rien n’est supérieur, pour rendre la vie agréable et féconde, à de solides et durables affections. Mais la fraternité qui me plaît repousse toute contrainte, toute inégalité, tout conformisme, quels qu’ils soient. Hiérarchie, obéissance, autorité sont des mots qu’elle ignore ; c’est au cœur, éclairé par la raison, qu’elle demande d’harmoniser les volontés. En fondant la Fraternité Universitaire, au début de 1921, c’est une association de ce genre que je me proposais d’établir. Voici d’ailleurs ses principes : « Placée au-dessus des écoles et des partis, la Fraternité Universitaire demeure ouverte aux volontés droites et aux cœurs généreux sans distinction de croyance ou de position. Ignorante de toute hiérarchie comme de toute contrainte, elle ne connaît d’autres règles que celles de la confiance et de l’amitié. Les formules stéréotypées, les cadres rigides ne sauraient être son fait ; elle entend s’adapter incessamment aux conditions nouvelles du devenir social. » Contrairement à ce que son titre semblait indiquer, elle s’adressait à tous les intellectuels, non aux seuls universitaires. Mais il fallut pratiquer une rigoureuse sélection, basée sur le caractère, le genre de vie, les dispositions du cœur et de la volonté. Onze ans de pratique m’ont persuadé qu’une sévère sélection morale peut contrebalancer l’absence de sanctions. Axel-A. Proschowsky n’a pas tort de compter sur l’eugénisme pour opérer cette sélection, plus tard ; de nouvelles découvertes d’ordre psychologique ou biologique pourront encore faciliter singulièrement la tâche de ceux qui nous suivront. Dès aujourd’hui, elle est possible quand on s’y applique sérieusement. L’absence de sanctions ne saurait d’ailleurs signifier qu’on se laisse brimer passivement, qu’on renonce au droit de légitime défense, en cas d’attaque injustifiée. Aux libertaires, à qui répugne l’emploi de la contrainte pour faire respecter pactes et contrats, il reste, en conséquence, la ressource d’appuyer ces derniers sur l’utilité, s’il s’agit du grand nombre, sur la communauté d’idéal ou sur l’amitié s’ils traitent avec des individus soigneusement choisis. Quand les trois éléments, ou deux d’entre eux au moins se trouvent réunis, le lien associatif devient particulièrement fort. Espérons qu’une transformation s’opèrera, peu à peu, dans l’ensemble des mentalités, qui permettra de donner l’amour pour base à tous les rapports entre humains. — L. Barbedette.
PAGANISME n. m. (du latin paganus, paysan, villageois). Quand les chrétiens commencèrent à prévaloir dans les villes, ils appelèrent païens ceux qui restaient fidèles aux anciens cultes de l’empire, voulant signifier par là que ces derniers ne se recrutaient plus qu’à la campagne. En 368, Valentinien employa ce terme dans un édit, pour la première fois. Et bientôt il servit à désigner tous ceux qui n’étaient ni chrétiens ni juifs. De païens on tira paganisme, un mot qui s’appliquait, non plus aux individus, mais à leurs croyances. Étroitement associées à l’histoire de Rome, ces croyances s’étaient modifiées au cours des siècles. Pour les anciens Italiotes, les dieux n’étaient pas des êtres vivants, unis entre eux par des mariages ou la parenté, c’étaient des abstractions vagues, dépourvues de réalité, qui personnifiaient les forces de la nature ou les phénomènes, soit terrestres, soit célestes. De bonne heure on fit des emprunts sérieux à la religion étrusque, Mais c’est l’influence hellénique qui modifia le plus profondément le vieux culte romain. On identifia les dieux nationaux avec les divinités venues de Grèce, moins rustiques et ennoblies par de poétiques aventures ; seuls les noms traditionnels furent conservés, les légendes se modifièrent, et bientôt tout l’Olympe hellénique s’installa dans la Ville Éternelle. Les fidèles ne reconnurent plus les antiques objets de leur adoration et le résultat fut un déclin rapide du sentiment religieux. Dès le début
Mais le paganisme ne disparut pas aussi rapidement que beaucoup le supposent ; longtemps il conserva des adhérents parmi les intellectuels, dans l’aristocratie, parmi les habitants des campagnes. Et là encore le parallélisme apparaît saisissant entre l’agonie de l’antique religion romaine et l’agonie du christianisme dont nous sommes actuellement les témoins. En philosophie, l’école néoplatonicienne d’Alexandrie s’efforça de réconcilier le paganisme avec la raison. Plotin, son plus