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FAN
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Si l’intérêt ne jouait pas un rôle primordial dans l’alimentation de la population, la famine disparaîtrait avec rapidité de la surface du globe, car la terre est capable de fournir suffisamment de nourriture pour subvenir aux besoins de tous ses habitants.

Malheureusement, les possesseurs de la richesse sociale s’inquiètent peu de la misère et du dénuement de leurs contemporains ; pour eux, l’exploitation de la terre et de ceux qui la travaillent n’est pas considérée comme une nécessité sociale, mais comme un moyen propre à leur assurer tous les privilèges et toutes les jouissances. Or, la famine puise sa source dans le parasitisme social. Il n’est pas d’exemple plus frappant de la culpabilité des possédants, en ce qui concerne la famine, que celui de l’Irlande que ce fléau a dépeuplée. Et pourtant, l’Irlande n’est pas un pays éloigné, inaccessible. Sa terre est riche, fertile, susceptible de nourrir la population ; mais cette terre a été accaparée par les grands seigneurs anglais, et de vastes étendues furent transformées en terrains de chasse. Pendant ce temps, aujourd’hui encore, l’Irlandais crève de faim. Si la famine ne règne plus dans ce pays, du moins la population se trouve dans un perpétuel état de pauvreté qui ne lui permet pas de se sustenter normalement.

Dans les pays occidentaux, la famine, c’est-à-dire le manque absolu de nourriture n’existe plus, car le capital n’a pas intérêt à ce que le travailleur meure littéralement de faim. Il a compris que pour arracher à l’individu le maximum de production, il était indispensable de lui assurer un minimum de nourriture, et puis, il faut dire que le progrès, les chemins de fer, la navigation ont largement contribué à écarter cette calamité. Mais dans les pays orientaux, la famine subsiste, et il n’est pas une année où elle ne fait un nombre incalculable de victimes. Une des famines contemporaines des plus meurtrières fut celle qui sévit aux Indes en 1900, et qui toucha plus de 50 millions d’Hindous. Le gouvernement indien ne put en secourir quotidiennement que 3 millions environ. La mortalité fut terrifiante, et cela se conçoit, puisque le septième de la population était touché par le fléau. Les causes de cette famine, affirme-t-on, furent les mauvaises récoltes des provinces centrales et occidentales. Cela est bien possible, mais ce qui est inadmissible, c’est qu’aucun remède n’ait pu être apporté pour soulager le mal. La famine n’est pas un malaise, une épidémie qu’on ne peut soigner : on sait ce qu’il faut pour la guérir et, si les affamés ne sont pas secourus, seul le capitalisme est responsable de cette atrocité.

Comment ! Alors qu’en certaines contrées du monde les récoltes sont d’une abondance telle qu’on ne sait pas quoi en faire, en d’autres pays, des humains meurent littéralement de faim sans qu’il soit possible de faire quoi que ce soit pour mettre un terme à une situation aussi inhumaine ? Quelque chose est possible, mais non en régime capitaliste. Et, en effet, lorsque la famine s’abat sur une contrée quelconque, le premier soin serait d’orienter sur cette partie du monde la surproduction d’une contrée plus favorisée, sans être arrêté par de misérables questions d’argent. C’est toujours cette odieuse monnaie, ce bas intérêt qui dresse des barrières et empêche l’individu de voler au secours de son semblable. Des hommes ont faim, là-bas, au centre de l’Asie ou au centre de l’Afrique ; l’Amérique regorge de vivres. Quoi de plus simple, semble-t-il, de déplacer cette abondance au profit des déshérités et des malheureux ? Mais celui qui possède ne donne pas pour rien ce qu’il possède. Il ne le donne qu’en échange de monnaies bien sonnantes, et alors la vie des affamés est subordonnée à leur puissance d’argent. C’est normal et c’est juste en régime capitaliste ; en un mot, c’est criminel.

