et se battre à l’occasion ; c’est de cette façon que les Phéniciens fondèrent Carthage.

Le premier bateau qui surpassa toutes les galères établies jusqu’à ce jour fut construit 215 ans avant J.-C. sur l’ordre de Hérion II, roi de Syracuse, qui le destinait au transport des blés. Archius de Corinthe, en dressa les plans et Archimède lui-même assura la direction supérieure des travaux. Un certain Maschien, historien, raconte que ce bateau absorba plus de sapins qu’il n’en eût fallu pour construire une flotte de 60 galères, trois cents charpentiers travaillèrent sans cesse à la construction de ce monstrueux édifice qui fût nommé Alexandrin.

L’Alexandrin était un navire à voiles, mais surtout à rames, on lui donna trois ponts étagés l’un au-dessus de l’autre. Le pont supérieur restait libre ; l’on y fit asseoir les rameurs : le navire d’Archius était un navire à vingt rangs de rames.

Comme tous les bateaux de cette époque qui servirent en même temps pour le commerce et pour la guerre, la défense de l’Alexandrin était assurée par des tours dans lesquelles étaient placées des lithoboles qui lançaient à la distance de près d’une encablure des pierres du poids d’environ cent kilos. En cas de voie d’eau, la vis sans fin, inventée par Archimède, intervenait sur l’heure pour élever l’eau introduite dans la cale. Le navire était muni de quatre ancres en bois et de huit en fer ; son premier voyage eut lieu de Syracuse à Alexandrie.

Peu de temps après, Ptolémée Philopala enchérissait encore sur la tentative hardie d’Archimède et d’Archius en faisant mettre en chantier un navire dont le mouvement était imprimé par quatre mille rameurs. Les dimensions du navire sont les suivantes : longueur du pont 130 mètres ; largeur 18 mètres ; 26 hommes tirent sur chaque aviron, lequel dépasse 17 mètres de long. L’équipage se compose de 400 matelots qui manœuvrent les voiles et les ancres et de deux mille huit