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plus d’un mois j’ai observé une chatte et son petit ; cette pauvre bête, vorace d’ordinaire, restait immobile près des aliments reçus ; elle attendait que son petit fût rassasié, se passant de nourriture s’il ne laissait rien. L’intensité de l’amour maternel, même dans des espèces inférieures, annélides, crustacés, mollusques, a frappé les naturalistes ; l’héroïsme qu’il suscite, chez ces animaux stupides, ne peut avoir sa source dans l’intelligence, mais dans l’instinct.

En dehors de tout attrait sexuel, certains singes s’exposent à la mort pour défendre leurs compagnons. Et, chez l’homme, ce sont des impulsions instantanées, irréfléchies, qui le poussent à sauver, au péril de sa propre vie, l’enfant qui se noie ou qu’un incendie va étouffer. Je crois peu au désintéressement de l’artiste, du savant, encore moins à celui de l’homme religieux ; quoiqu’on dise, les deux premiers travaillent fréquemment pour la gloire, le troisième pour se garder de l’enfer. Citons pourtant un cas où le désir, soit d’une place, soit de la renommée, n’était pour rien dans le besoin de connaître. Un Hongrois vécut trente ans à Paris, dans un réduit infect, se satisfaisant d’eau et de pommes de terre ; il étudiait vingt heures par jour et ne s’interrompait qu’un jour par semaine, afin de donner les leçons de mathématiques lui permettant de subvenir à ses maigres dépenses. Mentelli, c’était son nom, n’a pas laissé trace de ses immenses recherches. Si le sentiment religieux est foncièrement égoïste, s’il se rattache à l’instinct de conservation, au désir d’être en bons termes avec les êtres forts, par excellence, les dieux, il arrive à perdre ce caractère dans l’exaltation mystique, déviation probable des désirs sexuels où le croyant s’identifie avec l’objet de son adoration. Pendant l’extase, lorsque le corps a perdu toute sensibilité aux impressions du dehors, l’esprit croit ressentir les transports de la possession et de l’amour. Les confessions des grands mystiques, malgré la diversité du symbolisme et des métaphores, s’accordent sur ce point. Même si l’on néglige ces faits, qui confinent à la pathologie, il demeure que l’homme n’est pas totalement égoïste.

On peut s’en étonner de prime abord, car un abîme sépare les individus. L’entraide est réalisable dans les circonstances nées des conditions sociales, du milieu, de la profession ; dès qu’entrent en jeu les lois inéluctables de la vie, la nature nous repousse avec brutalité. Qu’une grande douleur éclate à côté de nous, bien vite nous sentirons notre impuissance. On présente les condoléances banales ; est-il aisé d’en sortir ? S’il s’agit d’une perte cruelle, croit-on guérir la plaie en égrenant la litanie des arguments lénitifs, donnés par les traités de philosophie ? Il tourne vite au personnage muet, le rôle de consolateur ; quelques larmes, un serrement de mains, voilà ce qu’on offre de mieux. Et, devant le lit d’agonie de la mère, de l’ami, qui se débattent sous l’étreinte de la mort, alors qu’on donnerait pour eux la totalité de sa vie, un mur se dresse infranchissable ; de vaines paroles, des sanglots inutiles, c’est tout ce que nous trouvons dans la détresse de notre cœur… Pourtant l’égoïsme absolu est contre nature ; il se rencontre seulement chez les hypocondriaques ou déments atteints d’insensibilité morale. Mais la sympathie pour autrui présente de multiples degrés qui, de la synergie ou tendance à l’imitation, s’élèvent jusqu’à l’amour et l’amitié, en passant par la synesthésie ou contagion des émotions, la pitié, la bienveillance, la bienfaisance, etc. Elle affecte aussi des formes diverses, inclinations corporatives, philanthropiques, humanitaires ; elle peut s’étendre aux animaux, aux plantes, au cosmos tout entier. Parce que notre être rejoint tous les autres dans l’être universel, parce que nous vivons de lui, nous aspirons à faire pénétrer dans notre personnalité transi-

