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même doit attirer l’attention de tous pour l’éclosion d’une société où chaque individu sera libre.

Les parias ne peuvent être éternellement le jouet des politico-dirigeants, présents ou futurs, qui tirent profit de nos divisions, que souvent ils fomentent. A nous d’y voir enfin clair, en sachant nous entendre, pour démasquer les ambitieux et les profiteurs.

Aigueperse.


DISCERNEMENT. n. m. Le discernement est la faculté de distinguer les choses et les personnes, et d’en juger sainement : agir avec discernement ; agir sans discernement. « Chaque homme, a dit Condillac, a assez de lumières pour discerner ce qui est honnête ». Nous serions plutôt de l’avis de La Bruyère, qui pensait : « Qu’après l’esprit de discernement, ce qu’il y a au monde de plus rare, ce sont les diamants et les perles ». C’est le manque de discernement des individus qui permet, en effet, aux mauvais bergers de conduire le troupeau de façon incohérente ; et c’est toujours faute de discernement que ce troupeau se laisse exploiter et égorger au profit de ses maîtres.

Le peuple, inéduqué, corrompu par des siècles d’esclavage, ne sait pas distinguer ses amis de ses ennemis, discerner le mensonge de la vérité ; il est toujours attiré par celui qui le comble de promesses et de flatteries ; et c’est pourquoi il est malheureux. Pourtant, le peuple est assez vieux pour comprendre, pour savoir, pour connaître. Il est en âge de discerner ce qui lui est utile et ce qui lui est nuisible, d’apprécier ce qui lui fait du bien ou du mal, et de se détacher de tout ce qui l’asservit et le fait souffrir. Il est indispensable que les asservis acquièrent le discernement qui leur manque, s’ils veulent briser leurs chaînes et goûter un peu de bonheur et de liberté.


DISCIPLE. n. m. (du latin discipulus, élève). Celui qui apprend d’un maître, ou qui s’attache aux doctrines ou aux systèmes d’un autre. Dans l’Évangile, c’est le nom qui fut donné spécialement aux soixante-douze personnes choisies par Jésus-Christ, pour aller prêcher sa doctrine ! (Les disciples de Platon, de Descartes, de Newton, de Jaurès, de Lénine).

Si, en science, le disciple poursuit généralement les recherches du maître qui l’a précédé, en philosophie et plus particulièrement en sociologie, il dénature le plus souvent ses pensées en les interprétant de façon ambigüe. Il arrive aussi fréquemment que des individus se disent les disciples (de tel ou tel homme), sans même connaître ou comprendre la doctrine de celui-ci. En ce cas, les disciples ne sont que des suiveurs ou des croyants qui adorent un Dieu, aveuglément, par fanatisme, par bêtise, par ignorance. Combien sont-ils qui se réclament aujourd’hui de Jaurès, sans savoir seulement ce qu’il désirait, quelles étaient ses opinions, son but, ses vues, ses aspirations, ses espérances, sa doctrine. Ils se disent ses disciples sans même connaître le maître. N’en est-il pas de même pour Lénine ? Il y a, de par le monde, des centaines de milliers d’êtres obscurs qui se prétendent les disciples du dictateur russe, et qui n’ont même pas lu une simple ligne de ses écrits. Ce sont de pauvres religieux, agissant sans discernement, sans raison, et qui sont des proies faciles pour les politicaillons de tous grades et de toutes couleurs.

Les disciples de la vérité sont rares ; car pour la propager, il faut d’abord l’avoir comprise et l’avoir dépouillée de l’amas de mensonges dont elle est entourée.

Fouillons, étudions, cherchons pour grossir notre bagage de connaissances. En réalité, la vérité n’existe pas, ne peut pas exister ; il y a des vérités et il y a des mensonges. On ne peut être le disciple d’un homme, on ne doit pas l’être, si selon la forte expression de

Stirner : « Rien n’est pour Moi, au-dessus de Moi ». Prenons, empruntons à d’autres les pensées, les idées qui nous paraissent justes et logiques ; mais gardons-nous, si nous voulons conserver notre personnalité, de nous dire les disciples de quelqu’un, si nous ne voulons être comparés avec raison aux moutons de Panurge.


DISCIPLINE. n. f. (du latin disciplina, enseignement ; de disco, j’enseigne). « La discipline est l’ensemble des règlements qui régissent certains corps et devant lesquels sont obligés de se soumettre, sous peine de sanction, tous les individus. Telle est la définition que l’on peut donner de la discipline, en ce qui concerne les sociétés organisées selon les principes de l’autoritarisme.

La discipline est donc une contrainte et, selon l’importance des institutions où elle s’exerce, elle est plus ou moins sévère. Naturellement, comme dans tout ce qui découle de l’autorité, il y a ceux qui en bénéficient et ceux qui en souffrent. Ceux qui en bénéficient sont ceux qui l’imposent, ceux qui en souffrent sont ceux qui la subissent. « La discipline scolaire, la discipline ecclésiastique, la discipline militaire, la discipline de la magistrature » etc., etc…

L’homme est une victime de la « discipline », il est pris entre ses griffes dès sa plus tendre enfance, dès son plus jeune âge. C’est à l’école qu’elle commence à peser sur ses frêles épaules, et son poids augmente avec les années. Il est évident que l’enfant a besoin d’être conduit, orienté, qu’il est un petit animal inéduqué et qu’il est bon de lui enseigner certaines règles et de refréner parfois ses instincts naturels. Toutefois, il ne nous apparaît pas que la discipline scolaire puisse atteindre le but qu’elle poursuit, c’est-à-dire : donner à l’écolier, qui sera demain un homme, un enseignement lui permettant d’acquérir de l’ordre et de la méthode, qualités indispensables à la bonne harmonie des sociétés.

La discipline scolaire s’adresse moins à l’intelligence de l’enfant qu’à ses sentiments de crainte et de frayeur et, s’il se courbe devant elle, ce n’est pas qu’il en reconnaisse l’utilité, mais parce qu’il a peur des sanctions qui pourraient résulter de ses infractions.

Par conséquent, l’ordre, le calme qui existent dans une classe ne sont qu’apparents, superficiels et, si l’on pouvait plonger dans le jeune cerveau des élèves, on s’apercevrait bien vite du travail nocif de la discipline.

L’erreur particulièrement profonde de la discipline scolaire est de s’adresser à la collectivité, sans tenir compte du tempérament, de la personnalité des individus qui la composent. « Qu’importe, dira-t-on, puisque les résultats sont obtenus ». Et c’est justement là que l’erreur se corse. Le but — à nos yeux, tout au moins — de l’école, est de faire de l’enfant un homme ; de lui faire comprendre la différence qui existe entre une action utile à la collectivité, à la vie de laquelle il participera bientôt, et une action qui lui est néfaste ; de lui faire distinguer, en s’adressant à sa raison, à son intelligence, le « bien » du « mal », le beau du laid, et de frapper son imagination par des exemples susceptibles d’éveiller en lui l’amour de son prochain et le désir vivace de ne pas nuire à son semblable.

Or, l’école moderne ne remplit pas ce rôle et, loin d’être, pour leurs élèves, de grands frères expérimentés, les maîtres, les professeurs, sont plutôt des caporaux chargés de faire respecter une discipline qui se traduit par des punitions donnant naissance, non seulement à un sentiment de terreur, mais aussi de haine.

Dans certaines écoles anglaises, les infractions à la discipline sont sévèrement réprimées et l’on assiste parfois au pénible spectacle d’un jeune homme de 15 ou 18 ans fouetté pour n’avoir pas respecté les règlements auxquels il était soumis. Quelles influences bien-