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finalité n’existant, il peut mépriser les adorateurs du stagnant, rejeter l’ordre des choses tel qu’il est, ne s’incliner devant aucune souffrance, aucune inharmonie. L’homme doit utiliser à son usage un univers sans finalité et sans dieux… Le monde sera ce qu’il pourra le faire, et il le fera en œuvrant, non en se résignant. — Ixigrec.

MORT (Signes de la). — Pour compléter la documentation donnée à inhumation et maisons (mortuaires), voici l’énumération de quelques signes et moyens qui permettent de reconnaître la mort avec quelque certitude et de réduire, si l’on n’a recours à la crémation, les risques d’être enterré vivant.

L’injection de fluorescine (28 c/c), d’ammoniaque (14 c/c) — proportions variant avec la corpulence du sujet — provoque, à des degrés d’appréciation suffisants, et dans la demi-heure qui suit, une certaine coloration de la peau (jaune foncé et vert intense chez le moribond) pouvant éviter une autopsie plus ou moins opportune.

L’examen de l’œil, les manifestations de la circulation, de la respiration, de la sensibilité, même provoquées s’il le faut, par pinces spéciales, sont susceptibles de dénoncer les cas de léthargie ou de mort simplement apparente.

Le parcheminement de la peau, découpée et soulevée sur un point du corps, est aussi un moyen de contrôle. Le parcheminement des cuisses, provoqué par friction à la brosse, s’obtient facilement dans les 6 à 12 heures qui suivent l’expérience. Chez les pendus, le parcheminement du sillon de la corde est constamment observé, la dessiccation de la peau du sillon s’opère 5 à 6 heures après cessation de la vie.

La brûlure d’ammoniaque qui fait ampoule sur le vivant ne fait pas ampoule sur le cadavre.

En approchant la flamme d’une bougie, à 1 cm du doigt de la main du cadavre, une ampoule se produit et elle éclate ; sur le vivant il y ampoule mais pas d’éclatement.

La rigidité cadavérique s’observe d’abord sur les régions déclives, deux ou trois heures après le décès : en arrière des cuisses par exemple.

Sur le cadavre, le sang veineux se transforme en sang artériel par absence d’oxygène et la putréfaction commence. Quand on déplace un cadavre, les lividités se déplacent un certain temps, c’est ainsi qu’il est permis au médecin légiste de voir si la scène a été truquée, la lividité nouvelle ne correspondant plus à la situation première du cadavre.

La chute de la température, par rapport au milieu ambiant, est aussi un signe peu négligeable ; cependant on a vu des malades atteindre 27°4 !

Après la mort, on observe, en certaines circonstances, une élévation de température au-dessus de 40° (tétanos), de 55° (crise d’alcoolisme, délirium tremens) ; 50° (méningite tuberculeuse) ; 50° (pachyméningite alcoolique) ; 50° (pneumonie) ; certains alcooliques ont marqué, après cessation de vie, 53° et jusqu’à 59° !

Dans certaines maladies par invasion de microbes putréfacteurs — chez les cholériques, par exemple — l’état de rigidité cesse après les 3 ou 4 heures succédant à la mort.

La rigidité est aussi de faible durée chez les affaiblis par durcissement des fibres musculaires lisses et striées qui, en cassant, font cesser l’état de rigidité. L’acidité précipite la rigidité ; la contracture de la mâchoire s’obtient dans les 3 heures, mais en position déclive ; chez les pendus même avec un bandeau, ce phénomène ne s’accomplit pas.

L’état de rigidité, contrairement à l’état de lividité qui ne dure que très peu de temps, dure de 60 à 75 heures ; dans les pays froids, la rigidité dure 5, 6 et 7 jours et jusqu’à 10 jours dans les pays de glace. On peut lut-

ter contre la rigidité par des mouvements en flexion des bras ou en extension des membres inférieurs.

La rigidité musculaire des vésicules séminales s’accomplit pendant l’agonie ; la rigidité de l’utérus expulse le fœtus ; le sperme, chez l’homme, se loge dans l’urètre par contraction plus que par rigidité ; le cœur s’arrête en diastole, le ventricule gauche vide. Chez les épuisés, il n’est pas rare de voir l’état de rigidité (et de lividité l’accompagnant) précéder la mort ; en général, dans ce cas, l’état de rigidité s’établit instantanément avec la mort. On a vu, dans la dernière guerre, nombre de soldats tués au moment où ils accomplissaient certaines actions, rester figés dans la situation qu’ils occupaient avant d’être frappés à mort : soldats buvant à leur quart, soldats russes en prière, etc.

Hors la guerre, ces cas sont plus rares et n’existent que par plaies au crâne : suicidé restant debout devant une glace et figé dans cette attitude.

Certains criminels ont pensé faire tenir un revolver dans la main de ceux qu’ils tuaient ; l’arme, toujours mal tenue, ne peut l’être quand la mort est dû à une plaie du crâne.

L’expression de la physionomie du cadavre : terreur, angoisse, ne doit jamais être confondue avec les expressions caractéristiques du phénomène de la rigidité provoqué par les spasmes cadavériques. La rigidité, elle-même, peut donner au visage une expression d’horreur succédant à un état extatique. — L. Rimbault.

MORT (Culte des morts). — Le culte des morts a été universel. Tous les peuples, à part quelques hordes humaines qui abandonnaient, sans plus y prendre garde, les cadavres des leurs, ont honoré les morts, leur ont rendu un culte fervent et, ajoutons-le, souvent intéressé.

Les rites et les cérémonies funèbres offrent une grande variété qui toujours se trouve être en relation avec l’idée que les hommes se faisaient de la vie d’outre-tombe. Aux yeux des primitifs, comme d’ailleurs aux yeux de beaucoup de nos contemporains, la mort, loin d’être la destruction de l’individu, n’est qu’un accident, un événement qui donne à l’existence un cours nouveau. La croyance en l’immortalité, d’où résultent les cultes funéraires, provient avant tout de la conception animiste du monde. L’homme primitif doue tous les objets, tous les êtres, tous les phénomènes d’intentions et de facultés analogues aux siennes. Cette tendance est encore si forte, si durable, si spontanée qu’elle se traduit toujours par des actes et des paroles inconsidérées. Nous attribuons aux choses l’intention de nous nuire ou de nous aider. Nous rudoyons l’objet qui nous blesse comme nous bénissons le soleil qui nous réchauffe ou que nous maudissons la pluie et le froid qui s’éternisent. Incapable de distinguer les phénomènes subjectifs des phénomènes objectifs, l’imaginaire du réel, le sauvage ignorant a peuplé la terre entière d’âmes et d’esprits, logeant dans chaque objet, dans chaque être, dans chaque phénomène, une entité vivante et agissante, capable de lui nuire ou de le servir. Cette croyance générale s’est trouvée considérablement renforcée par l’influence du rêve et de la vision qui ramènent devant les yeux du sauvage l’âme des êtres et des choses. L’homme voit un autre lui-même accomplir des actes extraordinaires, éprouver des joies et des peines inconnues. Il voit ses compagnons, ses amis, ses parents participer à une vie qui diffère et se rapproche à la fois de l’existence ordinaire. Il voit défiler devant ses yeux la foule des êtres et des choses qui ont une place marquée dans ses préoccupations et ses souvenirs. Les morts ne sont pas exclus de cette revue. C’est donc que les morts sont vivants, du moins par leurs âmes ; car s’ils n’existaient plus comment les verrait-on ? Certes, le genre de vie qui les anime est quelque peu différent de celui qu’ils vivaient autrefois, mais ils vivent puisque