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sont les résultats de combinaisons spéciales des atomes les plus déliés, les plus subtils.

« La conception matérialiste de l’âme était assez répandue dans les derniers temps du paganisme. Le christianisme survint, qui apporta les idées spiritualistes des religions hindoues. Puis, l’invasion des Barbares, en faisant subir à la civilisation romaine un recul de plusieurs siècles, ramena la philosophie à l’époque de ses plus grossières conceptions. La longue période de brigandages, de guerres continuelles qui suivit arrêta tout essai de la pensée et tout ce qui concernait l’art ou les sciences se réfugia dans les couvents. Là tout l’effort de la pensée se perdit en luttes stériles, sur des questions de dogme, querelles byzantines qui ne firent faire aucun progrès à la philosophie.

« Cependant, quelques esprits indépendants, bravant le despotisme et l’intolérance religieuse, posèrent les problèmes généraux de la philosophie. Malgré les persécutions, les supplices de toutes sortes, grâce aux progrès de la science, la pensée philosophique commença à se dégager des doctrines de pure imagination où elle avait sa place. Le philosophe anglais Hobbes ose, en plein xviie siècle, formuler la théorie matérialiste ; mais les conséquences qu’il en tire au point de vue social portent l’empreinte de la barbarie de l’époque.

« Les doctrines spiritualiste et panthéiste sont formulées par Descartes et Spinoza. Locke, en Angleterre, fait dériver les idées des sensations et pose les bases du « Sensualisme » que Condillac et la plupart des philosophes du xviiie siècle développèrent avec tant d’autorité. L’avènement de la doctrine sensualiste concorde avec l’essor que Vésale, Ambroise Paré, Harwez, etc., venaient de donner à la science physiologique.

« On le voit : à mesure que la science positive augmente le nombre de ses données, l’hypothèse spiritualiste perd du terrain et la doctrine matérialiste assied plus solidement ses bases. Les grands philosophes du xviiie siècle : Voltaire, Helvétius, d’Alembert, quoique n’étant pas rigoureusement matérialistes, contribuent, par leur esprit positif, leur méthode scientifique, aux progrès du matérialisme que développent d’Holbach, Diderot, La Mettrie. En Allemagne, Kant porte à la dialectique un coup fatal et pose, lui aussi, la sensation comme origine des idées, tout en admettant l’existence et l’immortalité de l’âme.

Ce n’est qu’au xixe siècle, en même temps que les sciences physiologique, biologique et anthropologique acquièrent un développement inouï jusqu’alors, que la doctrine matérialiste, niant l’âme, s’assied sur des bases positives. Auguste Comte, Cabanis, Broussais, Büchner, fondent définitivement le matérialisme, pendant que la doctrine spiritualiste décline avec les philosophes de second ordre : Victor Cousin, Royer Collard, Jouffroy, etc.

« Se basant sur la théorie transformiste formulée par Lamarck et développée par Darwin, le matérialisme moderne explique les phénomènes physiques les plus embarrassants jadis, tels que les idées innées, la mémoire, les aptitudes natives, etc., sans avoir recours à l’hypothèse d’une âme spirituelle. Dès lors, que devient la valeur de cette hypothèse, si sa nécessité est nulle pour expliquer les phénomènes de tout ordre ? La notion de l’âme spirituelle ira fatalement rejoindre au néant les « entités logiques du moyen-âge. »

Longues sont ces citations empruntées au dictionnaire philosophique de Voltaire et au dictionnaire La Châtre. Mais l’une et l’autre sont d’un grand intérêt, non seulement par elles-mêmes, mais encore et surtout par rapport aux deux doctrines importantes que nous aurons à étudier aux mots « Matérialisme et Spiritualisme ».

Il se peut que certains esprits ne saisissent pas ou ne conçoivent que confusément les conséquences qui découlent, sur le plan social, de l’adoption de l’une ou de l’autre de ces deux thèses qui se prononcent en sens contraire sur les problèmes les plus considérables de la science et de la philosophie.

C’est pourquoi, nous prions le lecteur de se reporter aux mots « Matérialisme et Spiritualisme ». Ils y trouveront une étude complète qui ne manquera pas de les éclairer et de leur faire toucher du doigt la puissance des liens qui, scientifiquement et socialement, unissent l’Anarchisme à la thèse matérialiste.

Sébastien Faure.


AME n. f. (du latin anima, souffle, vie) Le mot âme a toujours eu de nombreuses acceptions. Il sert en général à désigner l’ensemble des facultés morales et intellectuelles, la sensibilité, la conscience, la pensée intime, le sentiment et en somme tout ce qui, chez l’être humain, ne se rattache pas directement à l’enveloppe charnelle. Nous sentons, nous pensons, nous voulons. On désigne sous le nom d’âme ce qui en nous sent, pense et veut. Diversement dénommée, niée par certaines écoles philosophiques, l’activité spirituelle reste irréductible jusqu’ici à toute explication mécanique ou physiologique. L’école spiritualiste voit en tout de la pensée, de l’âme ; pour l’école matérialiste, la pensée est un produit du cerveau. Les religions sont venues compliquer à leur tour ce problème déjà bien assez complexe par lui-même. La croyance en l’immortalité de l’âme est un des dogmes fondamentaux du christianisme. Malgré tous les efforts des philosophes la question semble devoir rester longtemps encore insoluble. (Voir Matérialisme, Spiritualisme, etc…)


AMÉLIORATION n. f. Léger progrès apporté dans l’état de quelque chose. Lorsque la classe dirigeante s’aperçoit que son oppression intransigeante va faire éclater une révolution, elle se décide à apporter quelques améliorations dans l’état de choses afin de calmer les esprits. Pour la bourgeoisie les améliorations constituent une sorte de part du feu destinée à faire croire aux cerveaux échauffés que les patrons sont humains et désirent le bien-être des travailleurs. Mais pour accorder ces améliorations, les possédants attendent toujours que l’heure soit grave. Tant que le peuple ne montre pas les dents, ils continuent à l’exploiter sans vergogne. Certains se contentent largement de ces aumônes que sont les améliorations. Ce sont les réformistes. Ils repoussent l’idée d’une révolution et préfèrent mendier aux oppresseurs de la classe ouvrière la centième partie de leurs droits. C’est là une méthode que les anarchistes ne sauraient accepter. On ne mendie pas ce qui doit nous revenir de droit. On ne réclame pas comme une aumône les biens dont on nous a frustrés. Des améliorations et des réformes ne sauraient nous satisfaire. Seule, la Révolution Sociale pourra remettre les choses à leur place et compenser les injustices.


AMÉLIORATION Ce mot ne nous intéresse qu’à la condition d’y ajouter le qualificatif : « social ». Autrement, il serait pour nous, sans signification véritable… Il n’aurait, par conséquent, pas sa place ici…

Nous lui donnerons donc la signification suivante : Meilleur aménagement de la vie sociale, en précisant que sa valeur, dans les faits, est extrêmement relative. Bien entendu, dans notre esprit, l’amélioration sociale n’est obtenue que pacifiquement, par l’entente des classes. Nous en excepterons les conquêtes d’ordre moral qui mettent toujours en péril l’édifice capitaliste et que l’adversaire ne concède que par la force. — La loi de 8 heures en est la preuve.

L’amélioration sociale ne vise donc pas à transformer