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que : des compagnies refusèrent l’obéissance ; un régiment entier se mit en marche sur Paris et l’on dit qu’il fut arrêté par des dragons et des gendarmes. La répression fut impitoyable : « On fit aligner les mutins sur un rang, puis on les fit se compter : un, deux, trois, quatre, cinq… le cinq, sortez, criait un colonel. Un homme sur cinq était désigné pour la mort. »

Ceux-là aussi furent des victimes de l’Offensive qui exaspère, révolte et fait des mutins terribles.

Évidemment, quand on a subi seulement un bombardement, quand on a participé, en arrivant au front avec les autres à une attaque ou offensive et qu’on en est rescapé, on voudrait bien en éviter une seconde. C’est ce qui explique la joie de certains poilus évacués à l’arrière avec la « bonne blessure » et l’espoir de ne pas revenir à l’avant. C’est également ce qui excuse la terreur des combattants, jeunes ou vieux, nouveaux ou anciens à l’idée de l’offensive si chère aux stratèges de l’arrière, aux embusqués et aux galonnés à l’abri, ainsi qu’à ceux qui rédigeaient les communiqués officiels, et à ceux qui les commentaient dans la presse pour soutenir le moral à l’arrière. Que de braves, devant cette horreur, ont perdu la raison et comme on le comprend !

Dans le même numéro spécial du Crapouillot, Pierre Mac Orlan, sollicité de narrer une histoire de la grande guerre, choisit parmi ses souvenirs, un souvenir décoratif :

« C’est à Nancy, devant la gare de Jarville. Le 20e corps dont je fais partie est déjà engagé, le 2-6-9 embarque à son tour. Les Nancéens, dont l’émotion est tout à fait indescriptible, se tiennent tout près des régiments, derrière les faisceaux. Pas d’exclamation, pas de cris. La brigade coloniale (le 12e et le 44e) défile. Les hommes sont tout à fait des hommes d’infanterie coloniale comme elle était avant la guerre, quand les longues moustaches n’étaient pas rasées. La clique sonne : Pour être soldat de marine… Alors les professionnels arrachent leurs médailles coloniales et les lancent dans la foule. Les soldats crient : « On va en chercher d’autres ! » C’est tout à fait conforme aux boniments historiques, mais c’est également vrai. Pour quelques raisons qui me paraissent inexplicables, je préfère ce souvenir à d’autres infiniment pleins d’esprit, mais tout aussi inutiles. »

Cette citation prouve suffisamment que la crânerie donne un semblant d’enthousiasme qui n’échappe certes pas aux partisans et aux apologistes de l’offensive. La guerre suscite toutes les espèces de folie, les plus pitoyables et les plus cruelles.

Le pire n’est-il pas encore de savoir que les écrivains à l’abri par leur âge ou par leurs infirmités, par leurs manœuvres de solliciteurs d’une embuscade à l’arrière ou la protection de certains politiciens se soient faits les plus ardents apologistes de la méthode néfaste, dite offensive, qui a mis en terre tant de jeunesse, tant d’activité, tant de beauté, tant d’amour, martyrisant tant de cœurs de mères, de veuves et d’orphelins. La guerre est chose affreuse, monstrueux en est l’épisode.



Mais le mot Offensive ne se résume pas en la seule application qu’en font les militaires professionnels de l’École de Guerre. Il y a offensive quand, au lieu de se laisser attaquer, de se défendre plus ou moins héroïquement, un individu ou un groupe d’individus attaquent eux-mêmes.

N’est-ce pas une offensive sociale qu’accomplissent des exploités, organisés ou non, quand, devançant les projets d’exploiteurs ou déjouant leurs manœuvres, ils se mettent en grève pour protester contre un acte criminel de diminution de salaires, de renvois partiels, ou de diminution des journées de travail, enfin toutes espèces de mesures qui augmentent la misère de ces

travailleurs, les affament davantage, les épuisent, pour leur imposer des conditions de travail plus arbitraires et plus féroces, dans le but d’augmenter les dividendes ou dans celui de ne pas les diminuer ? Toutes les crises économiques tendent à cela.

