squelettique sous son hypertrophie) sur un autrui dont il n’a senti ni compris le dynamisme et la richesse… Nous ne pouvons accepter sans protestation, sans désolidarisation élémentaire, que l’anarchisme, individualisme ouvert, serve de paravent à l’égoïsme régressif ou stagnant, au circonvolutisme centripète d’une morale qui, en dépit d’un verbalisme au reste usurpé, retourne aux réalités que nous dénonçons. L’individualisme (de quelque tendance, de quelque école anarchistes dont il se réclame ou auxquelles il s’apparente) n’est pas, ne peut pas être (hypocrite ou déclaré, conscient ou s’ignorant) l’individualisme de domination et d’exploitation, l’impérialisme de l’individu… — Stephen Mac Say.
Ouvrages a consulter. — Spencer : Principes de sociologie. — Palante : Combat pour l’Individu ; Les Antinomies entre l’Individu et la société. — J. Grave : L’Individu et la société. — S. Faure : La Douleur universelle. — Le Dantec : Traité de biologie ; L’unité dans l’être vivant, ; L’Égoïsme, etc. — Spinoza : Éthique. — Espinas : Les sociétés animales. — Nietzsche : La volonté de puissance ; Le Crépuscule des Dieux ; Aurore. — Kant : Raison pratique. — E. Fournière : Essai sur l’Individualisme ; L’Idéalisme social. — Leibnitz : Nouveaux essais. — Renouvier : Critiques philosophiques. — Kropotkine : L’Anarchie ; L’Entr’aide. — J. Thomas : Philosophie morale. — Draghicesco : L’Individu dans le déterminisme social. — Leroy-Beaulieu, Yves Guyot : Etudes économiques. — Schatz : L’Individualisme individuel et social. — Durkheim : Règles de la méthode sociologique ; La division du travail social. — Han Ryner : Petit manuel individualiste, L’individualisme dans l’antiquité, etc. — J. Tarde : La logique sociale. — Élisée Reclus : L’Anarchie ; Évolution, révolution et l’idéal anarchique. — Ibsen : Brand ; L’Ennemi du Peuple, Solness, etc. — J. Novicow : La morale et l’intérêt, etc., ainsi que les ouvrages déjà cités (p. 71) par E. Armand à la fin de son étude sur Anarchisme individualiste.
INDIVIDUALISME. J’aime, à travers les partialités et les insuffisances, les sottises même du dictionnaire. Aussi, ai-je fouillé le petit et le grand Larousse pour y chercher la définition du mot individualisme. Dans les deux dictionnaires j’ai trouvé celle-ci du même auteur : Système d’isolement des individus dans la société. Mais dans le grand Larousse l’auteur précise : Encyclopédie. Philosophie sociale. Subordonner le bien des autres à son bien propre, vivre le plus possible pour soi-même, c’est être individualiste. Il ajoute encore quelques notations superficielles pour indiquer qu’il a lu Spencer et Nietzsche.
Et tout cela prouve, d’abord : qu’il est permis à certains hommes d’enseigner la langue française qu’ils ignorent, puisque cet auteur (anonyme) ne sait pas qu’en français il n’y a pas — absolument — de synonymes, ce qui lui fait donner du mot individualisme la définition qui conviendrait à un certain égoïsme, ce mot pris dans son sens étroit, défavorable, péjoratif.
Cela prouve encore que certains hommes sont capables de lire des ouvrages philosophiques sans les comprendre… A moins que ce soit là de la mauvaise foi. Tout est possible. La mauvaise foi, au reste, n’est qu’une conséquence de la sottise.
Comme le mot anarchie, le mot individualisme en est victime. Par malveillance, le grimaud chien de garde emploie l’un pour l’autre les mots égoïsme et individualisme et ne donne de l’individualisme qu’un aspect étriqué, restrictif, et une mesquine conception.
Nous allons ici tenter de restituer au mot sa véritable signification.
