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1845


contentèrent de copier servilement l’adaptation de Bekkers. Ce ne fut qu’en 1872, avec Christian, qu’on se mit à réexaminer la question dans son entier.

En 1929, les éditions « Universitas », de Berlin, ont publié un ouvrage intitulé Onanie, weder Laster noch Krankheit : « L’onanisme, ni vice, ni maladie », dont l’auteur, un médecin de Berlin, très documenté, le Docteur Max Hodann étudie le problème de l’auto-érotisme, en le dégageant des préjugés d’ordre religieux et médical, citant en épigraphe de son volume cette phrase du Docteur Wilhem Steckel, extraite de son ouvrage sur « l’Onanisme et l’Homosexualité » : « Tous les méfaits que l’on attribue à l’Onanisme n’existent que dans l’imagination des médecins ! Tous les torts qu’on lui impute sont des produits artificiels de la Médecine et de la Morale dominante, laquelle, depuis deux mille ans, mène un combat acharné contre la sexualité et toutes les joies de la vie. »

Nier la sexualité et les désirs sexuels de l’enfant, après Freud, Hirschfeld, Havelock Ellis, Mme de Randenborgh, Friedung, Pfister, etc…, est impossible. Et, à ces désirs, l’auto-érotisme fournit un exutoire. Le Docteur Félix Kauitz, de Vienne, a questionné 50 enfants suivant un cours d’éducation, de dix ans et au-dessus, sur les particularités de leur vie sexuelle. 42 ont répondu qu’ils se livraient à la masturbation ; en ce qui concerne les jeunes gens et les adultes, Mairowsky admet que 88/100 sont des autoérotes, Julien Markuse, 93/100 ; Dueck, 90/100 ; Oscar Berger, en 1876, écrivait que tout adulte, sans exception, a été un autoérote. Steckel affirme que tous les êtres humains pratiquent l’onanisme. « Cette règle ne souffre aucune exception, puisqu’il existe, comme chacun sait, un onanisme inconscient. » Selon Max Hodann, jusqu’à 20 ans, le nombre des onanistes du genre masculin dépasse celui du genre féminin ; après 20 ans, cette dernière catégorie l’emporte. Cela provient en partie des déceptions éprouvées par la femme dans le mariage ou son abstention de relations sexuelles, soit pour se conformer à la morale courante, soit par raison d’économie. Toujours d’après Max Hodann, les méfaits attribués à la masturbation ont pour cause soit l’abstinence sexuelle, soit une psychose dont l’origine est la condamnation dont l’ont frappée médecins irréfléchis et laïques sans conscience, par exemple les animateurs d’associations comme celles de la Croix Blanche ou autres ligues de pureté, où l’on considère la masturbation comme un péché ; alors que, selon le médecin berlinois : « l’onanisme, en tant que fait, est naturel et sans danger. » La pratique n’en présente de péril que si le cerveau obsédé, par la pensée que c’est un mal et une tare, crée un état d’anxiété auquel ne peut échapper celui qui, impulsé par la nature à certains gestes, les accomplit tout en s’imaginant qu’ils sont répréhensibles. Cette obsession est curable si, faisant table rase des livres, traités, sermons, recommandations d’hommes hostiles aux données de la physiologie moderne, on fait constater que l’onanisme n’a rien à voir avec la morale, que ce n’est ni un vice, ni une maladie, qu’il est le lot de tous les hommes et que, seul, l’abus est à éviter, comme dans tous les plaisirs sexuels (ou d’un ordre quelconque). — E. Armand.


ONÉIDA — Onéida est le nom d’un lieu dans l’État de New-York, Comté de Madison, où a vécu et prospéré de 1849 à 1879 un milieu très curieux, d’abord communiste, mais qui fit plus tard appel à une main-d’œuvre rémunérée. Alors que les autres expérimentateurs de vie en commun aux États-Unis provenaient pour une partie d’entre eux de l’extérieur, les composants de la colonie d’Onéida étaient presque tous des Américains. C’étaient, en effet, des fermiers des États de l’Est, de la Nouvelle Angleterre et des artisans. On y rencontrait aussi un grand nombre de personnes exerçant des

professions libérales, des savants, des juristes, des ecclésiastiques, des instituteurs, etc… Leur degré de culture et d’éducation était bien au-dessus de la moyenne.

