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che ; le devin prend ses deux branches, une dans chaque main et s’avance sur le terrain qu’il doit explorer. Il ne bouge pas volontairement les bras, mais si la baguette oscille et s’incline malgré lui, c’est que la source ou le trésor cherché gît là. Le pendule explorateur, qui remplace fréquemment aujourd’hui l’antique baguette divinatoire, se compose essentiellement d’un corps lourd, un anneau par exemple, suspendu au bout d’un fil. On tient l’extrémité du fil au-dessus d’un récipient, verre, boîte, cuvette, etc. ; et la réponse aux questions posées se traduit par les battements du corps lourd contre la paroi du récipient. Chevreul a établi que les déplacements du pendule explorateur résultent des mouvements, involontaires et inconscients, de la personne qui tient le fil dans ses doigts. Imagine-t-elle que le pendule doit osciller dans un sens, frapper tant de coups, il obéit fidèlement, mû par une agitation imperceptible du bras, que l’on est parvenu à mettre en évidence ; se le représente-t-elle immobile, il s’arrête parce que tout mouvement musculaire s’évanouit. Simples manifestations de cette loi bien connue : l’idée, qui est une force, tend à se réaliser et se réalise en fait lorsqu’elle n’est pas contredite par des représentations contraires. Cette explication vaut encore, lorsqu’il s’agit de la baguette divinatoire qui tourne grâce aux mouvements inconscients du sourcier. Maintenant nous ne dirons pas, comme Sollas et Edw. Pease : « Tout dépend de la perspicacité du devin et la baguette n’y est pour rien ». Nous ne croyons pas le problème définitivement tranché. Il est possible que des radiations spéciales, décelant la présence d’eau ou de métaux enfouis dans le sol, soient perçues plus ou moins consciemment par les personnes capables de faire tourner la baguette. Peut-être s’agit-il, comme plusieurs le pensent, d’un courant électrique ordinaire. Peut-être l’unique cause des réussites obtenues serait-elle l’aptitude du devin à découvrir, inconsciemment, la vraie nature des terrains qu’il explore, comme les psychologues, de la fin du dernier siècle l’admettaient d’ordinaire. Mais une chose est désormais certaine c’est que nul esprit n’intervient lorsque se meut soit la baguette soit le pendule. Pas plus que n’interviennent les trépassés, lorsque les tables tournent et répondent dans les séances que les spirites organisent. Elles tournent et répondent, sans jonglerie ni tromperie, mais ce sont les assistants, dont les mains s’appuient sur elles, qui, involontairement, inconsciemment, les meuvent et les poussent. Chevreul, Pierre Janet, le docteur Grasset et d’autres chercheurs consciencieux l’ont prouvé définitivement. La seule intelligence qui intervienne dans les réponses, c’est celle, souvent très bornée, des assistants. Comment les spirites ne s’aperçoivent-ils pas que les élucubrations reçues de l’au-delà sont en général d’une sottise déconcertante. « Corneille, quand il parle par la main des médiums, ne fait que des vers de mirliton, et Bossuet signe des sermons dont un curé de village ne voudrait pas pour son prône. » De plus, ces messages reflètent, avec fidélité, les doctrines et les tendances chères aux assistants ; aussi les tables se comportent-elles de façon très différente en pays catholique et en pays protestant. « Chez des catholiques, écrit Pierre Janet, l’abbé Bautain voit une corbeille se tordre comme un serpent et s’enfuir devant le livre des Évangiles qu’on lui présente, demander des prières et des indulgences. Chez des protestants, les tables n’ont plus peur de l’eau bénite, n’ont plus de respect pour les scapulaires et annoncent avant dix ans la chute de la papauté… Chez ceux qui croient à l’ancienne magie noire, les esprits obéissent aux formules magiques et tremblent devant les triangles sacrés. » Et les même divergences, produites par des causes identiques, se retrouvent, lorsqu’on utilise l’écriture automatique ou l’un quelconque des

autres moyens dont nous disposons, pour converser familièrement avec de prétendus trépassés. Tant il est vrai que les messages d’outre-tombe émanent des vivants, non des morts.

