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par voie ferrée, outre qu’il est encombrant, est trop onéreux.

Il n’est guère que les États-Unis qui possèdent dans leur sous-sol la houille et les minerais nécessaires à leur métallurgie gigantesque. Les autres pays qui ont une métallurgie importante sont obligés d’importer soit la houille, soit le minerai qui leur manque en échange de l’une ou de l’autre de ces matières qu’ils ont en excès. C’est le cas pour l’Angleterre, l’Allemagne, la France, la Belgique. Aussi la métallurgie de ces pays s’est-elle établie auprès des grandes voies maritimes ou fluviales comme nous le verrons plus loin.

Nous avons déjà dit que le fer est le métal le plus usité à travers le monde. En 1925, la production mondiale de minerai de fer a été de 150 millions de tonnes, dans laquelle la part des États-Unis s’est élevée à 63 millions de tonnes, soit 42 %. Sur cette part il n’a été pour ainsi dire rien exporté. La métallurgie indigène fut tout juste approvisionnée par cette masse énorme de mineral.

La situation géographique des États-Unis et la disposition naturelle des richesses de leur sous-sol sont, peut-être plus encore pour la métallurgie que pour les autres industries, véritablement exceptionnelles. Les grands gîtes métallifères de Vermillon, de Mésabi, de Cuyana, dans le Minnesota, sont à proximité du Grand Lac Supérieur, comme d’ailleurs les gisements de Gogebic, de Marquette et de Ménominee, dans le Wisconsin, alors que les grands bassins houillers, qui s’étendent en une large bande ininterrompue depuis l’État de New-York jusqu’à celui de Tennessee, se trouvent à l’autre extrémité des Grands Lacs. C’est sur cette bande de 500 000 kilomètres carrés que s’est installée pour une grosse part la métallurgie américaine.

Le minerai du Minnesota vient se concentrer dans les ports de Two Harbourg, Supérieur City et, surtout, de Duluth aménagés spécialement pour le recevoir. D’autres ports également agencés à cet effet tels que ceux d’Asholand et de Marquette reçoivent le minerai du Wisconsin.

Les lacs américains n’ont aucune analogie avec ceux que nous connaissons en Europe ; ce sont de véritables mers intérieures dont la profondeur a permis aux États-Unis de construire toute une flotte de cargos de gros tonnage affectée spécialement au transport du minerai ou de la houille. Ainsi les minerais chargés à Duluth ou à Marquette – ports d’expédition – sont acheminés : par le lac Michigan, vers Milwaukee, Chicago, Gary ; par le lac Huron, vers Detroit ; par le lac Erie, vers Teledo, Sandusky, Cleveland, Buffalo, etc…, ports de débarquement du minerai et centres métallurgiques importants. Dans l’Alabama, le Colorado, le Texas, le Montana, il existe encore d’autres centres aussi bien avantagés que ceux que nous venons de citer.

Si la métallurgie américaine absorbe une grosse quantité de minerai, elle exporte très peu de fonte, de fer et d’acier – à peine 2 millions de tonnes – en proportion de sa production. Celle-ci est totalement résorbée par les industries mécaniques indigènes dont le rythme de production, s’accentuant d’année en année, n’est pas le moindre sujet d’effroi pour les industriels du vieux monde qui appréhendent d’être submergés sur leurs propres marchés nationaux par les quantités considérables des produits manufacturés de la métallurgie que les États-Unis expédient à destination des cinq parties du globe sous forme de machines-outils, agricoles, à écrire, outillage, automobiles, etc…

La France possède après les États-Unis, la plus grosse métallurgie du monde et elle tient la première place en ce qui concerne l’exportation des fontes des fers et aciers. En 1925, elle a exporté 710.000 tonnes de fontes diverses et 3 millions 160.000 tonnes de fers et aciers. La France n’a acquis cette situation privilégiée sur le

marché métallurgique qu’à la faveur du traité de Versailles qui lui a fait retour, dans son domaine territorial, de l’Alsace-Lorraine avec ses riches minerais du bassin de Briey qui portent sa production extractive à 35.740.000 tonnes, soit 24 % de la production mondiale et un peu plus de la moitié de celle des États-Unis, après laquelle elle est la plus importante du monde.

