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ne le sont que superficiellement. Nous sommes pris en un étau et l’individu seul ne peut conquérir son indépendance. Quelle que soit la forme de la société, si celle-ci est basée sur l’autorité, l’indépendance individuelle sera toujours subordonnée à celle d’une majorité et, par conséquent, dépendante de cette majorité. L’indépendance ne peut être que collective et ne peut se concevoir que dans une société libérée de toute contrainte et de toute entrave, et dans laquelle une fraction de la collectivité ne sera pas dans la dépendance d’une autre fraction. Seul, le communisme libertaire, qui vise à abolir l’exploitation de l’homme par l’homme, à étouffer toute autorité, et considère qu’il n’y a de bonheur et de bien-être que dans la liberté la plus large, peut, par la Révolution, atteindre ce but ; et, tant qu’il ne sera pas atteint, la lutte devra se poursuivre.


DÉPEUPLEMENT. n.m. Action de dépeupler. Bien que naturellement les populations aient tendance à augmenter en nombre, certaines contrées du monde traversent une crise de dépopulation. Cela ne veut pas dire que le nombre d’habitants de ces contrées diminue, mais qu’il s’accroît avec moins de rapidité que celui des contrées avoisinantes.

Il est évident que la guerre, les épidémies et la famine qui sévissent encore en certaines régions, sont des facteurs de dépopulation (voir ce mot) ; mais ceci n’explique pas que, dans un pays, une partie du territoire se dépeuple, alors que d’autres parties sont surpeuplées. En France, par exemple, nous assistons au dépeuplement de la campagne ; cependant que les villes deviennent trop étroites pour contenir le flot grandissant de la population.

Les économistes bourgeois ont trouvé une explication simpliste à ce phénomène et prétendent que si la campagne se dépeuple c’est que le campagnard est attiré par les lumières de la cité et se laisse griser par des perspectives de vie facile. Pourtant, ce sont d’autres facteurs qui déterminent l’émigration campagnarde. D’abord, afin de maintenir ses privilèges, la bourgeoisie met journellement en application ce principe : « Diviser pour régner » et, par sa propagande intéressée, a créé un antagonisme entre les populations campagnardes et citadines. A la ville, on affirme que si le coût de la vie augmente chaque jour, il faut en rejeter la responsabilité sur le paysan qui ne livre ses produits qu’à des prix prohibitifs ; alors qu’à la campagne, on déclare que les charges fiscales s’élèvent quotidiennement en raison des exigences exagérées du citadin qui ne veut produire que faiblement pour des salaires dépassant la norme permise.

On conçoit qu’une telle propagande n’est pas sans porter ses fruits et qu’il en résulte une haine sourde entre le paysan et le citadin.

Le travailleur des champs s’imagine que celui de la ville est un oisif produisant peu et vivant bien, et qu’il est plus avantageux d’abandonner la terre et de fouler le pavé de la grande cité que de continuer à végéter dans des conditions précaires. Si on ajoute à cette cause la soif de distraction de la jeunesse et l’attrait des plaisirs factices, on comprendra peut-être une des raisons qui déterminent le dépeuplement des campagnes. Mais ce n’est qu’un des facteurs du dépeuplement de la campagne ; il en est d’autres beaucoup plus sérieux sur lesquels les économistes bourgeois conservent un silence tout politique.

Le paysan est, et reste attaché à la terre et s’il l’abandonne, c’est qu’en réalité elle ne lui donne pas les avantages qu’il était en droit d’espérer. Il est excessif de déclarer que le paysan possède aujourd’hui la fortune et le bien-être. S’il est vrai qu’une certaine portion de la paysannerie bénéficie de certains privilèges, ce serait

une erreur de croire que tous les paysans sont heureux.

En réalité l’évolution économique et industrielle a été moins rapide à la campagne qu’à la ville et si le propriétaire a bénéficié du désaxage créé par la guerre de 1914, la situation du travailleur des champs, de celui qui, ne possédant rien, est obligé de louer ses bras pour assurer sa pitance, ne s’est guère améliorée, au contraire.

L’ouvrier de la terre est encore courbé sous un régime qui rappelle la féodalité et les difficultés qu’il rencontre pour s’organiser rendent plus ardue la lutte pour son émancipation. En vertu de la centralisation qui s’opère à la campagne comme à la ville, le petit paysan devient la proie du gros propriétaire, et grossit les rangs des ouvriers ne possédant rien. Convaincus qu’ils n’arriveront jamais à conquérir leur indépendance et qu’ils ne peuvent, en travaillant, arriver à se libérer, ils préfèrent abandonner un travail fatigant et peu rémunérateur, et c’est ce qui explique la surpopulation des cités et le dépeuplement des campagnes.

Cette situation présente un réel danger, car en venant s’ajouter à la population des cités, la population immigrante se jette sur le marché du travail et les maîtres de l’industrie profitent de cette concurrence que se font deux catégories de travailleurs également exploités par le même capitalisme. Pour lutter contre cet état de chose, il est indispensable que les relations plus étroites soient nouées entre les travailleurs des champs et ceux des villes. Il est d’une nécessité urgente que l’ouvrier de l’industrie fasse comprendre à son frère de la campagne, que les mensonges colportés par les agents de la bourgeoisie ont pour unique but de diviser la classe ouvrière dans son ensemble et d’arrêter son mouvement d’émancipation. Et c’est d’autant plus urgent que la révolution, unique moyen de libération sociale ne peut être efficace que par l’étroite collaboration du travailleur des villes et de celui de la campagne, et que, au lendemain d’un mouvement catastrophique, le ravitaillement des cités est subordonné au degré d’évolution du prolétariat de la terre.

Nous pensons que sur cette question les organisations syndicales et d’avant-garde ont un rôle tout tracé et qu’une intense propagande doit être, faite afin d’arrêter le dépeuplement de la campagne qui détermine de grosses difficultés pour le présent et une réelle menace pour l’avenir.


DÉPOPULATION. n. f La bourgeoisie de certains pays se désole en constatant que si le chiffre de la population ne diminue pas, il n’augmente pas cependant dans des proportions normales et naturelles et elle craint que, cet état de choses se généralisant, elle ne soit pas en mesure de trouver demain sur le marché le matériel humain indispensable à ses désirs d’impérialisme et de domination mondiale.

On a dit que la dépopulation était déterminée par la guerre, la famine et les épidémies. Cela est incontestable mais pourtant ces fléaux ne sont eux-mêmes que des effets dont il faut rechercher les causes et c’est ce que nous allons faire sans aucun esprit démagogique et en nous appuyant sur des chiffres d’une netteté qui, nous l’espérons, feront réfléchir les plus fidèles défenseurs de l’ordre bourgeois.

La cause première qui engendre la dépopulation est le capitalisme, qui, par ses accaparements, par son exploitation et la mauvaise répartition des richesses sociales, détermine la misère et par extension toutes les maladies, toutes les épidémies qui, à leur tour, provoquent dans les populations ayant atteint un certain degré de civilisation, un arrêt de la procréation. Nous savons qu’en France par exemple il meurt chaque année environ cent mille individus de la tuberculose, et nous