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valeur donnée à tel ou tel métier, valeur reconnue et exaltée par les ouvriers qu’est passée dans les mœurs générales, la théorie, confirmée par le fait, de l’inégalité sociale, de l’utilité plus ou moins grande de telle ou telle profession et partant, de la rétribution différente des travailleurs exerçant ces professions. Le Corporatisme a donné naissance à un catalogue social de la valeur de la force travail, établi par les patrons et accepté comme tel par les ouvriers.

Toutes les grèves pour les augmentations de salaires, qui ont pour but de maintenir les principes de la loi d’airain, sans jamais solutionner cette insoluble question sont le résultat du Corporatisme. La survivance du Corporatisme les a rendues inévitables et indispensables.

Alors qu’il s’agit de proclamer l’égale utilité et l’identique rétribution de toutes les fonctions sociales, qu’il convient, dans la société actuelle, de poursuivre l’établissement d’un minimum de salaire régional ou national pour toutes les professions, les ouvriers, faisant inconsciemment le jeu des patrons, luttent pour des augmentations parcellaires, localisées qui les épuisent en efforts stériles et les obligent à des actions constantes dont le bénéfice va toujours aux mercantis, aux logeurs, aux propriétaires, etc…, qui ne manquent jamais, ceux-là, à chaque augmentation partielle des salaires de faire subir à toutes choses une augmentation générale qui frappe, elle, l’ensemble des travailleurs. Et on continue, toujours ainsi, sans changement. On s’agite sans résultat, on perd temps et force dans ce Don Quichottisme au lieu de poursuivre efficacement et sérieusement des conquêtes solides qui assureraient matériellement et moralement une vie meilleure à tous les travailleurs, quelle que soit leur profession.

En dehors de ces arguments péremptoires, dont nul ne peut contester la valeur, il en est d’autres, non moins sérieux, qu’il convient d’examiner et de retenir.

N’est-il pas ridicule, en effet, qu’en notre époque de civilisation industrielle, où tout repose sur l’organisation pratique de l’industrie évoluant sur le plan régional, national et international, on parle encore de corporatisme ?…

Alors que, pour répondre à l’action intelligente des Cartels d’industrie, des Trusts nationaux, des Consortiums internationaux, le Syndicalisme devrait faire tous ses efforts pour modifier son organisation interne, adapter ses organes à leur rôle nouveau, créer ceux qui lui sont nécessaires et n’existent pas, on assiste à ce spectacle d’un mouvement « figé » dans le passé, dont l’action, la propagande conservent des formes désuètes.

Il faudra pourtant, s’il veut vaincre, que le travail s’organise sur le même plan que le Capitalisme.

Aux formations tantôt massives, tantôt alertes et vigoureuses du Capitalisme, le mouvement ouvrier doit opposer des forces organisées aussi scientifiquement.

Hors de là, pas de succès possible. Le Corporatisme, survivance d’un passé vieillot, doit disparaître pour, faire place à une conception plus saine, plus adéquate de nos forces.

Le Corporatisme, conservé par le pré-syndicalisme, ayant servi de gymnastique au syndicalisme bégayant de 1879-84, a fait plus que son temps. Qu’on l’enterre sans De profundis.

Il n’a qu’un bon côté, un seul : Faire aimer à l’ouvrier son métier. Il n’est pas difficile à ce travailleur de conserver cette vertu, de la développer en prévision des nécessités révolutionnaires de demain qui exigeront devant la défection presque certaine d’une partie assez importante de techniciens, des connaissances pratiques et techniques étendues, pour assurer le fonctionnement de l’appareil de la production dans toutes ses sphères.

Qu’on cultive celui-ci, mais qu’on abandonne sans plus tarder celui-là. C’est une nécessité impérieuse. — Pierre Besnard.


CORRECTION (MAISONS DE). n. f. « Établissements dans lesquels on place les enfants pervertis, mauvais ayant ou non commis un délit ― et ayant pour but la rééducation morale de l’enfance », telle est la définition bourgeoise et officielle de ces maisons.

En vérité, il y a loin de cette définition à la réalité et le but recherché n’est jamais atteint car, d’après les statistiques on peut se rendre compte que les 99 % des gosses qui ont séjourné dans les maisons de correction en sortent tout à fait dépravés.

On peut dire, sans s’exposer à être taxé d’exagération, que les maisons de correction sont les plus grands fournisseurs de contingents du bagne, des prisons, de Biribi et de la guillotine.

L’idée de ces établissements revient aux religieux et date de la révocation de l’Édit de Nantes (1685).

Lorsque, sous l’influence des Jésuites, Louis XIV enjoignit aux protestants de se convertir au catholicisme sous peine des galères et de « mort civile », les prêtres s’inquiétèrent tout de suite des enfants de ceux qui ne voudraient pas abjurer leur confession religieuse et une ordonnance royale les autorisa à se saisir des gosses des deux sexes pour « les rééduquer religieusement ». Les premiers temps on enlevait les enfants et on les plaçait dans les couvents pour en faire soit des moines, soit des religieuses. Mais certains de ces fils d’hérétiques ne voulurent point se plier docilement aux ordres de leurs nouveaux confesseurs ; aussi l’Église, par ordonnance royale du 19 mai 1692, fut autorisée à ouvrir des maisons de correction destinées à punir les enfants rebelles et à les ramener par tous les moyens dans la voie du salut.

Par la suite, les prêtres ouvrirent des maisons de filles repenties, destinées à recevoir les jeunes filles arrêtées pour s’être livrées à la débauche. Et puis, enfin, le cercle des maisons de correction fut élargi et l’on confia aux pères de l’Église la tâche de « corriger » les enfants coupables de délits ou de crimes et que leur jeune âge soustrayait à la justice ordinaire.

La révolution de 1789 abolit ces établissements, mais quand Louis XVIII monta sur le trône il rétablit, par une ordonnance datée du 27 janvier 1816, tous les édits royaux de Louis XIV et Louis XV. Mieux, même, il autorisa les bons pères à se saisir des enfants des républicains et de les « rééduquer religieusement ».

Louis-Philippe restreignit le pouvoir des prêtres et ne leur accorda plus que les enfants délictueux ou les filles se livrant à la débauche.

La révolution de 1848 abolit cela, mais Napoléon III rétablit ce privilège. Toutefois, il créa des maisons de correction dépendant directement de l’administration pénitentiaire, dans lesquelles les prêtres et les religieux faisaient office de gardiens. Puis en 1863, un décret plaça les maisons de correction religieuses sous le contrôle du président de la Cour d’appel du ressort.

Enfin, le 14 décembre 1905, à la suite de la loi sur la séparation des églises et de l’État, un décret d’administration publique plaçait toutes les maisons de correction dans les mains de l’administration pénitentiaire.

Il y a actuellement treize maisons de correction en France.

Dix dites colonies d’éducation pénitentiaire pour les garçons : Aniane (Hérault) ; Auberives (Haute-Marne) ; Belle-Isle (Morbihan) ; Les Douaires (Eure) ; Eysses (Lot-et-Garonne) ; Sacuny (à Brignais, Rhône) ; Saint-Hilaire (Vienne) ; Saint-Maurice (Loir-et-Cher) ; Le Val d’Yèvre (Cher) ; Gaillon et trois colonies de préservation pour jeunes filles : Cadillac (Gironde) ; Clermont (Oise) et Doullens (Somme).