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ANA
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empêcher : interdiction du Congrès lui-même, arrestation ou expulsion des délégués, etc…

Pour obvier à ces difficultés et, le cas échéant, rendre inopérantes ces mesures, il suffira : d’une part, que le choix des délégués ne soit pas rendu public et que, d’autre part, la date et le lieu des Congrès internationaux soient tenus secrets.

Rien ne sera plus facile :


1o Chaque Union nationale n’aura qu’à désigner ses délégués sans les faire connaître publiquement ;

2o Le nom et l’adresse de ces délégués seront transmis au Bureau International ;

3o Le Bureau International convoquera ces délégués en temps et lieu ;

4o Le Congrès se réunira clandestinement ;

5o Le Congrès terminé, les délégués en rendront compte à l’organisme national respectif ;

6o Celui-ci en rendra compte aux organismes locaux.

c) Action. L’Action internationale — est-il besoin de le dire ? — sera faible ou puissante dans la mesure exacte de la faiblesse ou de la puissance de l’éducation, de l’organisation et de l’action des milieux anarchistes de chaque pays.

Tout ce que j’ai dit de l’action anarchiste — permanente et circonstancielle — dans le domaine national trouve son application rigoureuse à l’action anarchiste — permanente et circonstancielle — dans le domaine international. Je n’ai rien à y ajouter, rien à en retrancher.

Il en va de même des rapports moraux et des relations amicales à établir entre l’action anarchiste internationale et le mouvement syndical et coopératif mondial.

L’essentiel est de ne jamais perdre de vue que, par essence et par définition, l’Anarchisme : négation de l’Autorité est international tout comme l’Autorité elle-même : négation de l’Anarchisme ; et que, dans le domaine de toutes les Idées et de tous les Faits, l’Autorité se dressant contre l’Anarchisme sans distinction de peuples, ni de races, l’Anarchisme, lui aussi, doit s’insurger contre l’Autorité d’où qu’elle vienne, où qu’elle sévisse et quelle qu’elle soit.

On a déjà tenté de créer une Internationale anarchiste.

Cet essai, reconnaissons-le, n’a pas donné de résultats appréciables. En conclure que cet organisme n’a pas de raison d’être, qu’il ne répond à nulle nécessité et que, conséquemment, il est un rouage inutile, serait une erreur.

La vérité est qu’on a commis la faute de créer cet organisme sans attendre que les rouages destinés à son fonctionnement aient atteint le développement voulu. Il était fatal que, dans ces conditions, « l’Internationale Anarchiste » ne fût pas viable.

Cette faute ne doit pas être renouvelée.

Il serait mal avisé, l’ingénieur, fût-il génial, qui concevrait le projet de creuser artificiellement le lit d’un fleuve, en l’absence des sources, des torrents, des ruisseaux, des rivières et des déclivités du sol propres à alimenter ce fleuve. Par contre, il suffit que les eaux provenant des sources, des torrents, des ruisseaux, des rivières, des accidents de terrain dont abonde une région se frayent leur chemin à travers la nature et parviennent à se rejoindre, pour que toutes ces eaux, graduellement rassemblées, forment un fleuve de plus en plus large et profond.

Eh bien ! Si désirable, si urgente, si nécessaire que soit la fondation d’un organisme anarchiste international, il est évident que celui-ci ne peut être, dans la pratique, véritablement utile et robuste, que s’il est

réellement comme le prolongement, la réunion et le couronnement naturel de toutes les forces anarchistes déjà unies et organisées localement et nationalement.

Pour bien préciser le but pratique auquel tend l’Anarchisme et, sur ce point, fixer les idées, il est indispensable d’indiquer la formule qui condense tout le mouvement libertaire. Cette formule — sorte de devise brève et synthétique, claire, simple et concrète — est celle-ci : « Bien-être et Liberté ! »

Bien-être, non pas seulement pour la majorité ou pour la presque totalité des Individus, mais pour la totalité de ceux-ci, sans distinction ni exception d’aucune sorte. Ce « Bien-Être », appelle, il exige l’abolition de l’appropriation privée — et, par conséquent, la mise en commun — du sol, du sous-sol, des matières premières, des produits de toute nature, des moyens de production, de transport et de communication, en un mot, du capital sous toutes ses formes : c’est le Communisme.

Liberté, non pas seulement platonique et de droit, mais réelle et de fait, non pas seulement pour l’immense majorité, mais pour la totalité des Individus, sans distinction ni exception d’aucune sorte. Cette « Liberté » comporte, elle nécessite la disparition de l’État, qu’il soit monarchique, républicain ou prolétarien : C’est le Communisme libertaire.


L’Anarchisme reconnaît l’existence des classes ; il constate l’antagonisme des intérêts politiques, économiques et moraux qui opposent irréductiblement une classe à l’autre. Il admet le dualisme historique qui, depuis qu’elles existent, a dressé fatalement l’une contre l’autre la classe capitaliste et la classe ouvrière. Il reconnaît que, par l’enchaînement irréfragable des événements qui tissent le canevas sur lequel se développe l’évolution de ces deux classes ennemies, la lutte en est arrivée, au cadran de l’histoire, à l’heure où le grand, l’immense, l’inévitable conflit est imminent. Il proclame que, tôt ou tard, ce conflit se terminera par la défaite de la classe bourgeoise succombant sous le faix de plus en plus écrasant de ses erreurs, de ses fautes et de ses crimes.

Dans ce duel tragique qui dresse face à face les deux classes adverses, l’Anarchisme prend fait et cause pour le prolétariat contre la bourgeoisie. Mais il se sépare nettement des Partis socialistes : collectiviste et communiste qui, de plus en plus, sont amenés à faire l’aveu que le but qu’ils poursuivent est de prendre la place des bourgeois dirigeants, qui présentement gouvernent au nom et au profit de la classe capitaliste, afin de gouverner, à leur tour, au nom et au profit — ils le prétendent du moins — de la classe ouvrière.

Le Parti socialiste (S. F. I. O.) et le Parti communiste (S. F. I. C.) assignent à la révoltante organisation actuelle une seule cause : le Régime capitaliste ayant à sa base la Propriété privée. Au fond, et dépouillée de tout artifice, leur doctrine consiste à exproprier les capitalistes et à confisquer leurs biens au profit de l’État dont ils deviendront les Maîtres, eux : socialistes ou communistes. Ils enseignent que le jour où la possession de l’État, après avoir été arrachée aux « fondés de pouvoirs » de la Haute Banque, de la grande Industrie, du grand Commerce et de la vaste propriété terrienne, passera aux mains des mandataires directs du Prolétariat, la face du monde aura changé et que, résolu sera tout le problème social. Ils sont dans une erreur profonde. À l’aide de l’Histoire et de l’expérience, l’Anarchisme dénonce et démontre cette erreur. Il établit que si la Propriété fut,