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culation, en mettant, affirme-t-on, des petits cailloux dans sa bouche, qu’il reparut a la tribune, à l’âge de vingt-sept ans, et qu’il obtint un immense succès.

« On ne devient pas, on naît orateur », disait deux siècles plus tard, le plus éloquent des orateurs romains : Cicéron. Démosthène, par son exemple aurait démenti cette affirmation, car si l’éloquence exige certaines qualités particulières, elle se travaille pourtant et ce serait une erreur de penser que seul un petit nombre d’élus sont capables de s’exercer à cet art.

Si l’éloquence a soulevé des populations, si elle fut un facteur d’évolution, si elle déchaîna parfois l’enthousiasme des foules et provoqua des révoltes fécondes, elle fut aussi, et est encore, une arme terrible au service de l’erreur et des forces de réaction et de domination sociale. Grâce à elle, l’Église put, durant des siècles, tenir courbés sous son joug des millions et des millions d’êtres humains ; grâce à elle, les nouvelles religions politiques poursuivent leur œuvre d’asservissement, de contrainte et d’exploitation.

La définition que nous donne La Harpe, de l’éloquence, nous paraît complètement fausse : « L’expression juste d’un sentiment vrai », nous dit-il. Erreur. Il y a l’éloquence du cœur, de l’âme, mais il y a également l’éloquence de l’esprit, l’éloquence du comédien, qui ne traduit aucun sentiment réel et vivace et n’est qu’un moyen pour dominer, pour étendre sa puissance, pour gouverner, pour diriger les hommes et s’en servir à des fins inavouables et inavouées.

L’éloquence : « l’expression juste d’un sentiment vrai » ? Allons donc ! L’éloquence judiciaire n’est-elle pas là pour dénoncer cette définition ? La séduction, la richesse imaginative d’un Henri Robert, un des maîtres incontestés du barreau de Paris, est-elle le fruit d’un état d’âme et l’expression d’un sentiment profond, lorsque dans le prétoire, il défend le criminel, « la veuve ou l’orphelin » ? Mais non : simple gymnastique intellectuelle ou vocale où l’éloquence de l’avocat, quelle que soit la cause qu’il défend, n’est destinée qu’à attirer l’attention du public et à obtenir ses applaudissements, comme l’artiste sur la scène d’un théâtre quelconque.

L’éloquence politique d’un Briand, dont la voix grave, mélodieuse, émotive, a monté toute la gamme du concert social, est-elle inspirée par un désir de paix, d’amour, d’humanité ? Non pas ; mais simplement par le désir de s’élever au dessus de ses semblables et de paraître le surhomme parmi les hommes. L’éloquence tapageuse d’un Millerand ne fut-elle pas aussi nuisible à Saint-Mandé qu’à Ba-ta-clan, et celle d’un Poincaré n’est-elle pas une des nombreuses causes de l’ignoble carnage ?

Il est pénible de constater et de reconnaître que l’éloquence sincère, l’éloquence accidentelle, intermittente est presque toujours écrasée par le talent oratoire d’un professionnel de la tribune, et que le malheureux qui, dans des élans d’amour et d’humanité, laisse son cœur s’échapper est réduit à l’impuissance par l’orateur fougueux qui n’ignore rien de toutes les subtilités de l’éloquence.

Les humains se laissent conduire par des mots. Aussi regrettable que cela puisse être, cela est cependant, et qu’on le veuille ou non, on est bien obligé de composer avec les erreurs humaines ; aussi faut-il apprendre à dire ces mots, à les assembler proprement pour développer nos idées et les traduire éloquemment devant ceux que l’on veut convaincre.

C’est une faute grave de penser que seules la sincérité et la bonne foi peuvent faire échec à l’imposture et au mensonge. Un mensonge bien dit est plus éloquent, hélas, qu’une vérité mal interprétée. S’il en était autrement, la société bourgeoise aurait vécu.

Sachons être éloquents, apprenons à parler. Sans

jouer les comédiens, sachons convaincre, par la parole, par le geste, par l’attitude, les auditoires qui nous écoutent et qui ne demandent qu’à comprendre. Notre éloquence révolutionnaire, à laquelle on peut ajouter l’espérance vivace de voir un jour se réaliser un monde meilleur, aura bien vite raison de l’éloquence pernicieuse de tous les forbans, de tous les tribuns qui, sur les tréteaux de la politique asservissent et exploitent un art qui eut dû rénover l’humanité.

La prêtraille qui, durant des siècles, a par la parole fait trembler des millions de pauvres êtres ignorants s’efface aujourd’hui, devant la puissance de la science ; l’éloquence de la chaire s’épanouissant avec Bossuet, Fléchier, Lacordaire, etc., etc., s’est irrémédiablement éteinte, et sa flamme ne s’allumera plus. Il faut maintenant s’attaquer à l’éloquence politique aussi néfaste que la précédente. L’éloquence ne peut être une source de bienfaits que si elle répond aux besoins matériels et moraux de l’homme et si elle n’est pas animée par un esprit de lucre et d’intérêts particuliers.

C’est là la seule éloquence bienfaisante, saine, raisonnable, logique, et elle triomphera, car il n’est pas possible qu’elle soit vaincue.


ÉLUCIDER verbe (du latin elucidare ; de lucidus, clair). Rendre clair ; rendre lucide. Élucider une question ; élucider un sujet ; élucider une idée ; élucider un texte ; élucider un passage, etc., etc…

Tout ce qui touche au travail de l’esprit nous arrive parfois entouré d’un nuage obscur ; c’est ce nuage qu’il faut éloigner, écarter, pour rendre intelligible le sujet qui nous occupe. Qu’il s’agisse d’un thème philosophique, d’un problème de mathématique ou d’une idée sociale, chaque fois qu’une chose ne nous paraît pas claire, nous nous livrons à l’élucidation de cette chose pour pénétrer le secret qu’elle nous cache. Une fois ce travail accompli, ce qui nous semblait entouré de mystère nous paraît lumineux.

Souvenons-nous du conseil de la fable : « Sans un peu de travail, on n’a pas de plaisir », et lorsqu’il nous arrive, penchés sur un texte ou un passage, de ne pas en saisir toute la valeur, ne jetons pas le livre en le déclarant impropre ou incompréhensible. Cherchons, au contraire, à pénétrer la pensée de l’auteur en élucidant ce que nous ne comprenons pas et nous serons payés de notre fatigue par la joie de découvrir et d’apprendre.

Faisons de même pour tout ce qui nous entoure et ne taxons pas de ridicules avant de les avoir approfondies, les idées que l’on nous présente. Celles-ci peuvent souvent être rendues lucides avec un peu de patience et de bonne volonté.


ÉLUDER verbe (du latin eludere, se jouer de). Éluder est l’art d’éviter avec adresse une question ou un sujet embarrassant. Il est des hommes qui sont passés maîtres en cet art et qui échappent à toutes les difficultés de ce genre. Éluder des promesses est devenu un jeu d’enfants pour les politiciens de tout grade et de toute couleur et c’est également avec une remarquable sérénité qu’ils éludent les reproches mérités qu’on pourrait leur faire.

Faites une proposition gênante à un parlementaire. Avec grâce, doigté, et tout en affectant de vous écouter avec sympathie et intérêt, il s’écartera petit à petit de la proposition par un jeu de détours intelligents et, en fin de compte, ne répondra nullement à votre question. Il aura évité le fossé dangereux. Votre parlementaire est un éludeur.

L’action d’éluder se pratique également sur une grande échelle au barreau, et l’avocat cherche toujours à éluder ce qui est contraire à l’intérêt de son client. En général, on cherche toujours à éluder ce