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MUS
1723

plus enveloppés de formules rituelles, avaient été peu à peu réservés au culte, le choral, chanté dans le langage vulgaire fut le chant populaire par excellence. Il le demeura tant qu’il exprima les espoirs révolutionnaires et soutint la lutte pour la liberté. Quand le peuple fut vaincu et la liberté jugulée une nouvelle fois, le choral privé de l’enthousiasme populaire se momifia dans les temples avec les formules d’un protestantisme qui ne protestait plus et faisait de Dieu le rempart des riches.

En France, le choral ne fut qu’aristocratiquement représenté par les Psaumes, traduits par Clément Marot, Th. de Bèze, et mis en musique par Claude Goudimel. Mais, en Allemagne, il exprima le caractère et l’âme du peuple tout entier. Après l’échec révolutionnaire, il prit des formes nouvelles. De la première, uniquement mélodique et qui resta dans l’église comme le plain-chant, il passa à toutes celles de l’harmonie. L’activité des musiciens allemands et leurs recherches d’une expression incessamment renouvelée, ouvrirent le champ du plus grand progrès musical qui se fît dans les xviie et xviiie siècle et qui est la plus belle gloire de l’Allemagne. Il semblait que les ultimes hauteurs avaient été atteintes avec les chefs-d’œuvre, d’ailleurs toujours indépassés, de la polyphonie vocale souveraine jusque là. La musique instrumentale allait s’élever aussi haut en même temps qu’elle multiplierait l’infini les moyens d’expression au point qu’elle ne cesserait pas d’en découvrir de nouveaux encore aujourd’hui.

Si l’homme a inventé depuis très longtemps des instruments de musique, il y a à peine trois siècles qu’il existe une musique instrumentale ayant une vie propre, indépendante de la musique vocale. Les instruments sonores avaient été cherchés par l’homme pour imiter les voix de la nature et donner plus de puissance à la sienne. Ils servirent ensuite à accompagner le chant humain pour multiplier et varier ses effets, mais tout en restant étroitement sous sa dépendance. La forme antique de cet accompagnement était la mélopée, du nom que les Grecs donnaient aux règles générales de l’harmonie, du chant et de la déclamation. Dans les temps modernes, la mélopée fut la notation de la déclamation, puis la première forme du récitatif tant qu’il ne fut pas accompagné d’un véritable orchestre et qu’il conserva le caractère régulier de la déclamation. Les récitatifs des œuvres d’Haendel, Mozart, Gluck, Méhul, Bellini, sont les formes les plus parfaites de la mélopée moderne. Elle disparut, ou ne fut plus qu’un archaïsme, lorsque le drame lyrique donna à l’orchestre une vie mélodique parallèle à celle du chant vocal, ou dominante, en faisant passer le drame dans l’orchestre et en ne considérant plus la voix que comme une partie fondue dans l’ensemble orchestral. Ce furent Haendel et Bach qui apportèrent à la musique instrumentale une vie propre, indépendante de la musique vocale.

Les organistes de la fin du xvie siècle et du commencement du xviie s’étaient inspirés des progrès de la polyphonie vocale de leur temps. Quand la musique instrumentale voulut chanter elle-même sans le concours de la voix ou parallèlement à elle, la mélodie lui en fournit les moyens en lui donnant une expression indépendante. Le chant fut à l’orchestre comme chez les chanteurs ; la musique n’avait plus besoin de la voix humaine pour chanter. Les premiers progrès dans cette direction furent dus à l’italien Fuscobaldi, aux français Chambonnières et Couperin, aux allemands Froberger et Buxtehude. Ce fut l’œuvre du xviie siècle de préparer la musique instrumentale, tant dans son expression que dans sa technique ; la révolution de Haendel et de Bach l’élèverait aux hauteurs atteintes par la musique vocale et lui ouvrirait un champ illimité.

Hændel et Bach furent les véritables initiateurs de la musique moderne. Le plus merveilleux de la révolution

qu’ils déterminèrent fut dans l’incroyable multiplication des genres de la musique purement instrumentale, au point que l’imposant ensemble des chefs-d’œuvre de Bach contient toute la musique ; « son évolution moderne était terminée dès 1750 » (H. Quittard).

Devenue capable de vivre sur son propre fonds, d’avoir son existence et son expression propres, la musique instrumentale eut devant elle les perspectives sans limites de la musique de chambre, succédant à la musica da camera, puis celles de la fugue à laquelle Bach apporta une étonnante virtuosité, enfin, celles de la symphonie. La fugue permettrait de varier les thèmes ; la symphonie introduirait une variété encore plus grande de développement et d’expression en même temps que d’utilisation des instruments.

La musique de chambre avait commencé sa carrière dans l’accompagnement du madrigal et de la cantate ; elle se libéra complètement de la voix avec la sonate, le concerto, le trio, le quatuor et autres pièces uniquement instrumentales. La sonate, composition pour piano seul ou pour deux instruments, était, en Italie, d’église ou de chambre. Celle de chambre était une suite de morceaux de danses. Elle prit un autre caractère en Allemagne où Ph.-Emmanuel Bach lui donna la division en trois parties qu’elle a gardée. Le caractère de la sonate se retrouve avec plus de variété dans le trio, le quatuor, le quintette et autres œuvres pour instruments plus ou moins nombreux, arrivant à former de petites symphonies, tels le Septuor, de Beethoven, la Sérénade nocturne pour huit instruments, de Mozart, la Rhapsodie pour six instruments, d’Honegger, l’Aubade pour piano accompagné de dix-huit instruments, de Francis Poulenc. Le concerto était d’abord la symphonie de trois instruments prépondérants que d’autres accompagnaient : il est devenu la symphonie de tout un orchestre joint à un instrument solo. Hændel et J.-S. Bach furent grands dans tous les genres de la musique de chambre, puis Haydn et Mozart ; mais Beethoven l’éleva aux hauteurs les plus sublimes de la musique, dans ces régions où « elle se tient si haut qu’aucune raison ne peut siéger à ses côtés, où elle produit des effets qui dominent tout et dont personne n’est en état de rendre compte » (Gœthe).

La symphonie occupa au concert une place prépondérante à partir de Haydn qui en fut appelé « le père » et en donna, dans la forme, les plus parfaits modèles. Il en a composé un grand nombre dont on ne joue plus, à grand tort, que quelques-unes, toujours les mêmes. La symphonie de Haydn est le type classique du genre par la science du développement des idées et de la richesse des effets. Au point de vue des sentiments, elle a la sécheresse de la période classique. Mozart mit dans la symphonie une émotion bien supérieure, mais sa technique est peut-être moins impeccable. Il possédait la puissance et le sentiment dramatiques qui manquaient à Haydn et qui rendent son théâtre si émouvant. Il annonça cette humanité qui remplit l’œuvre de Beethoven dont la sincérité, le don fougueux de soi, l’amour de la nature et des hommes, rompirent avec les conventions du classicisme. Beethoven fut un novateur, tant dans l’esprit que dans la forme, un hérétique et un révolté que le monde musical officiel mit un siècle à comprendre et à adopter. Aujourd’hui, on le dit dépassé ! Ceux qui émettent cette opinion sont de la même école que ceux qui lui reprochaient ses audaces. Comme Rousseau en sociologie, Beethoven demeure l’éternel précurseur dont la pensée est toujours jeune parce qu’elle est l’éternelle expression de l’âme humaine délivrée des conventions fausses et hypocrites. En France, on ne commença à découvrir Beethoven que vers 1830, grâce au mouvement romantique qui recherchait ses affinités dans toutes les branches de l’art. Le romantisme de Beethoven rejoignait un Michel Ange et