Peut-être certains individus sont-ils doués de sens que ne possèdent pas les hommes ordinaires. D’où l’allure merveilleuse de phénomènes pourtant très naturels. Au milieu de gens privés d’odorat il passerait pour un sorcier incomparable, celui qui n’aurait qu’à flairer pour savoir qu’ici furent des violettes, là des fromages, qu’une fuite de gaz rend un péril imminent, qu’un cadavre est caché, depuis plusieurs jours, dans telle caisse ou tel appartement. Au dire des métapsychistes sérieux bien des faits étranges s’expliqueraient, de la sorte, par l’existence de perceptions inconnues du grand nombre ; ce sont elles qui permettraient à quelques devins de nous renseigner sur les possesseurs successifs des objets que l’on dépose entre leurs mains. Les prémonitions d’événements prochains auraient même origine. Il est vrai que, dans ce domaine, les chercheurs gardent une réserve prudente. « La préconnaissance de l’avenir en général est tout au moins extrêmement rare et, si l’on veut, problématique. » écrit le Docteur Osty, Les Miracles de la Volonté. On a remarqué que certaines prémonitions ne requéraient pas la connaissance de faits vraiment imprévisibles. Témoin ce récit extrait du livre de Flammarion : La mort et son mystère. « La narration suivante, écrit l’auteur, m’a été adressée de Biarritz le 9 juillet 1917, en réponse au désir que j’avais manifesté à Mme Storins Castelet, mon érudite collègue de la Société astronomique de France, qui m’avait raconté le rêve, d’en recevoir directement le récit par l’observatrice. C’est la vue, trois jours à l’avance, d’une mort subite.

« … Malgré toute la tristesse qu’une telle communication puisse réveiller en moi, je peux vous affirmer que la mort de mon fils Jean me fut annoncée le jeudi qui précéda le dimanche où mon cher enfant, alors à l’étranger avec son frère Louis, nous quitta pour toujours. Ce rêve très simple le voici :

Je voyais dans une maison inconnue mon fils Louis, en larmes ; et comme je lui demandais la raison de son chagrin, il me répondit : « Oh ! maman, Jean est mort !… » Mon cher enfant avait dix-neuf ans, une santé superbe, et rien ne pouvait faire pressentir une fin si foudroyante… Une embolie, pendant une tranquille promenade à bicyclette, en compagnie de son frère et d’un oncle. Longtemps après, je sus que le jeudi où j’eus l’affreux pressentiment, mon enfant avait eu une syncope provoquée par une coupure au doigt : coïncidence étrange ! » À propos de ce cas, remarquons qu’une embolie peut résulter d’un traumatisme même sans gravité ; et la blessure dut être assez grave puisque le jeune homme tomba en syncope. Par ailleurs la mère, alertée lors de l’accident, ne l’a pas été au moment de la mort. Ne serait-ce pas que l’inconscient soit du blessé, soit de son frère, pronostiqua les fâcheuses conséquences que cette lésion provoquerait. Dès lors nous serions en face d’un fait télépathique, non d’une prophétie véritable. Dans d’autres cas, et fort nombreux, c’est la coïncidence qui fait croire à l’existence de la prédiction. Combien de femmes rêvent que leur mari, que leurs enfants sont morts ; mais elles oublient leurs visions lorsqu’elles sont démenties par les faits et ne gardent le souvenir que de celles qu’un hasard réalisera ; une sur mille ou dix mille peut-être. « Quand, pour justifier la réalisation d’une prophétie, écrit Delage dans Le Rêve, le savant invoque la coïncidence, on est tenté, en général, de voir là une échappatoire. Or cela est parfaitement inexact. La coïncidence a ses droits au même titre que dans toute la science physique ou natu-