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Le courage sera un des facteurs des victoires prolétariennes et si tout le courage dépensé inutilement depuis des milliers et des milliers d’années l’avait été au service de la civilisation, il y a longtemps que les hommes vivraient heureux dans une société fraternelle ou chacun travaillerait au bonheur de tous.


COURTISAN. n. m. A l’origine le mot Courtisan désignait un personnage attaché à la Cour d’un monarque. A l’époque où la démocratie n’avait pas encore vu le jour, les rois et les princes étaient tout puissants et exerçaient le pouvoir seuls ou avec le concours de ministres qu’ils nommaient eux-mêmes. La démocratie n’a pas amélioré le sort du peuple mais elle a ébranlé la puissance des souverains.

L’autorité entre les mains d’un seul, faisait de l’homme qui la détenait un demi-dieu, entouré d’adorateurs et d’adulateurs qui cherchaient à plaire au maître pour en obtenir les faveurs. Les courtisans faisant partie de l’entourage direct du monarque, étaient ceux qui avaient le plus de chances de se faire remarquer et de capter la confiance du roi ou du prince auquel ils étaient attachés ; et pour conquérir des privilèges, les courtisans ne reculaient devant aucune bassesse.

Montesquieu a admirablement décrit le caractère du courtisan : « L’ambition dans l’oisiveté, la bassesse dans l’orgueil, le désir de s’enrichir sans travail, l’aversion pour la vérité, la flatterie, la trahison, la perfidie, l’abandon de tous ses engagements, le mépris des devoirs du citoyen, la crainte de la vertu du prince, l’espérance de ses faiblesses, le ridicule jeté sur la vertu, forment le caractère des courtisans ».

Octave Mirbeau n’a pas moins brutalement flétri le courtisan en général et celui du siècle de Louis XIV en particulier, qui, pour obtenir un regard du roi Soleil se rabaissait au rôle de valet de chambre et considérait comme un honneur de présenter la chaise percée au grand monarque. On s’imagine souvent que ces temps sont lointains et que de nos jours le courtisan a disparu. C’est une erreur. Le courtisan se rencontre encore, même en notre troisième République.

Marianne a une cour nombreuse et elle est exploitée par ses courtisans autant sinon plus que les monarques qui l’ont précédée.

Des courtisans on en trouve partout et le peuple lui-même est courtisé, flatté dans ses erreurs et dans ses vices, par ceux qui veulent lui arracher sa confiance. Le député n’est qu’un courtisan qui est capable, comme celui du roi, de mensonge, de dissimulation, d’hypocrisie, pour obtenir les suffrages de ses électeurs, et il est peut-être plus dangereux encore, car il donne au peuple l’illusion qu’il se gouverne lui-même, qu’il se dirige, qu’il est libre enfin, alors qu’en vérité il reste l’éternel esclave.

Tout homme qui détient une parcelle de cette autorité qui dirige le monde est entouré de courtisans avides, qui veulent aussi goûter au gâteau du capital. De là la corruption de la société. Les courtisans ne méritent que le mépris du peuple ; ils sont aujourd’hui ce qu’ils étaient hier, ils sont. disait le grand La Fontaine :

Tristes, gais, prêts à tout. à tout indifférents,
Sont ce qu’il plaît au prince, où s’ils ne peuvent l’être
Tâchent au moins de le paraître.


CRÂNERIE. n. f. Être crâne ; crâner, avoir de la crânerie. Caractère d’un homme hardi, courageux, et poussant parfois le courage jusqu’à la témérité Dans le langage courant la valeur du mot est dénaturée et s’emploie plus fréquemment comme synonyme de vantard, de fanfaron. On dit aussi d’un individu fier, hautain, qui ne veut pas se confondre avec les autres, que c’est un « crâneur ».


CRAPAUDINE. n. f. C’est en vain que l’on chercherait dans le « Larousse » ce que c’est que la Crapaudine. Il est vrai qu’officiellement elle n’existe pas, puisqu’en vertu des lois civiles ou militaires il est interdit aux représentants de la force ou du militarisme de faire subir des tortures aux hommes placés sous leur autorité.

C’est le secret de Polichinelle qu’en plein centre de Paris, « capitale du monde et de la Civilisation », les individus supposés coupables d’un crime sont soumis à la torture physique par les agents de la police judiciaire ; comment s’étonner alors qu’en Afrique, dans des contrées éloignées des populations civiles et où le chef militaire règne en maître absolu, de pauvres bougres soient victimes de la brutalité féroce du chaouch ?

La crapaudine est un instrument de torture en usage dans les bagnes militaires de l’Afrique, et il doit son nom à la position dans laquelle il maintient le malheureux supplicié, qui, les pieds et les mains rejetés en arrière et liés ensemble, a l’aspect d’un crapaud.

Le supplice est d’autant plus cruel qu’il s’exerce sous un soleil brûlant et que la victime en plus des douleurs que lui procure la position anormale de ses membres souffre atrocement de la chaleur et de la soif.

On a du mal à s’imaginer qu’en notre vingtième siècle une telle barbarie soit possible et que ces mœurs inquisitoriales ne soulèvent pas la réprobation générale.

De temps en temps lorsqu’une victime succombe sous le poids des souffrances endurées, le scandale éclate et la presse à tout faire élève faiblement la voix ; alors les responsables directs, c’est-à-dire les chefs de gouvernement couvrant leurs inférieurs, déclarent que des enquêtes sont en cours, que des sanctions seront prises contre les coupables et le calme renaît jusqu’au jour où une nouvelle victime de la crapaudine fait éclater un nouveau scandale. Et il en sera ainsi jusqu’au jour où le peuple, en ayant assez, ne se contentera plus des vagues promesses gouvernementales et des faibles protestations d’une presse intéressée. La crapaudine, qui pourrait figurer comme appareil de torture à côté de ceux du Jardin des Supplices d’Octave Mirbeau, doit disparaître ; mais il faut surtout, si l’on veut en finir avec tous ces procédés barbares, en rechercher les causes, et détruire le militarisme qui donne naissance à tant d’atrocités et de crimes.


CRAPULE. n. f. État d’un individu dépourvu de tout sens moral et qui ne se plaît que dans le vice et la débauche. La crapule est plus abjecte encore que le vice ; la « crapule, dit J.-J. Rousseau, endurcit le cœur, rend ceux qui s’y livrent impudents, grossiers, brutaux, cruels ».

La bourgeoisie, pour cacher ses penchants au vice et à la débauche, accuse de crapulerie cette basse catégorie sociale d’inconscients et de malades qui se livrent à la prostitution ou en vit. Certes, le souteneur est loin d’être un individu recommandable et les Anarchistes sont les premiers à le dénoncer comme nuisible à la société ; mais la crapulerie n’est pas le privilège des pauvres, au contraire. Et s’il est des malheureux qui tombent de dégradation morale en dégradation morale dans la crapulerie, ils ont souvent l’excuse de l’ignorance et de la misère. Le riche qui se vautre dans l’orgie, dans l’ignominie, dans la bassesse ; qui recherche des voluptés dans le raffinement du vice et qui ne vit que dans une débauche constante, n’a pas l’excuse du pauvre et l’on peut dire que la crapule prend plutôt sa source dans les palaces, dans les établissements de nuit mondains que dans les bouges où vont se perdre les victimes inconscientes de la société capitaliste.