Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 3.djvu/348

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
MOU
1692

présent réfractaire : la pesanteur. La force qui nous donne la lumière est la même qui fait circuler l’électron autour du noyau atomique et tourner la terre autour du soleil. Aux yeux du savant ébloui, l’univers n’est plus que le résultat des innombrables transformations d’une même énergie, un prodigieux complexe où tout est mouvement. Et les découvertes de Millikan, de Jeans et d’Eddington démontrent, par ailleurs, que ce jeu des forces cosmiques est éternel, n’ayant nul besoin d’une première origine et ne pouvant connaître de fin. C’est avec les éléments dispersés d’atomes anciens que se forment les atomes nouveaux. « 1° Des électrons positifs et négatifs, déclare Millikan, existent en quantités incommensurables dans l’Espace interstellaire. Pour cela nous avons l’évidence du spectroscope ; 2° Ces électrons se condensent en atomes sous l’influence des conditions qui existent dans l’Espace interstellaire, c’est-à-dire dans les conditions du froid de zéro absolu et le phénomène de dispersion extrême. Pour cela nous avons l’évidence de nos années d’expérimentation sur les rayons cosmiques ; 3° Ces atomes forment des agrégations sous l’influence de la force de la gravitation, et ainsi deviennent des étoiles. Pour cela nous avons l’évidence basée sur des observations télescopiques ; 4° À l’intérieur des étoiles, grâce aux pressions formidables, aux densités énormes et aux températures surélevées, les électrons positifs (probablement dans le nucleus des atomes lourds) tombent en affinité parfaite avec les électrons négatifs, c’est-à-dire qu’ils transforment leur masse entière en pulsations d’éther, lesquelles, de suite transformées en chaleur, soutiennent la température de l’étoile et sont la cause de la lumière et de la chaleur qui émanent d’elle. Pour cela nous avons l’évidence basée sur la périodicité et la duré de la vie des étoiles. » Quant aux électrons existant dans l’espace intersidéral, ils résultent de la dématérialisation de la matière, de son retour, lent ou brusque, aux élérnents indestructibles dont tout corps tangible est un agglomérat. Dans La Synthanalyse, notre ami G. Kharitonov a donné un original et lumineux exposé du cycle des transformations successives que la matière parcourt sans fin. Il a démontré de façon scientifique l’éternité du mouvement. Sans doute beaucoup reste à trouver ; et, dans un avenir prochain peut-être, des théories céderont la place à d’autres plus proches encore de la vérité ; mais dès aujourd’hui il appert qu’astronomie, physique et chimie s’unissent pour éliminer, comme irrationnelle et inutile l’action d’un dieu créateur ou providence de notre univers. Si la médiocre science, dont se repaissent un trop grand nombre de professeurs d’Université et de membres de l’Institut, s’accorde, tant bien que mal, avec des idées religieuses volontairement imprécises, la science, à son degré supérieur, ruine irrémédiablement la croyance non seulement en une révélation surnaturelle, mais en l’existence d’un Être Supérieur. Seulement très peu ont le courage de l’avouer explicitement.

De l’inorganique, passons au domaine de la vie et nous constaterons de même que la science n’a besoin ni de l’âme ni de Dieu pour expliquer les phénomènes qui déroutaient le plus nos pères. Animisme et vitalisme nous font sourire aujourd’hui ; et la finalité interne, que Claude Bernard admettait encore, est exclue par les biologistes sérieux. L’être organisé ne se distingue du corps brut que par sa complication ; leurs constituants sont identiques et tout phénomène vital se ramène à un événement d’ordre physico-chimique. « La formation d’un cristal, d’une plante, d’un animal, disait Tyndall est un simple problème de mécanique, qui diffère simplement des problèmes de mécanique ordinaire par la petitesse des masses et la complexité des éléments. » Déjà Descartes, supprimant les vaines entités de la scolastique, n’avait vu dans le vivant qu’une machine prodigieusement compliquée ;

