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paraît travailler à détruire son privilège. C’est ainsi qu’en s’efforçant de trouver des spécialistes pour ses usines, de réaliser l’orientation professionnelle, la classe capitaliste non seulement fournit un argument en faveur de la sélection des capacités, mais encore contribue à la recherche des moyens d’opérer une telle sélection.

Nous reviendrons plus tard sur la question de l’orientation professionnelle mais nous pouvons faire observer dès maintenant que, bien faite, elle devrait : 1o permettre de fournir à chaque profession (manuelle ou non) les travailleurs d’élite dont elle a besoin et à chaque postulant un emploi ; 2o guider les mieux doués, aptes à diverses professions vers celle qui exige, avec le plus d’aptitudes spéciales, le maximum d’intelligence.

École unique et orientation professionnelle nouent le problème de la sélection des élites. Quand et comment cette sélection devra-t-elle être faite ?

Certaines aptitudes se manifestent tardivement et ce n’est qu’après la puberté que l’on pourra vraiment juger si des enfants seront aptes à des écoles supérieures.

Devrons-nous donc faire la sélection après 15 ou 16 ans comme le voudraient quelques-uns ?

Il semble raisonnable de croire qu’on devra sélectionner à ce moment, mais ce serait certainement une erreur de croire qu’on ne doit pas sélectionner plus tôt. Non pas seulement parce que certaines études, le latin par exemple, demandent à être connues hâtivement, mais parce qu’il importe qu’avant cet âge les élites ne perdent pas leur temps.

Dans certaines communes de la Suisse romande, une sélection se fait à sept ans, qui permet de trier les élèves des écoles en trois classes : anormaux, retardés et normaux ; les bons élèves des classes de normaux doivent parcourir le programme primaire en 4 années au lieu de 5, si bien qu’à onze ans cette élite doit choisir entre l’école secondaire qui conduit aux facultés et l’école primaire supérieure qui se continue par les écoles techniques.

Cependant, ce dernier mode de sélection ne nous satisfait pas mieux que le premier ; il est beaucoup plus favorable aux enfants précoces qu’aux enfants vraiment bien doués.

Comment donc faire pour ne pas écarter une partie des élites sans perte de temps ?

Évidemment l’individualisation de l’enseignement, l’école sur mesure, fournissent la meilleure solution de ce problème, si, de plus, on procède prudemment par sélections successives et de plus en plus serrées.

Dès l’âge de 6 à 7 ans, on peut écarter les anormaux et les retardés ; une nouvelle sélection s’impose entre dix ou onze ans, pas trop sévère non plus et avec une organisation scolaire assez souple pour permettre d’en corriger les résultats au besoin ; enfin ce n’est que vers 15 ou 16 ans que doivent se placer les épreuves définitives pour les enfants se destinant aux études supérieures.

Je dis épreuves et non examens, car les examens actuels tiennent moins compte des aptitudes réelles que de la mémoire des candidats.

Je touche là à une des difficultés de réalisation de l’École unique. Ce n’est que depuis peu que l’on se soucie vraiment de la préparation de telles épreuves, c’est-à-dire des tests professionnels et des tests psychologiques et il ne s’agit pas seulement de reconnaître les aptitudes de chaque enfant, mais aussi de bien connaître celles qui sont nécessaires pour l’exercice convenable de chaque profession.

Toutes ces questions sont activement étudiées depuis quelques années et leur solution ne sera certainement pas sans influence sur la réalisation de l’École unique.

D’autres causes encore influeront certainement dans le même sens et je veux seulement en signaler une dont

l’importance me paraît encore aujourd’hui méconnue. L’école deviendra plus active et en particulier l’activité manuelle y occupera une plus large place. D’abord, parce que, dans un monde plus actif, plus industriel, plus scientifique, l’école ne peut qu’évoluer et s’écarter davantage de la scholastique moyenâgeuse. Ensuite, parce que les progrès de la psychologie et de la pédagogie nous démontrent aujourd’hui l’importance de l’activité et en particulier de l’activité manuelle pour le développement des facultés logiques et de la volonté.

Par suite, la différenciation des études dans l’enseignement primaire devra naître, non plus d’une différence dans les buts poursuivis, professionnels ou de culture, mais de la différence des aptitudes individuelles ; or, c’est précisément là un des buts que poursuivent les partisans de l’École unique.

L’École de l’avenir. — Plus d’un penseur a bâti cette école en utopie et en uchronie.

En 1891, un socialiste anglais, W. Morris, publiait ses « Nouvelles de nulle part », œuvre d’imagination où nous trouvons un tableau de l’éducation des temps futurs. Point d’écoles et cependant « la plupart des enfants, voyant des livres autour d’eux, parviennent à lire quand ils ont quatre ans ». Tout aussi facilement et aussitôt ces enfants apprennent l’anglais, le français, l’allemand, le gallois, l’irlandais, le grec, le latin, etc. Ne croyez pas que cet etc. renferme une langue internationale : espéranto, ido ou autre, W. Morris n’a point songé à cela. Incontestablement le socialiste anglais manquait de connaissances psychologiques sérieuses et, au point de vue qui nous occupe, son œuvre d’imagination est tout à fait fantaisiste.

Un anarchiste belge, Elslander, a lui aussi tenté d’imaginer ce que serait une éducation rénovée. Moins fantaisiste que Morris, il nous trace le tableau d’une école idyllique qu’il baptise Novella. À vrai dire Novella est une ferme dans laquelle les enfants vivent actifs et joyeux. Au contraire des enfants de « nulle part », ceux de Novella n’apprennent pas à lire et à écrire avant dix ans.

Ce seul détail de l’apprentissage de la lecture nous permet de saisir le gros défaut des œuvres dont nous venons de parler brièvement. Ni W. Morris, ni Elslander ne placent l’époque d’apprentissage de la lecture au moment le plus favorable ; l’un fait apprendre à lire à des enfants qui en sont encore incapables et l’autre laisse passer le moment le plus favorable — 6 à 8 ans — pour cet apprentissage.

Avoir beaucoup d’imagination ne suffit donc pas pour imaginer ce que pourra être l’école de l’avenir. Pour cela il faut connaître les progrès qui ont déjà été réalisés ou qui se réalisent peu à peu chaque jour dans tous les coins du globe. Ce n’est pas par souci d’historien que nous avons parlé de ces progrès dans les pages qui précèdent, mais parce que leur connaissance peut aider à imaginer une école meilleure.

Si la psychologie de l’enfant et la pédagogie expérimentale sont des sciences encore trop peu avancées pour nous permettre certaines précisions de détail, elles peuvent cependant nous apporter une aide tout aussi précieuse que la connaissance du progrès accompli ou en cours.

Il est certain, par exemple, que l’école continuera de tenir de plus en plus compte des intérêts enfantins, que de plus en plus elle s’efforcera d’être l’école sur mesure, celle qui s’adapte à chaque enfant, à ses goûts et à ses aptitudes. Ceci nous permet de penser que les écoles se différencieront de plus en plus, permettant la sélection des élites, l’orientation professionnelle, comma aussi le maximum d’éducation et d’instruction possible pour les plus mal doués.

Déjà et de plus en plus, les éducateurs s’efforcent