Quand le sens des mots n’est pas vicié, l’individualisme est un système qui a l’individu pour base, pour sujet ou pour objet. Écoutez les individualistes et vous verrez que les trois aspects de cette définition sont bons.
L’individualisme est donc un système basé sur l’individu, qui a l’individu pour fin et l’individu pour agent.
Mettez cette phrase au pluriel et raisonnons. Nous voulons le bonheur de l’humanité. Mais l’humanité n’est pas une entité réelle ; seuls, les individus qui la composent sont des entités réelles. Donc, quand je dis : je veux le bonheur de l’humanité, je dis implicitement : je veux le bonheur des individus. L’individu est donc mon objet. Je dis l’individu, je ne dis pas moi…
On m’opposera peut-être qu’à ce compte tous les systèmes sont individualistes. Ce serait vrai si l’individualisme n’était que cela ; mais dans l’individualisme, l’individu n’est pas seulement l’objet, il est aussi le sujet. Mais avant de nous occuper de l’individu sujet, finissons-en avec l’individu considéré comme objet.
Je crois que tout ce qui a trait à la foule est éphémère, superficiel, illusoire et vain. Si je suis un orateur de talent, il m’est facile de faire admettre à une foule de trois mille personnes mon opinion habilement présentée. Ces trois mille personnes m’applaudiront « comme un seul homme ».
À ce moment précis il est possible de faire commettre à cette foule des actes énormes, héroïques ou odieux. Mais je n’aurai fait là rien de durable, parce que, l’emballement passé, la foule dispersée, les individus se ressaisissent ou sont repris par leur lâcheté. Si donc, je veux faire œuvre durable, il faut que je vise, non la foule, mais, parmi ces trois mille êtres, les quelques humains capables de devenir des individus. L’individualisme s’applique donc à rechercher, découvrir, perfectionner des individus.
Passons maintenant à l’individu agent ou sujet. Il est à peine besoin de dire, après ce qui précède, que ce ne sont pas les foules, les sociétés, mais les individus qui, œuvrant chacun avec la conscience de ses moyens et de ses responsabilités, viseront, non l’ensemble social, mais les individus pour la réalisation de leur plus grande somme de bonheur et leur plus grande somme de moyens.
Voyez que le but final est le bonheur de tous par le bonheur de chacun. — Raoul Odin.
INDIVIDUALISME (Anarchisme altruiste). Un argument habituel, c’est d’opposer l’individualisme et l’altruisme, et vice versa. Et cependant, à mon avis, individualisme et altruisme se confondent de telle façon qu’il est impossible de les séparer… Pour me faire mieux comprendre, voici un exemple. Au printemps de 1910 j’ai été stupéfait de trouver, dans un manifeste du Comité antiparlementaire, au bas duquel se trouvait mon nom, une phrase où l’on disait que le devoir des ouvriers était d’adhérer à leurs syndicats. Le devoir ! C’est le sophisme le plus réactionnaire que je connaisse… Dans la phrase du manifeste, devoir est à peu près synonyme d’intérêt. Il est vrai qu’il s’y ajoute une légère dose de sentiment altruiste, sous forme de solidarité. Mais un sentiment ne peut être que spontané, il ne peut pas être la conséquence d’une obligation. L’amour ni la solidarité ne peuvent donc pas être un devoir. Et c’est par confusion dans les termes et par esprit d’autorité que les syndicalistes osent parler d’un devoir ouvrier…
Il s’agit, en effet, de donner à un conseil une consécration morale. La morale sert ainsi à des buts intéressés, à des politiques trop souvent malodorantes. Mais qu’est-ce que la morale ? Autrefois purement religieuse, la morale officielle tend aujourd’hui à se confondre avec le code. Il est même curieux de constater que la morale change en même temps que les lois. La morale officielle règle les rapports sociaux pour le maintien de la paix sociale et la sauvegarde des situations acquises. Il n’y a donc aucun fondement à la morale, si ce n’est les convenances de la classe dominatrice, avec un reste