En 1849, Onéida comptait 87 membres ; en 1851, 205 ; en 1875, 298 ; en 1879, 306. La communauté ou colonie d’Onéida fut créée par John Humphrey Noyes, le premier historien des communautés ou colonies socialistes ou communistes aux États-Unis.

Noyes naquit à Brattleboro (Vermont), en 1811. Il fit ses études au collège de Dormouth et étudia le droit. Mais aussitôt il fut attiré par la théologie et suivit des cours à Andover et Yale. Tout en poursuivant ses études théologiques, il développait des doctrines religieuses dont la dernière s’appela « Le Perfectionnisme ». Peut-être faut-il voir dans le « Perfectionnisme » un rejeton ultime de l’hérésie albigeoise. Toujours est-il que considéré comme hérétique, Noyes se vit retirer sa licence de pasteur officiel. En 1834, il retournait à Putney (Vermont), demeure de ses parents, et peu à peu s’adjoignait un certain nombre d’adeptes. Les premiers furent sa mère, deux sœurs et un frère ; puis vinrent sa femme, celle de son frère, les maris de ses sœurs et plusieurs autres. Toutes choses étaient possédées en commun, et le petit milieu arriva à publier un journal. En 1847, Noyes avait réuni 40 adhérents. Dès l’abord, le mouvement fut purement religieux, mais l’évolution de ses idées, jointe à l’influence de lectures du Harbinger et autres publications fouriéristes, le conduisirent graduellement au communisme. Tout en se défendant d’être fouriériste, Noyes a toujours reconnu qu’il devait beaucoup aux réalisateurs américains du fouriérisme.

La petite colonie de Putney était administrée par un président, un secrétaire, trois directeurs. Pour qu’une décision put être appliquée, il fallait qu’elle fut adoptée par trois membres sur cinq ; si cela n’était pas possible, on soumettait la question à I’assemblée générale des membres. On n’acceptait pas de nouveaux adhérents sans le consentement unanime de cette assemblée, et cette pratique, également en vigueur à Onéida, explique la progression, pour ainsi dire insignifiante (8 par an) des membres de la colonie. Si n’importe quel participant pouvait se retirer en avisant de sa décision les administrateurs, un « colon » quelconque pouvait être expulsé du milieu à la suite du vote de la majorité. Toute propriété aux mains du colon au moment où il signait la charte de la colonie, toute celle qui pouvait lui advenir au cours de son séjour dans la communauté, devenait propriété du milieu sous le contrôle des administrateurs. Une école fut bientôt créée, où, en outre des connaissances usuelles, on apprenait le grec, le latin, l’hébreu. La colonie parvint à posséder 500 acres (plus de 200 ha) de terre arable, sept maisons d’habitation ; un magasin, un atelier d’imprimerie, d’autres bâtiments encore.

Les caractéristiques les plus remarquables des « Perfectionnistes » étaient leurs doctrines religieuses, leurs idées sur le mariage, leur littérature et l’institution de la « critique mutuelle ». Ils croyaient que le deuxième avènement du Christ avait eu lieu à la destruction de Jérusalem et qu’à ce moment il y avait eu une première résurrection et un jugement dans le monde spirituel ; que le règne final de Dieu commença alors dans les cieux et que la manifestation de ce royaume dans le monde visible est proche ; qu’une église se constitue sur terre pour se rencontrer avec le prochain royaume des cieux ; que l’élément nécessaire pour la rencontre de ces deux églises est l’inspiration ou la communion avec Dieu, qui conduit à la perfection, à la rémission complète des péchés d’où leur nom de « Perfectionnistes ». Il va sans dire que ces idées ne sont pas originales et qu’on les retrouve, sous une forme ou sous une autre, dans certaines sectes passées ou actuelles. La définition suivante du « Perfectionnisme » fut donnée