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Or, toutes ces sectes, tous ces hérétiques (et il y en a bien d’autres), ont pratiqué le communisme sexuel ou la communauté des femmes comme corollaires de la communauté des biens.

Et contre eux, les sociétés catholiques ou protestantes ou orthodoxes ont formulé les mêmes accusations que les gouvernants ou chroniqueurs romains décochaient aux premiers chrétiens.

De plus, faisant œuvre documentaire et critique, je n’attache pas plus d’importance aux prétentions émises par Paul d’être en communion avec la Divinité, que j’en attache à des prétentions identiques émises par un Jean de Leyde, le prophète des Anabaptistes communistes, ou d’un Joseph Smith, l’apôtre des Mormons.

Ou j’y attache la même importance, si l’on préfère.

Et je ferai remarquer en passant qu’on possède beaucoup plus de détails sur les faits et gestes de Jean de Leyde ou de Joseph Smith que l’on en a sur l’hypothétique Jésus ou sur l’énigmatique Saint-Paul.

On connaît par le menu l’activité de Jean de Leyde à Munster quand ses coreligionnaires y exerçaient le pouvoir, sous sa dictature ; il n’y a aucun doute sur les phases de son procès, sur son supplice. On connaît la vie de Joseph Smith, son apostolat, son lynchage et le canon des livres sacrés des Mormons a été très rapidement constitué.

Par suite, si on veut nous faire accepter que Paul se rendant à Damas pour y persécuter les chrétiens ait été frappé de cécité à l’ouïe d’une voix qui lui criait : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu (Actes, XXII, 8) » ou qu’une autre fois il ait été ravi au troisième ciel (il ne sait si c’est dans ou hors de son corps), enlevé dans le Paradis « où il entendit des paroles ineffables qu’il n’est pas permis à un homme de répéter » (II Corinth. 12/2). Si on veut nous faire croire à la bonne foi de François d’Assise sur le corps duquel, dans une vision, un séraphin crucifié imprime les « stigmates » de la passion, où à l’apparition de la Vierge à Ignace de Loyola, je veux croire aussi à la bonne foi de Jean de Leyde et de Joseph Smith.

À vrai dire, je pense qu’à tous, Paul y compris, un séjour dans un institut de guérison des maladies nerveuses aurait été nécessaire.

Donc, indifférent aux excommunications séculières ou ecclésiastiques, je tiens comme d’essence chrétienne la doctrine anabaptiste telle que Matthias ou Melchior Hoffmann l’a exposée dans son fameux livre du Rétablissement, qui implique communauté des biens et pluralité des femmes, doctrine appliquée à Munster par Jean de Leyde, choisi, au dire du prophète anabaptiste Tuiscosurer, par « le Seigneur » pour exercer le pouvoir.

Et je considère comme d’essence chrétienne le livre Doctrine and Covenants, révélations faites à Joseph Smith, dont les premières éditions imprimées datent de 1833 et 1835 et qui complètent pour les Mormons les Épîtres du Nouveau Testament.

Or, que trouve-t-on à la section 132 de ce livre, aussi « sacré » à mon sens que tous les autres livres « sacrés » des chrétiens : c’est que Moïse, Abraham, Isaac, Jacob, David, Salomon, reçurent des femmes et des concubines, que cela leur fut imputé à justice, parce que dans toutes ces choses ils accomplirent ce qui leur avait été commandé.

Dans cette même section, verset 61 : « Si un homme épouse une vierge et désire en épouser une autre et que la première donne son consentement, et s’il épouse la seconde et qu’elles soient vierges, ne s’étant promises à aucun autre homme, cet homme là est justifié. Il ne peut commettre d’adultère avec qui lui appartient, à lui, et à personne d’autre. Et si dix vierges lui sont données, de par ladite loi, il ne peut pas commettre

adultère, car elles lui appartiennent et lui sont données, à lui. C’est pourquoi il est justifié ».

Je ne vois pas que « Le Père Eternel » ait retiré sa bénédiction à la communauté des Mormons. Leur Église, dont j’exècre l’organisation hiérarchique, est l’une des plus riches et des plus prospères qui soient au monde. Sans doute le président Wilford Woodruff, en 1890, a fait renoncer officiellement son Église à la pluralité des femmes. Mais il n’a joué dans tout cela qu’un rôle analogue à celui de Saint Paul moralisant la seconde ou troisième ou quatrième génération ( ?) chrétienne. C’est parce qu’ils pratiquaient la pluralité des femmes que les Mormons ont été chassés de l’ouest des États-Unis, qu’ils ont dû se réfugier dans l’est, au-delà des Montagnes Rocheuses, et défricher l’Utah, ce qu’ils n’auraient pu faire d’ailleurs sans l’aide de leur nombreuse progéniture. Je les tiens pour des descendants attardés des chrétiens primitifs. — E. Armand.


CUPIDITÉ. n. f. La cupidité est le désir de certains de posséder des richesses et de Jouir passionnément des biens terrestres. L’individu cupide n’est jamais satisfait et, plus il possède, plus il veut posséder. Cela frise parfois la folie, car il est impossible à un esprit sain de comprendre la soif insatiable de certains hommes de l’argent et de la propriété. Si la cupidité poussée au paroxysme est une maladie, avouons que c’est une maladie dangereuse dont ne souffrent pas particulièrement ceux qui en sont atteints, mais les autres : ceux qui sont victimes des cupides. Que de mal peut faire à la collectivité humaine la cupidité des Rotschild, des Rockfeller, etc., etc…, qui amassent des fortunes colossales dont ils n’ont nul besoin et dont ils pourraient se passer sans pour cela changer même leur genre de vie. La cupidité est un vice qui engendre de terribles fléaux et la guerre n’est qu’une conséquence de la cupidité. C’est le rôle et le devoir des classes opprimées de la combattre si elles veulent voir le monde, affranchi de l’égoïsme et de l’avidité, marcher rapidement vers la fraternité de tous les hommes.


CURIOSITÉ. n. f. Il y a deux sortes de curiosité : la curiosité utile et celle qui est nuisible. La première est louable, parce qu’elle signale un désir de savoir, de connaître, de s’instruire et que, par ses découvertes, elle est bienfaisante à l’humanité. Elle est en lutte constante avec l’ignorance et pénètre les secrets de la nature et du passé. Par ses recherches, elle ouvre la voie de l’Avenir. La seconde est blâmable, car elle a pour but de pénétrer les secrets d’autrui ; elle est indiscrète et impertinente et l’individu qui est atteint de ce défaut commet parfois des bassesses pour satisfaire sa curiosité. La curiosité est souvent déterminée par le désir de nuire ; il faut donc se méfier des curieux qui nous entourent et nous espionnent ; ce sont des êtres dangereux.


CYNISME. n. m. Doctrine de certains philosophes de l’antiquité qui tenaient leur école à Athènes. Les cyniques méprisaient ou affectaient de mépriser toutes les convenances sociales et leur vie errante les fit comparer au chien. Le chien, était du reste l’emblème de leur secte. Par extension on a donné le nom de cynisme a tout ce qui est impudent, effronté, et qui pousse à l’excès la malpropreté morale. Un homme cynique est un individu qui reconnaît froidement ses méfaits et semblent railler ceux qui en sont victimes. Le cynisme de certains hommes d’État est révoltant et les crimes dont ils se sont rendus complices leur sont légers ; malgré l’hostilité qui se manifeste à leur égard, ils ont le « cynisme » de poursuivre leur carrière politique ou sociale et de préparer avec « cynisme » d’autres hécatombes.