Lorsqu’une production par un calcul d’exploiteurs, arrive à la surabondance, le consommateur devrait en profiter pour que soit rétabli l’équilibre sur le marché.

Pour aider à cela, il faudrait en baisser le prix de vente.Vendre moins cher et vendre en plus grande quantité. De cette façon, un plus grand nombre d’acheteurs profiterait du produit.

Au lieu de cela, les profiteurs de tout dans notre société actuelle, basée sur l’exploitation de l’homme par l’homme, ont le droit, étant propriétaires de la matière première et des usines, de faire la hausse et la baisse selon leurs intérêts, sans souci de la misère que cela peut créer. Les colères sont justifiées chez les exploités, elles peuvent se manifester. Mais si la révolte gronde, si l’émeute surgit, patrons, propriétaires, actionnaires, sont rassurés. Car l’État ne dissimule aucunement qu’il est là pour les protéger. A la moindre effervescence, à la plus mince préparation d’offensive ouvrière contre le Patronat, l’État déclenche aussitôt l’offensive de sa répression impitoyable : sa police, sa gendarmerie, son armée avec les moyens de violence les plus perfectionnés et, par conséquent, les plus meurtriers. Si le sang coule, la Justice bourgeoise est là pour proclamer que « c’est le lapin qui a commencé » ainsi que l’ont établi les rapports de police.

Mais d’offensives en contre-offensives, il arrivera bien que le Peuple n’aura plus confiance qu’en lui-même. Unissant contre tout ce qui l’exploite et le meurtrit, le trompe et lui gruge toutes ses forces, terrible, il sera sûr de son droit et, conscient de sa puissance, prendra la définitive et triomphante offensive : Ce sera la Révolution Sociale !

Les révolutions accomplies jusqu’à ce jour ont pu instruire les Peuples et leur donner l’expérience indispensable pour réussir l’Offensive ultime. Celle-ci n’aura d’autre objectif que celui de conquérir le Bien-Être et la Liberté pour tous, dussent en périr tous les individus qui s’opposeront de quelque manière que ce soit à sa réalisation !

On le voit, le mot Offensive a le sens qu’on lui donne. L’action qui le caractérise n’a de signification que celle qu’on lui prête, selon les fins qu’on veut atteindre. L’objectif guerrier de l’offensive n’a d’importance que par le sang versé et la gloriole acquise.

L’objectif révolutionnaire tend à réaliser un effort populaire si puissant, qu’il n’y aura pas de digue capable de l’arrêter. On n’arrêtera pas l’Offensive-Révolution comme on arrête celle d’un nombre déterminé de pauvres soldats, enragés, fous furieux, volant bravement vers la mort, avec l’espoir de la donner en risquant de la recevoir en victimes du préjugé de Patrie !

Le révolutionnaire sait que son Offensive n’est pas pour donner la mort à d’autres, mais pour l’éviter à tous. Ce n’est pas la course à la mort, cette Offensive suprême, c’est la vie meilleure conquise et établie enfin par l’entente des hommes dans le Travail et l’Amour. C’est la disparition de l’Exploitation et de la Haine. — Georges Yvetot.


OFFICIEL, OFFICIEUX. Est officiel ce qui émane d’une autorité reconnue, en particulier d’un gouvernement. Mais, alors que le terme officiel s’applique de préférence à ce que tous savent et considèrent comme indubitable, le terme officieux est réservé à ce qu’on n’a pas encore rendu public et que le grand nombre ignore. Obéir aux sacro-saintes personnes en qui s’incarne le commandement, les croire sur parole, telle est la suprême loi dans nos sociétés. Vérité ou mensonge, bien ou mal n’existent qu’en fonction de ce que veu-