et la science moderne a confirmé cette doctrine, en démontrant qu’il n’est pas un fait, dans les corps organisés, dont la physique et la chimie ne rendent compte. Quant à l’idée directrice, invoquée par Claude Bernard, et capable de provoquer la convergence de toutes les fonctions vers une fin unique, la solidarité de tous les éléments, elle est définitivement éliminée par la biologie. « Comment, en effet, Gley, agirait ce principe directeur des phénomènes vitaux pour leur donner le sens dans lequel nous les voyons se produire ? Les phénomènes se réduisent tous en définitive, à des phénomènes physico-chimiques ; or, on ne comprend pas qu’il soit possible d’agir sur la direction de phénomènes de cette nature, autrement que par une action effective qui ne peut consister que dans l’intervention d’une force de même nature. Car la direction des faits n’est pas quelque chose d’extérieur aux faits. » Sans méconnaître le génie de Pasteur en chimie bactériologique, nul savant impartial ne saurait admettre, présentement, les conclusions que les spiritualistes ont tiré de ses expériences sur la génération spontanée, en faveur du créationnisme biblique. « Les données actuelles les mieux établies, écrit Rabaud, professeur de biologie en Sorbonne, amènent à concevoir les substances vivantes comme une émanation nécessaire du milieu, tout aussi nécessaire, suivant la très juste expression de Verworn, que la formation de l’eau, en fonction de conditions réalisées, à un certain moment, à la surface du globe. Ces substances sont le produit d’une véritable génération spontanée dérivant d’un déterminisme physico-chimique précis et non des conditions indéterminées, constamment réalisables. À cette façon de voir, on oppose quelquefois les expériences de Pasteur. Mais si ces expériences démontrent que des Infusoires ou des Bactéries ne naissent pas spontanément dans de l’eau bouillie dépourvue de germes et maintenue à l’abri d’un ensemencement, elles ne démontrent pas qu’une substance vivante ne puisse apparaître lorsque ces éléments simples se trouvent réunis dans des conditions définies. Tout nous conduit, au contraire, à admettre la nécessité de cette apparition ; rien ne nous oblige à accepter l’hypothèse d’une substance née d’une façon spéciale, douée d’attributs spéciaux, qui serait animée et dirigée par un principe immatériel, le principe vital sous quelque nom qu’on le désigne. Outre que cette hypothèse ne repose sur aucune donnée positive, elle est inutile pour l’explication des phénomènes vitaux. » Reconnaissons, à la décharge de Pasteur, qu’à l’encontre des idées qu’on lui prête d’ordinaire, il ne déclarait pas impossible la synthèse du protoplasme (voir ce mot) vivant. Et le triomphe de la conception mécaniste a fait éclore des doctrines du plus puissant intérêt. Celle des colloïdes d’abord qui rapproche si intimement matière organique et matière brute. Véritable atomisme biologique, la théorie cellulaire admet que tous les tissus vivants sont composés de cellules extrêmement complexes, dont les atomes et les molécules se trouvent dans cet état spécial que les chimistes dénomment colloïdal. Alors que dans une solution ordinaire, les molécules du corps dissous sont petites, uniformément distribuées et constituent un tout homogène avec le liquide dissolvant, dans une solution colloïdale, les molécules très grosses, souvent agglomérées en amas de tailles diverses, sont animées de mouvements browniens et deviennent même visibles à l’ultra-microscope. À de forts grossissements et à l’état frais, le protoplasma colloïdal apparaît comme une véritable émulsion, formée de fines gouttelettes accolées, avec des granulations nombreuses et instables, les mitochondries, de forme filamenteuse ou sphérique et constituées par une substance albuminoïde associée à des lipoïdes. La stabilité des colloïdes d’émulsion est très grande parce que les granules se repoussent et ne se précipitent pas, étant toutes chargées d’électricité de