Lorsqu’au lendemain de la guerre et de la Révolution, le peuple russe fut acculé à la plus noire misère, lors que la famine couchait des millions de femmes et d’enfants, dans le Sud-Amérique on brûlait du blé. Les frais de transport étaient trop élevés pour transporter ce blé dans la Russie affamée et, d’autre part, la Russie n’avait pas d’argent pour le payer. N’est-ce pas terrible, surtout lorsque l’on sait que dans une certaine mesure, cette famine fut provoquée par le capitalisme occidental, qui voulait, par la faim, étouffer le foyer d’incendie qui s’était allumé à l’Est ?

La famine, on ne le répètera jamais assez, est un mal social qui découle du capitalisme, et le capitalisme ne fait rien pour en éloigner les horreurs. Seule une transformation totale de l’organisation économique peut mettre fin à une calamité indigne d’un monde civilisé. Il n’y a pas lieu de se réjouir outre mesure, si la famine a à peu près disparu de ce que l’on appelle les pays civilisés. La disette subsiste en plus d’une contrée de l’Europe, et ils sont nombreux ceux qui, chaque jour, ne mangent pas à leur faim. Si elle est moins brutale que la famine, la disette n’est pas moins meurtrière. C’est un mal lent qui fait également de nombreuses victimes, et qui détruit des générations. Bien souvent, la rareté des vivres est voulue par les spéculateurs avides, et il n’est pas inutile de rappeler l’odieux monopole des blés, désigné sous le nom de « pacte de famine » qui, de 1765 à 1789, désola la France. Le pacte de famine avait pour but d’acheter à vil prix tous les blés en période d’abondance, de les exporter, ou même de les détruire afin de provoquer la hausse durant les années médiocres. La Révolution a passé ; 48 a succédé à 93, et 71 à 48. La grande guerre du droit et de la civilisation devait ouvrir une ère de progrès et de liberté, et aujourd’hui, en France, un nouveau pacte de famine a été signé par tous les grands mercantis, maîtres absolus de la République.

Le peuple a faim, le peuple a faim partout, parce qu’il plaît aux magnats de la finance, aux rois de l’or de raréfier les produits de première nécessité, afin de provoquer la hausse. Ce n’est pas la famine, mais c’est la disette. Le peuple commence à s’habituer à ne pas manger à sa suffisance. Huit ans après la grande guerre, plus d’un million de chômeurs en Angleterre se nourrissent imparfaitement. En Autriche, en Roumanie, en Russie, en Bulgarie, on manque de pain, et en France, l’année 1927 s’ouvre lourde de menaces. Et pourtant, la terre est là qui ne demande qu’à être fécondée et à nourrir l’humanité. Mais la terre appartient à ceux qui l’ont volée, et les outils sont la propriété d’une bande de malfaiteurs. Et c’est pour cela que le peuple a faim, qu’il aura faim demain, qu’il aura faim toujours, s’il ne veut pas comprendre que tout est subordonné à sa volonté et à son courage, et qu’il ne cessera de souffrir des affres et des horreurs de la famine que lorsqu’il arrachera à son exploiteur la terre et la machine.


FANTASMAGORIE n. f. (du grec phantasma, fantôme et agoreuein, parler). Art qui consiste à faire apparaître dans l’obscurité, des figures lumineuses à l’aide d’illusions d’optique. Ce qu’il y a de plus curieux, c’est qu’il existe des individus qui croient encore à la fantasmagorie et à l’apparition des fantômes. Il est vrai que l’on fait croire tant de choses au peuple qu’il n’y a pas lieu de s’étonner de sa crédulité.

Les politiciens, mieux peut-être que tous les illusionnistes qui s’exhibent sur les scènes des théâtres et des music-hall, sont passé maîtres dans l’art de la fantasmagorie. Les extravagances qu’ils débitent à leurs électeurs nous rempliraient d’admiration, si nous n’étions pas obligés de faire les frais de toute la comédie. Car