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perdu toute connaissance, mais qui doit pourtant à l’assistance du prêtre l’apaisement in extremis des terreurs dont celui-ci a peuplé sa pauvre cervelle depuis son enfance et qu’il y a soigneusement entretenues durant toute sa vie.

Baptême, Eucharistie, Mariage, Extrême-Onction, l’homme d’Église ne suit-il point le fidèle pas à pas, du premier souffle au dernier soupir ? N’est-il pas à ses côtés à toutes les dates importantes, à toutes les heures graves, à toutes les minutes solennelles de son existence, comme pour lui dire : « Quand tu es bébé, je te baptise ; quand tu es enfant, je te fais communier ; quand tu es homme, je te marie ; quand tu vas mourir, je t’administre les derniers sacrements. Sans cesse tu m’appartiens ; à chaque phase décisive de ta vie, tu es à moi ! que tu viennes au monde ou le quittes, que tu naisses ou que tu meures, que tu sois jeune ou vieux, bien portant ou malade, je suis toujours là, à tes côtés, tout près de toi. Je t’ai sous la main constamment ; tu es sous ma dépendance toujours et partout. »

L’Église est insatiable. Il ne lui suffit pas que le fidèle lui appartienne au cours des événements qui font époque dans son existence ; elle entend qu’il ne puisse à aucun moment, se soustraire à l’envoûtement dont il est la victime ; elle veut qu’il soit dans la nécessité de recourir périodiquement aux Ministres du Culte catholique, qu’il soit tenu de prendre, assez fréquemment pour ne jamais avoir le temps de l’oublier, le chemin qui conduit à l’Église. Il fallait donc qu’au Baptême, au Mariage, à l’Extrême-Onction, sacrements dont l’administration ne s’opère pas périodiquement, vinssent s’ajouter d’autres sacrements — un au moins — dont le fidèle serait dans l’obligation de faire un usage régulier, périodique, assez fréquent. L’Eucharistie s’impose au catholique au moins une fois chaque année, à l’occasion des fêtes pascales. Une fois tous les douze mois, c’est assez, il et vrai, pour que le catholique n’oublie pas complètement sa religion et les devoirs qu’elle lui prescrit ; mais c’est peu, bien peu, trop peu, beaucoup trop peu, pour le tenir suffisamment en haleine et le garder, ainsi qu’il est utile, sous la domination de l’Église. Le sacrement de Pénitence est celui que l’Église a institué dans le but de rapprocher d’Elle constamment toutes les brebis du troupeau sur lequel Elle a, dit-elle, reçu le mandat de veiller. Elle en est, prétend-elle, responsable devant Dieu et le bon Pasteur a le devoir de ne laisser jamais trop s’éloigner ses ouailles, s’il ne veut s’exposer à en perdre. — Sébastien Faure.


CONFESSIONNAL (Le). n. m. On donne le nom de confessionnal à un meuble ayant la forme d’une guérite, meuble occupant d’ordinaire, un coin discret et obscur dans une Église ou une Sacristie, et dans lequel le prêtre reçoit la confession du pénitent ou de la pénitente. J’ai dit, au mot Confession, que la Pénitence est, de tous les sacrements institués par l’Église, celui qui met le fidèle le plus fréquemment et le plus régulièrement en contact avec le clergé catholique. C’est, en effet, le sacrement qui fait prendre au catholique le chemin de sa paroisse, l’abîme dans l’humilité et le repentir de ses fautes, le contraint à verser dans l’oreille du prêtre, l’aveu de ses péchés et la confidence de ses tentations et de ses faiblesses, lui prescrit de dévoiler au confesseur ses pensées les plus cachées et ses plus secrètes intentions, frappe son esprit par le rappel du pouvoir surhumain dont dispose l’Église dans la personne de ses plus modestes représentants.