toire et finie l’infini de l’éternel univers. Nous sommes frères de tous les hommes, frères des animaux, frères des plantes, frères des astres ; êtres et choses sont des formes passagères d’une même vie. Cette conception, familière depuis des millénaires aux penseurs d’Orient, ne fut inconnue de ceux d’Occident, ni dans l’antiquité ni dans les temps modernes. C’est une de ces doctrines éternelles dont l’inventeur n’est pas nommé et qui ne sauraient mourir, parce qu’à toute époque elles germent naturellement dans plusieurs cerveaux. Avec elle l’âme atteint à la magnanimité suprême puisqu’elle se hausse à la taille de la réalité prise dans sa totalité. Et elle justifie le sentiment d’universelle fraternité éprouvé par l’esprit qui, s’élevant au-dessus de l’espace et du temps, perçoit l’identité finale de tous, par-delà les oppositions transitoires des personnes.

Malheureusement la générosité, fausse ou vraie, a revêtu parfois des formes déplorables : parmi ces dernières citons l’aumône. Humiliante pour le pauvre qui la reçoit, elle flatte la superbe du riche qui la donne ; sans efficacité durable, elle trompe le peuple et permet au parasite repu d’afficher des allures charitables. Prêtres et moralistes la conseillent pour que l’injustice, créatrice de misère, puisse subsister ; quotidiennement l’on voit des requins du négoce, de la finance ou de l’industrie verser ostensiblement une obole aux malheureux que détrousse leur avidité. Et cette infâme comédie se place habituellement sous l’égide de la fraternité ; on arbore le mot en accomplissant le contraire de la chose. Pourtant la fraternité véritable est l’une des notions les plus révolutionnaires puisqu’elle implique égalité totale des droits et complète indépendance des individus. Donner les miettes de sa table n’a rien d’un geste fraternel ; ni riches, ni pauvres, ni maîtres, ni serviteurs : dans une maison de frères c’est pour tous que la table doit être servie. Mais les ministres de dieu et ceux du pouvoir ont grand soin d’entretenir une confusion dont profitent les riches, leurs protecteurs. — L. Barbedette.


MAGNÉTISME. n. m. rad. magnétique (lat. magneticus, de magnes, vient du grec magnes (aimant), comme magnésie et magnésium.)

A : physique. Le magnétisme est connu depuis la plus haute antiquité. Le nom lui-même prend son origine dans les pierres magnésiennes (ou de magnésie) ou magnètes, pierres d’aimants naturels ayant la propriété d’attirer le fer, que l’on trouvait dans la région de la cité thessalienne de Magnésie (ancienne Grèce). Le terme de magnétisme désigne aujourd’hui tous les phénomènes d’aimantation et d’induction.

Ces phénomènes, très complexes, sont assez mal connus dans leurs origines premières et dans leurs causes initiales bien que leurs effets aient été longuement étudiés et observés et que les hypothèses explicatives ne manquent point.

Les phénomènes d’aimantation sont démontrés par la propriété des aimants et par l’action de la terre sur une aiguille aimantée. Si on promène une de ces aiguilles sur Magnésieune pierre d’aimant taillée en sphère, on constate que cette aiguille subit deux sortes d’orientations : l’une tendant à placer son axe longitudinal dans le sens des méridiens ou longitudes de cette sphère en dirigeant la pointe aimantée vers un point où paraissent converger tous les méridiens et que l’on appelle pôle Nord par rapport au point opposé appelé pôle Sud ; l’autre orientation tend à faire varier horizontalité de l’aiguille qui, parallèle à la surface de la sphère à l’équateur, s’incline de plus en plus en approchant des pôles et devient verticale sur les pôles même. Le magnétisme terrestre est très variable à la surface du globe ; cette variation est séculaire, annuelle et diurne et les diverses positions de l’aiguille aimantée s’écar-