Mais la France, si elle a beaucoup de minerai de fer, a, par contre, très peu de charbon ; elle doit le demander à l’Angleterre, à l’Allemagne et à la Belgique.

Naturellement la métallurgie française subit la loi économique commune, et ses hauts-fourneaux comme ses forges et aciéries se sont installés auprès des charbonnages ou aux environs des grandes voies maritimes et fluviales. C’est dans la région de l’Est – près de la frontière franco-allemande – que se trouvent les plus importants gîtes métallifères de la France. Les départements de la Meurthe-et-Moselle et de la Moselle sont les plus gros producteurs de minerai de fer avec les groupes de Nancy, Champigneules, Frouard, Pompey, Jœuf, Homécourt, Hayange, Briey, etc… Dans la région nancéenne il n’y a pas de charbon, mais ces hauts-fourneaux reçoivent les charbons allemands de la Ruhr et de la Sarre que leur apportent la flotte de péniches allemandes par les canaux de la Marne au Rhin et de la Sarre. Venues le ventre rempli de houille, ces péniches s’en retournent à leur port d’attache – Duisbourg, Dusseldorff, etc… – le ventre plein de ce minerai lorrain qui manque aujourd’hui à la métallurgie allemande. Le trafic dans les deux sens est considérable ; pour être moins intense, celui qui s’effectue sur le canal de l’Est est également important. Par péniches, le charbon belge descend le canal de l’Est à destination de tout le bassin de Briey. Au retour, les mêmes péniches remportent le minerai lorrain vers le centre métallurgique de Charleroi, en Belgique. En France, c’est surtout à la rencontre du charbon des bassins du Nord que va le minerai de l’Est. Là, la métallurgie, outre qu’elle y trouve le coke, est entourée d’industries de transformation capables d’absorber sa production Aussi s’est-elle fortement concentrée dans la région du Nord, à Maubeuge, Jeumont, Anzin, Valenciennes, Denain, Lille, Hazebrouck, pour ne citer que les centres les plus importants.

Plus bas sur la côte de la Manche, dans la région havraise, qui n’a ni charbon ni minerai, la métallurgie a dressé ses hauts-fourneaux et ses aciéries. C’est que là le charbon anglais arrive facilement par la mer tout comme le minerai normand situé plus bas sur la côte, dans le Calvados. Les gisements de Normandie (Caen) et de Basse-Bretagne (Redon) fournissent des minerais très riches en teneur et de grande pureté qui les font rechercher par la métallurgie anglaise spécialisée dans la production d’aciers spéciaux requérant des minerais purs. D’ailleurs ces deux gisements français, après avoir alimenté la métallurgie des régions havraise et nantaise et quelque peu celle du Nord, expédient l’excédent de leur production, par Nantes, à Cardiff et par Caen, à Newcastle, en Angleterre. Il est même une partie de ces minerais qui remonte jusqu’à Rotterdam, à l’embouchure du Rhin et descend celui-ci à destination de l’Allemagne.

D’autres gîtes métallifères de moindre importance sont disséminés à travers la France. On rencontre du fer dans le Centre, l’Ariège, les Pyrénées-Orientales, mais relativement peu de métallurgie dans ces contrées si l’on excepte, en Saône-et-Loire, le centre du Creusot, universellement connu qui reçoit une grande partie de son minerai de l’Est par le canal du Sud et par la Saône et son charbon des bassins de la Loire, par le canal du Centre.

Quoique première puissance exportatrice de fontes et d’aciers, la France n’épuise pas ses capacités de pro-