Tels sont les résultats qu’un rapide et superficiel examen du Sacrement de la pénitence met en pleine lumière. Ces résultats sont incontestablement précieux ; ils favorisent et consacrent avec force le pouvoir du

clergé sur les adeptes de la religion catholique. Ils ne sont rien, cependant, auprès de ceux que révèle une observation poussée plus loin. Ils ne touchent que le fidèle lui-même. Le catholique zélé, scrupuleux, convaincu, vient au confessionnal pour y chercher naïvement l’apaisement de sa conscience bourrelée d’inquiétudes, la rémission de ses péchés et le ferme propos de ne plus retomber dans les mêmes égarements. De la part du catholique sincère et fervent, il n’y a là qu’un acte de foi, l’accomplissement d’une pratique religieuse et d’un devoir qui lui sont imposés ; mais, de la part du père spirituel, du directeur de conscience à qui il ouvre son cœur, il y a beaucoup plus ; car la confession ne se limite presque jamais au seul fidèle ; elle le dépasse ; elle s’étend à sa famille, à son entourage, à ses relations, à ses intérêts, matériels à tout ce qui, directement ou indirectement, concerne sa vie. Ici, c’est la femme qui répond aux questions qui lui sont posées sur son mari ; là, c’est l’enfant qui est interrogé sur ce qui se passe dans sa famille ; ailleurs, c’est le père ou la mère qui ont à parler de leurs relations ou de leurs affaires, de leurs embarras, de leurs préoccupations, de leurs revers et de leurs succès, de leurs appréhensions, de leurs espérances et de leurs projets. Et tel homme, telle femme, tel enfant qui se garderait bien de se confier à qui que ce soit, n’hésite pas, au tribunal de la Pénitence, à révéler tout ce qu’il sait ou suppose, non seulement parce qu’il croit que le secret en sera scrupuleusement observé, mais encore parce qu’il est persuadé qu’il ne doit rien cacher au prêtre, parce qu’il éprouve un certain soulagement à s’ouvrir et parce qu’il est convaincu que, s’il manquait de sincérité, en une circonstance aussi grave, il commettrait une grosse faute et ne manquerait pas d’en être puni.

Oh ! L’inégalable institution de surveillance et de police que le Confessionnal met aux mains du Clergé ! Que, dans chaque paroisse, il y ait seulement quelques dizaines de pénitents assidus et rien ne restera ignoré, par le curé et ses vicaires, de ce qui se passe au sein de la population tout entière. Que d’affaires se traitent, que d’associations se forment, que de mariages se concluent et aussi que de désaccords surgissent, que de conflits éclatent, que de méchancetés se commettent, dont il suffirait, pour en découvrir l’origine, de remonter aux confidences que les pénitents font quotidiennement à leur confesseur !

Du Sacrement de pénitence, je viens de dire : « institution de surveillance et de police ». Ce n’est point assez ; j’ajoute : « merveilleuse officine de délation ». Car l’exercice de la surveillance nécessite de la part de ceux qui s’en acquittent des démarches, de la prudence, des ruses, des travestissements ; la pratique de la police implique quelque danger et de multiples efforts. Le confesseur, lui, n’a pas besoin de se déranger, d’enquêter, de surprendre, de surveiller, de s’exposer. Il lui est suffisant d’attendre, dans l’ombre discrète du confessionnal, la venue du délateur bénévole et d’arracher à sa dévotion et à son aveuglement toutes les confidences, indiscrétions et mouchardages dont il n’aura plus qu’à faire son profit. Au tribunal de la Pénitence, le prêtre est tout-puissant ; le fidèle lui appartient en totalité, il est à sa merci. Le confesseur en fait ce qu’il veut, et c’est en toute confiance et joie intérieure que le confessé s’abandonne à lui et lui livre candidement ses parents, ses amis, ses relations et ses intérêts les plus chers. Peut-il cacher quoi que ce soit à cet homme illuminé de la grâce, investi d’une fonction sacrée, exerçant un ministère divin, qui peut lui refuser l’absolution et qui détient les clefs du paradis ? N’est-il pas venu chercher auprès de ce représentant du Souverain Maître la purification, la paix et le réconfort dont son âme éprouve le besoin ? On s’est