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grâce 1927, malgré toutes les campagnes entreprises contre les conseils de guerre et contre les bagnes militaires où croupissent et meurent des milliers de jeunes gens dont le seul crime est d’avoir eu un jour un légitime geste de révolte contre la discipline, ces lieux maudits subsistent encore, sans qu’il soit possible d’espérer pour un avenir prochain leur suppression.

Que de crimes sont commis au nom de cette discipline qui est un facteur de désordre, de gabegie, de corruption et de dégénérescence ! Les révolutionnaires sont partisans, eux, de la discipline : les anarchistes la considèrent comme indispensable à la vie en commun des individus. Ils savent qu’aucun groupement, qu’aucune organisation, qu’aucun travail, qu’aucune action ne sont possibles sans discipline.

Mais notre discipline n’est pas la vôtre. Elle ne repose pas sur l’autorité, sur la bêtise et sur l’arbitraire, mais sur la logique. Elle est librement consentie. Étant l’œuvre de l’intelligence, elle n’est pas une contrainte. Elle n’oblige personne à se courber devant elle, elle n’use pas de sanction, elle est libre en un mot et est constituée par l’engagement pris par chacun de respecter une décision prise en commun.

Voilà ce que doit être et ce que sera la discipline, lorsque les hommes, en ayant assez d’être des esclaves ou des serfs, briseront les chaînes qui les tiennent attachés aux institutions criminelles, derniers vestiges d’un passé d’horreur qui ne se perpétue que par la veulerie et l’ignorance des masses populaires. — J. Chazoff.


DISCORDE. n. f. (du latin discordia, formée de dis, séparation et de corda, cœur). En mythologie, « Discorde » est la divinité malfaisante, fille de la Nuit, et chassée du ciel par Jupiter parce qu’elle suscitait sans cesse des dissensions parmi les dieux. N’ayant pas été invitée aux noces de Pélée et de Thétis, la Discorde jeta une pomme parmi les dieux assemblés, pomme sur laquelle étaient écrits ces mots : « À la plus belle ». Cette pomme fut la cause de la guerre et de la ruine de Troie et des malheurs des Grecs.

La discorde est la division qui existe entre deux ou plusieurs personnes. Une grande discorde, discordes civiles. Elle est la source de toutes les discussions et de toutes les disputes, et c’est avec raison que La Fontaine a dit :

« La discorde a toujours régné sur l’Univers. »
« Notre monde en fournit mille exemples divers ».

Peut-il en être autrement en un ordre social où tout est discordant, où rien n’est harmonieux ? Il ne peut y avoir accord entre des éléments qui sont opposés les uns aux autres, et qui sont séparés par une barrière infranchissable. La liberté et l’autorité ne peuvent faire bon ménage ; la richesse et la pauvreté non plus ; la discorde ne prendra fin que lorsque la liberté aura complètement vaincu l’autorité, et que la richesse sociale n’appartiendra plus à quelques-uns, mais à tous.

Les causes et les raisons de discorde ayant disparu, ses effets disparaîtront également, et les hommes pourront mener enfin une existence pleine de quiétude et d’harmonie.


DISCUSSION. n. f. (du latin discussio). La discussion est l’examen, par débat, d’une idée, d’une proposition, d’un problème, et où chacun expose le point de vue particulier qu’il a du sujet soumis à son appréciation. Une discussion peut être calme, animée ou orageuse. Les plus profitables sont celles qui se déroulent dans le calme, car il est plus facile d’y examiner les sujets ou les objets en contestation avec soin. Les discussions orageuses sont d’ordinaire stériles, et on ne peut prendre de meilleurs exemples que ceux que nous offrent les

discussions électorales, qui dégénèrent parfois en bagarre, mais d’où ne sort jamais rien de bon.

Les discussions parlementaires qui font l’effet de tant de hâte sont aussi inutiles que les discussions électorales, et il faut le croire, car depuis que se réunissent les corps législatifs, ils n’ont encore élaboré aucune loi qui soit susceptible d’assurer l’harmonie des pays et des nations qu’ils ont à charge de diriger. La discussion seule d’un sujet intéressant est utile, mais il ne faut pas cependant discuter pour discuter et avoir raison. Il coule de source que lorsque l’on discute, c’est que l’on considère son point de vue comme le meilleur, pourtant il faut écouter et examiner les arguments qui nous sont opposés, et ne jamais hésiter à reconnaître ses erreurs. Discuter à perte de vue, par dilettantisme et snobisme est ridicule, et prise dans ce sens, la discussion n’est pas une source d’enseignement et de lumière.


DISPUTE. n. f. (du latin dis, séparat. et de putare, penser). La dispute est le débat suscité par des opinions contraires, par des intérêts opposés ou des prétentions rivales. Il ne faut pas confondre la dispute et la discussion. La discussion dégénère parfois en dispute ; mais si, lors de la discussion, on cherche à convaincre son adversaire, lorsque l’on arrive à la dispute, on ne cherche plus qu’à le froisser.

« C’est du choc des esprits que jaillit la lumière », dit un proverbe, et il est vrai que l’exposition des idées de chacun est un important auxiliaire du progrès ; mais ce n’est pas au cours d’une dispute que l’intelligence peut se livrer à ses opérations ; il lui faut le calme pour travailler, et non pas l’orage de la dispute.

Malgré ce distinguo que nous faisons entre les mots dispute et discussion, le mot dispute, en dehors du langage courant est souvent employé par les écrivains, et non des moindres, comme synonyme de discussion : « Quand les hommes éclairés disputent longtemps, il y a grande apparence que la question n’est pas claire. » (Voltaire). « Elle n’explique rien de ce qui pouvait être en dispute. » (Pascal). « Nous avions le plus souvent disputé ensemble. » (Molière). Quoi qu’il en soit, nous ne disputerons pas sur la valeur grammaticale du mot : contentons-nous de dire que, dans l’usage courant, vulgaire que l’on fait du mot « dispute », celui-ci n’est pas synonyme de discussion, mais serait plutôt synonyme de querelle.


DISQUALIFIÉ. adj. Ne plus être qualifié pour ; être déchu, déshonoré, être indigne de remplir certaines fonctions. Avoir manqué à ses promesses, à ses engagements ; ne plus posséder l’estime et la confiance de ses semblables. Manquer de qualités requises pour…

L’homme disqualifié est un individu qui a généralement abusé de l’estime et de la confiance que l’on avait placées en lui, et qui en a profité pour en user à son avantage et à son profit. Hélas ! Avant d’être disqualifié pour être dans l’incapacité de nuire, l’individu fourbe et retors fait bien des victimes, et il est souvent difficile de le dénoncer et de retirer le manteau dont il se couvre, tant est profonde et tenace la crédulité de ceux qui, sincèrement, le défendent.

Ne sont-ils pas nombreux, et surtout dans les milieux politiques, les hommes qui sont moralement disqualifiés, qui se sont disqualifiés en faisant commerce de leurs mandats, en trompant leurs électeurs, en trempant dans toutes les affaires louches susceptibles de leur apporter un quelconque bénéfice, et qui cependant exercent, malgré tout, une influence prépondérante et dirigent encore les destinées d’une nation ?

Le sinistre Poincaré, qui peut à juste titre être considéré comme un des grands responsables de la guerre, ne s’était-il pas lui-même disqualifié aux yeux de tous ?