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L’antagonisme des classes s’accentue ; le dualisme des intérêts s’accuse toujours plus violent et plus irréductible. Les défenseurs du régime capitaliste sont plus féroces et mieux organisés que jamais ; mais les travailleurs sont plus éduqués et plus conscients qu’autrefois. Déjà les adversaires s’affrontent de temps à autre dans d’immenses mouvements de grève ou de vastes insurrections. Un jour ou l’autre la lutte ouverte éclatera, formidable et définitive, et la classe ouvrière, poussée à bout, finira par se débarrasser des parasites insolents qui la grugent et des gouvernements qui l’oppriment. Seule, la Révolution, amenant la disparition des classes, la solidarisation des intérêts et la réconciliation des peuples, dans le Bien-Être et la Liberté, mettra un terme aux antagonismes dont nous dénonçons les déplorables conséquences et qui sont inhérents au milieu social actuel. — S. F.


ANTHROPOLOGIE n. f. (du grec anthrôpos, homme et logos, discours). Traité de l’homme ; étude de l’homme envisagé dans la série animale ; histoire naturelle de l’homme. Dans son acception la plus étendue, l’Anthropologie désigne la science qui a pour but d’étudier l’homme. L’anthropologie a donc pour objet de réunir et de classer tous les documents, anciens ou modernes, susceptibles d’éclairer l’étude de l’homme considéré dans le rang qu’il occupe dans la série animale. Décrire les races humaines, préciser leurs analogies et leurs différences, déterminer leurs rapports de filiation, leur degré de parenté par les caractères anatomiques, par le langage, par les aptitudes et les mœurs ; examiner le groupe humain dans son ensemble, marquer sa place dans la série des êtres, ses relations avec les autres groupes de la nature et la distance qui l’en sépare, établir ses caractères communs, soit dans l’ordre anatomique et physiologique, soit dans l’ordre intellectuel et moral ; étudier les lois qui président au maintien ou à l’altération de ces caractères, apprécier l’action des conditions extérieures, des changements de milieu, les phénomènes de la transmission héréditaire, les influences de la consanguinité et des croisements ethniques, rechercher les premiers témoignages de l’apparition de l’homme sur la terre ; suivre en quelque sorte, à la trace les premiers progrès de l’humanité, sa marche lente et pénible vers les âges historiques ; tel est le champ immense de l’anthropologie.

L’anthropologie se divise en plusieurs branches : l’anthropologie préhistorique a pour objet l’étude des origines de l’homme par les traces qu’il a laissées. Cette partie de la science anthropologique est de date plutôt récente. Elle date de l’époque à laquelle on soupçonna l’existence d’espèces animales aujourd’hui disparues. Les découvertes qu’elle a réalisées établissent de fortes et multiples présomptions en faveur de la parenté qui relie l’homme à certaines variétés de singes. La découverte faite, en 1896, à Java, par le Dr  Dubois, des restes d’un animal intermédiaire entre l’homme et le singe connu jusqu’alors comme le plus voisin de l’homme semble à quelques savants décisive. Le pithecanthropus erectus de Java avait, comme l’homme, une station verticale ; la forme de son crâne est celle qui se rapproche le plus de celle des hommes primitifs ; cependant le pithecanthropus erectus ne possède pas tous les caractères qui permettraient de le classer définitivement dans le genre humain.

L’Anthropologie ethnologique étudie les groupements humains qui se sont formés au cours de l’histoire. Les renseignements que nous apportent les deux branches principales de l’anthropologie, dont l’une étudie l’homme isolé en tant qu’individu et l’autre l’homme groupé, sont des plus intéressants et de nature, en

bousculant fortement les notions officielles sur l’Individu et sur les collectivités, à conférer à nos conceptions libertaires une incalculable valeur de certitude.

Certains anthropologistes ont cherché quelle relation pouvait exister entre la criminalité et la conformation physique de l’individu. Ces recherches ont donné naissance à l’anthropologie criminelle. Le plus célèbre des criminalistes, le Dr Lombroso proclame l’existence du criminel-né, c’est-à-dire d’un genre d’homme qui, par voie héréditaire ou congénitale serait fatalement poussé à devenir criminel. Cette doctrine qui prétend revêtir d’un caractère scientifique et certain une thèse que l’expérience contredit fréquemment a été passionnément débattue et brillamment combattue, notamment par Manouvrier, professeur à l’école d’Anthropologie fondée en 1876, à Paris. Manouvrier a lumineusement démontré que l’influence du milieu exerce une action prépondérante sur la formation du caractère de l’individu et la direction de ses actes.


ANTHROPOMÉTRIE n. f. (du grec anthrôpos, homme, et metron, mesure). C’est la science des proportions du corps humain, la connaissance des dimensions de ses diverses parties. On entend par anthropométrie judiciaire la méthode, usitée dans la plupart des pays, dans les établissements rattachés au régime pénitentiaire, par laquelle on relève, à l’aide d’un ensemble de mensurations particulières, le signalement des personnes condamnées et même simplement arrêtées. Ce procédé qui, en réalité, consiste à traiter l’homme comme un bétail, est une violation révoltante de la dignité humaine. Il est digne de l’appareil judiciaire, policier et pénitentiaire, dont l’existence est un défi permanent à la liberté individuelle.


ANTHROPOMORPHISME n. m. (du grec anthrôpos, homme, et morphê, forme) Le sens de ce mot diffère selon qu’on le considère du point de vue religieux ou du point de vue philosophique.

Dans le premier cas, qui est le plus particulier, il exprime ce fait historique que l’une des premières manifestations de l’instinct religieux chez l’homme, après l’animisme et le naturisme, fut de créer des dieux à son image, en d’autres termes, d’anthropomorphiser la divinité.

Sorti de la période barbare où il faisait grossièrement ses dieux, avec toutes les choses vivantes ou non vivantes qui l’entouraient, ou qu’il voyait au firmament, il accomplissait un grand progrès, en les tirant de sa propre personne. Ce progrès produisit de véritables miracles en Grèce, car, par lui, par le polythéisme qu’il inspira, naquit et se développa l’art hellénique, c’est-à-dire l’expression la plus parfaite de la Beauté plastique. Au point de vue philosophique, on peut dire que toute la civilisation grecque fut, dans sa courte mais inégalable évolution, le fruit de l’anthropomorphisme.

Les Grecs lui durent non seulement les chefs-d’œuvre de Phidias et de Praxitèle, mais aussi l’Illiade, l’Odyssée, et les plus grands de leurs tragiques… Que serait l’œuvre d’Eschyle, de Sophocle, d’Euripide, et même d’Aristophane sans les dieux créés par l’homme qui à la fois dominent, dirigent et partagent sa destinée, et qu’il n’a différencié de lui-même qu’en leur accordant généreusement l’immortalité.

Malheureusement pour l’évolution et l’émancipation de l’esprit humain, les religions, qui se disent les plus épurées, malgré tout le spiritualisme et l’idéalisme affichés par elles, sont restées à l’état anthropomorphique. Témoin la religion catholique qui, fermée à tout progrès scientifique, en est encore à un dieu fait homme dont les fidèles anthropophages mangent le corps et