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« La liberté aux citoyens de s’assembler paisiblement et sans armes en satisfaisant aux lois de police ;

« La liberté d’adresser aux autorités constituées des pétitions signées individuellement.

« Le pouvoir législatif ne pourra faire aucune loi qui porte atteinte et mette obstacle à l’exercice des droits naturels et civils consignés dans le présent titre et garantis par la Constitution. Mais comme la liberté ne consiste qu’à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d’autrui, ni à la sûreté publique, la loi peut établir des peines contre les actes qui, attaquant, ou la sûreté publique, ou les droits d’autrui, seraient nuisibles à la société.

« La Constitution garantit l’inviolabilité des propriétés ou la juste et préalable indemnité de celles dont la nécessité publique, légalement constatée, exigerait le sacrifice.

« Les biens destinés aux dépenses du culte et à tous services d’utilité publique appartiennent à la nation, et sont dans tous les temps à sa disposition.

« La Constitution garantit les aliénations qui ont été ou qui seront faites suivant les formes établies par la loi.

« Les citoyens ont le droit d’élire ou choisir les ministres de leurs cultes.

« Il sera créé et organisé un établissement général de secours publics pour élever les enfants abandonnés, soulager les pauvres infirmes et fournir du travail aux pauvres valides qui n’auraient pas pu s’en procurer.

« Il sera créé et organisé une instruction publique, commune à tous les citoyens, gratuite à l’égard des parties d’enseignement indispensable pour tous les hommes, et dont les établissements seront distribués graduellement dans un rapport combiné avec la division du royaume.

« Il sera établi des fêtes nationales pour conserver le souvenir de la Révolution française, entretenir la fraternité entre les citoyens, et les attacher à la Constitution, à la patrie et aux lois.

« Il sera fait un code de lois civiles communes à tout le royaume. »

Qu’est-il advenu de ces projets grandioses ? On peut, sans trop d’impertinence, poser aujourd’hui la question. On sait, en effet, qu’après un siècle et demi de luttes politiques, d’émeutes sanglantes et d’inutiles révolutions, les citoyens français attendent encore la réalisation de leurs droits. Le sublime idéal de 1789 a reçu de l’historien un cruel démenti. Mais son échec était fatal. Les grands révolutionnaires, ceux du moins qui gardaient la foi dans l’œuvre entreprise, avaient fait, selon le mot de l’un d’entre eux, « un pacte avec la mort ». Ils ne pouvaient, hélas ! contraindre la victoire. On ne transige pas avec la ruse, la peur, l’hypocrisie, la trahison !… Mais si le succès leur échappa, ils tinrent leur serment et surent mourir.

Il ne faut point leur imputer à crime d’avoir conçu une Cité de rêve, comme si les lois de l’État suffisaient à réformer les mœurs. Maîtres de leurs pensées, ils les voulurent idéalement belles. Mais le cœur des ambitieux leur échappait, où régnait l’égoïsme, le seul tyran qu’on ne pût « raccourcir ». Ils eurent l’honneur, et ce sera leur gloire, de tracer l’ébauche d’une société moins inique, laissant à l’avenir la tâche peut-être surhumaine de l’édifier, pierre après pierre, dans la douleur et dans l’effort.

La Déclaration de 1789 a inspiré à des degrés divers toutes les Constitutions françaises jusques et y compris la Constitution bonapartiste de 1852. Des rédactions différentes en furent parfois adoptées. Nous croyons intéressant de les mentionner ici.

III. Déclaration de l’An I (ou de 1793). — Dès les premières séances de la Convention nationale, une Com-

mission fut chargée de préparer un projet de Constitution de la République. L’élément girondin y dominait. Elle comprenait : Siéyès, Thomas Payne, Brissot, Pétion, Vergniaud, Gensonné, Barère, Danton et Condorcet, avec Barbaroux, Fauchet et quelques autres pour suppléants. Condorcet présenta son rapport les 15 et 16 février 1793. Mais la lutte engagée entre la Montagne et la Gironde ne permit pas à l’Assemblée de le discuter.

Après la chute des Girondins, le Comité de Salut public, auquel on adjoignit cinq membres, reçut la mission de rédiger un nouveau projet.

Hérault de Séchelles en fut le principal rédacteur. Élaboré en six jours, amendé et adopté par le Comité en une séance, le projet de Constitution fut présenté à la Convention le 10 juin et voté le 24. Ébauche improvisée pour les besoins d’une crise politique, la Constitution de 1793 fut appelée plaisamment par son auteur Hérault de Séchelles « un impromptu républicain ». Siéyès ne voulait y voir qu’ « une table des matières ».

Soumise avec la Déclaration qui lui servait de préambule à la ratification des Assemblées primaires, elle fut acceptée par le corps électoral. Mais elle ne put être appliquée. Le 10 octobre 1793, l’Assemblée décréta que « le Gouvernement provisoire de la France serait révolutionnaire jusqu’à la paix » et que « la Convention serait elle-même le centre unique du Gouvernement ».

La Déclaration de 1793 resta donc lettre morte, comme la Constitution dont elle n’était que la préface.

Voici le texte de cette Déclaration :

« Le peuple français, convaincu que l’oubli et le mépris des Droits naturels de l’Homme sont les seules causes des malheurs du monde, a résolu d’exposer, dans une déclaration solennelle, ces droits sacrés et inaliénables ;

« Afin que tous les citoyens, pouvant comparer sans cesse les actes du Gouvernement avec le but de toute institution sociale, ne se laissent jamais opprimer et avilir par la tyrannie ;

« Afin que le peuple ait toujours devant les yeux les bases de la liberté et de son bonheur ; le magistrat, la règle de ses devoirs ; le législateur, l’objet de sa mission.

« En conséquence, il proclame en présence de l’Être suprême la déclaration suivante des Droits de l’Homme et du Citoyen :

« I. — Le but de la société est le bonheur commun ! Le gouvernement est institué pour garantir à l’homme la jouissance de ses droits naturels et imprescriptibles.

« II. — Ces droits sont l’égalité, la liberté, la sûreté, la propriété.

« III. — Tous les hommes sont égaux par la nature et devant la loi.

« IV. — La loi est l’expression libre et solennelle de la volonté générale ; elle est la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ; elle ne peut ordonner que ce qui est juste et utile à la société ; elle ne peut défendre que ce qui lui est nuisible.

« V. — Tous les citoyens sont également admissibles aux emplois publics. Les peuples libres ne connaissent d’autres motifs de préférence, dans leurs élections, que les vertus et les talents.

« VI. — La liberté est le pouvoir qui appartient à l’homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d’autrui : elle a pour principe la nature ; pour règle la justice ; pour sauvegarde la loi ; sa limite morale est dans cette maxime : Ne fais pas à un autre ce que tu ne veux pas qu’il te soit fait.