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règlement, d’une loi, qui vieillissent et dont on ne fait plus usage.

Par exemple, la loi française condamne l’adultère et punit la femme qui s’en rend « coupable » à une peine variant entre trois mois et deux ans de prison ; le complice est passible de la même peine. On peut dire cependant qu’il ne se trouve pas en France un magistrat pour se conformer aux textes de cette loi, et qu’elle ne pourrait plus être appliquée sans soulever immédiatement la réprobation et la protestation générales, Cette loi ne se trouvant plus en rapport avec les mœurs de la vie moderne, est, sans avoir été abrogée, tombée en désuétude. Il en est de même de la loi sur les retraites ouvrières, pourtant récente, mais qui souleva l’indignation des travailleurs ; devant la volonté du peuple, énergiquement manifestée, de ne pas se conformer aux exigences de ladite loi, celle-ci fut enterrée sans avoir, en réalité, jamais été appliquée.


DÉTAILLER. verbe actif. Diviser en pièces, couper en morceaux. Détailler un bœuf, un mouton, une pièce de drap. Action qui consiste à répartir en divisions ; détailler un discours, un conte, un récit. Faire le détail de quelque chose.

« Ne vous chargez jamais d’un détail inutile » a dit Boileau ; il ne faut jamais, en effet, sacrifier le tout pour le détail, mais bien souvent on est obligé d’appuyer sur le détail, pour comprendre ou faire comprendre le tout. Le bagage des connaissances s’augmentant chaque jour, il est presque impossible au cerveau humain de considérer en entier l’ensemble de ces connaissances ; l’individu se trouve donc obligé de les détailler et d’e les étudier séparément, indépendamment les unes des autres.

C’est en étudiant les divers détails de. n vie sociale que l’on arrive à se faire une idée de ce qu’est la Société, de ce qu’elle devrait et pourrait être ; c’est en détaillant ses rouages que l’on est frappé par le vice et l’erreur de toutes les administrations qui président à l’activité d’une nation ; et c’est en critiquant, attaquant, et frappant la Société dans ses détails que l’on arrivera à en ébranler les bases.

Attachons-nous donc à ne rien laisser échapper de ce qui peut être pour nous une source de connaissances nouvelles. Sans nous arrêter particulièrement aux détails de second ordre, sachons détailler notre besogne et que l’activité de chacun se dépense dans la branche qu’il a étudiée, qu’il connaît et dont aucun détail ne lui échappe. Les circonstances et les événements aidant, nous arriverons ainsi, petit à petit, à étendre notre force et à transformer le monde en améliorant de sort de l’humanité.


DÉTECTIVE. Mot anglais signifiant policier. Ce mot est devenu international et sert à désigner cette catégorie de policiers spécialement attachés à la poursuite des enquêtes judiciaires et à la recherche des inculpés qui réussissent à échapper aux griffes de la magistrature.

Il y a le détective privé et le détective officiel ; ce dernier est un fonctionnaire au service de l’État et appartient au ministère de l’Intérieur. Il ne porte pas d’uniforme afin de n’être pas reconnu et pénètre partout où se manifeste une certaine activité civile, sociale ou politique. On le rencontre aussi bien dans les cercles aristocratiques de Monaco, d’Aix ou de Vichy, que dans les milieux politiques ; dans les cercles il veille à la sécurité du bourgeois qui s’amuse et se charge d’éloigner tout ce qui peut être un trouble-fête pour ces Messieurs en ribote ; dans les milieux politiques, il cherche à découvrir les buts de l’association afin de dénoncer à ses chefs l’activité des éléments composant ces milieux et d’en arrêter les effets ; en

outre, ainsi que nous le disons plus haut, il poursuit, pour le service de la magistrature, les enquêtes judiciaires et recherche le criminel.

Bien que placé tout en bas de l’échelle judiciaire, le détective est peut-être le plus dangereux des individus. Sa fonction lui permet d’ouvrir toutes les portes et de troubler quiconque a le malheur de se trouver sur sa route. Dénué de tout scrupule, de tout sentiment, et, en surplus, de toute éducation, il n’hésite pas, lorsqu’il désire pénétrer un secret, à vous noircir auprès de votre entourage, pour en obtenir les renseignements qu’il juge utiles à son enquête. C’est donc un être bas et abject, qui, du reste, a admirablement été dépeint par Victor Hugo, en la personne de Javert, dans son célèbre roman Les Misérables.

Hélas ! Cette calamité officielle, qu’est le détective d’État, ne semblait pas suffisante, puisque le détective privé, à son tour, intervient pour troubler la quiétude de l’individu. Le détective privé travaille pour le compte du particulier et se charge, dit-il, de vous fournir tous renseignements que vous pourriez désirer sur une tierce personne. En réalité, son principal client est le mari jaloux, avide de rencontrer sa femme entre les bras de son amant, et qui demande le service du détective pour se livrer à cette basse besogne.

À la base de tout scandale, on rencontre le détective et les drames qu’il détermine sont innombrables ; il s’est cependant trouvé des écrivains tels Conan Doyle pour présenter le détective sous un jour sympathique. Malheureusement, Sherlock Holmes est un policier romantique qui a vu le jour dans le cerveau de littérateurs avides de succès populaires, et le détective, le vrai, est un personnage antipathique, dont il faut se méfier et qui est incapable de faire quelque chose de bien. C’est un être malfaisant au sens complet du mot et, qu’il agisse pour le compte de l’État ou du particulier, son action néfaste en tous points n’en est pas moins blâmable. Mais cessons d’en parler. Nous lui avons déjà consacré plus de place qu’il n’en mérite.


DÉTENTEUR. (du latin detentor). Celui qui possède un bien, une richesse, un pouvoir, une autorité, etc…

Le mot détenteur ne peut s’appliquer qu’à une catégorie d’individus et cette catégorie d’individus compose la bourgeoisie. C’est en vain, en effet que l’on se creuserait l’esprit pour chercher de quoi le peuple est « détenteur », à moins que ce ne soit de la misère et de la servitude.

La richesse sociale est détenue par une minorité qui en dispose à sa guise, la fait fructifier et en conserve tous les profits et bénéfices. Le pouvoir est détenu et exercé par des hommes appartenant également à la bourgeoisie, et l’autorité dont disposent ces hommes leur permet d’asservir la grande majorité des individus qui se courbent devant leurs ordres. Il ne reste donc rien au peuple, sinon l’illusion que lui a versée la démocratie, en lui laissant croire qu’il est le détenteur de toute la vie économique et politique, et que rien ne peut se faire sans sa volonté.

L’exemple du chaos social est le meilleur exemple que nous pourrions citer, si nous voulions démontrer que le peuple se dépossède chaque jour un peu plus et se livre pieds et poings liés aux aventuriers de la politique.

Il est incontestable que le peuple est détenteur de la force et de la puissance et que, s’il le voulait, il se libérerait de l’étreinte de ses oppresseurs. Mais, de même que l’intelligence est inutile si elle ne s’extériorise pas, la force et la puissance sont également inutiles si elles ne se manifestent pas au profit de celui ou de ceux qui la détiennent ; mieux, elles sont alors néfastes et nuisibles. Que le peuple donc, dont c’est la seule fortune, use de sa force, et nous verrons alors les