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maintenant comme la plus fameuse chimère du moment.

Il n’est pas besoin d’être grand prophète pour prédire que les Congrès des deux C. G. T. qui vont se tenir fin août, laisseront les choses en l’état et sanctionneront une scission qui apparaît comme irrémédiable avant longtemps.

À ce sujet, voici ci-dessous la position prise, sur cette question par l’U. F. S. A. qui reste, en dépit de ses maigres effectifs, la seule force syndicaliste de ce pays.

Je la reproduis en entier, parce qu’elle marque exactement la position du conflit, et qu’elle permettra aux hommes d’aujourd’hui, comme à ceux des générations de l’avenir, de se reconnaître dans l’histoire si compliquée du syndicalisme. Elle sera aussi de nature. à marquer le point de départ d’une nouvelle évolution du syndicalisme.


Declaration de la C. E. de l’U. F. S. A. aux Congrès Confédéraux d’août 1925

Les bouleversements provoqués par la guerre ont posé avec une force accrue, pour la classe ouvrière, le problème de la gestion de la Société par le Syndicalisme.

Ceci implique que les travailleurs doivent exprimer avec plus de clarté et d’objectivité, les désirs d’affranchissement qu’ils ont affirmé à toutes les périodes tumultueuses de l’Histoire.

La persévérance de ces affirmations, leur précision sans cesse plus grande depuis la publication du manifeste de 1863, prouvent avec évidence que la véritable tendance du Syndicalisme est l’organisation du travail et la gestion de la production.

En toute logique, la solution de ce problème qui se pose au sortir de la guerre avec une intensité jamais égalée, devait rapprocher les unes des autres les diverses fractions du syndicalisme dont le but est de supprimer le salariat, d’abolir le capital.

Or, fait extraordinaire, c’est le contraire qui s’est produit. Les tendances se sont heurtées violemment les unes contre les autres et, au lieu d’un renforcement de l’Unité syndicale, ce sont des scissions qui sont intervenues.

Il y a à cela des raisons profondes qu’il convient d’examiner, avant de reprendre la marche en avant.

En effet, les scissions quel qu’en soit le mécanisme, ne se sont pas produites fortuitement. À l’origine de chacune d’elles, doit se trouver une cause essentielle.

À notre avis, la cause première de toutes ces scissions réside dans l’abandon des principes fondamentaux du syndicalisme par certaines des fractions aujourd’hui rivales.

Ces principes sont condensés dans la charte du syndicalisme. Ce n’est pas par hasard que le Congrès d’Amiens la formula en 1906. Elle est l’affirmation synthétique de toutes les déclarations des Congrès ouvriers antérieurs. Elle résulte de l’observation attentive des faits sociaux, elle est la conséquence des luttes ouvrières et de leurs enseignements. Traduisant la pensée ouvrière, elle dicte au mouvement syndical, sa ligne de conduite dans le domaine immédiat en même temps qu’elle fixe les buts lointains à atteindre. Elle définit aussi le caractère exact du syndicalisme, détermine la valeur revendicative et la capacité révolutionnaire des Syndicats dans la lutte, l’organisation et la gestion.

On peut dire que la Charte d’Amiens contient six affirmations capitales qui constituent les fondements du syndicalisme, ce sont :

Affirmation d’Unité. — « La C. G. T. groupe, en dehors de toute école politique, tous les travailleurs

conscients de la lutte à mener pour la disparition du patronat et du salariat. »

Affirmation de lutte de classe. — « Le Congrès considère que cette déclaration est une reconnaissance de la lutte de classe qui oppose, sur le terrain économique, les travailleurs en révolte contre toutes les formes d’exploitation et d’oppression tant matérielles que morales, mises en œuvre par le capitalisme contre la classe ouvrière. »

Affirmation de la nécessité de la lutte quotidienne dans le régime actuel. — « Dans l’œuvre revendicatrice quotidienne, le syndicalisme poursuit la coordination des efforts ouvriers, l’accroissement du mieux-être des travailleurs par la réalisation d’améliorations immédiates, telles que la diminution des heures de travail, l’augmentation des salaires, etc. »

Affirmation de la capacité d’action révolutionnaire des Syndicats. Fixation de leur rôle social avant et après la révolution. — « Il (le Syndicalisme) prépare l’émancipation intégrale qui ne peut se réaliser que par l’expropriation capitaliste ; il préconise comme moyen d’action la grève générale et il considère que le Syndicat, aujourd’hui groupement de résistance, sera dans l’avenir le groupement de production et de répartition, base de la réorganisation sociale. »

Affirmation d’autonomie et d’indépendance. — « Le Congrès déclare que cette double besogne, quotidienne et d’avenir, découle de la situation de salariés qui pèse sur la classe ouvrière et qui fait à tous les travailleurs, quelles que soient leurs opinions ou tendances politiques ou philosophiques, un devoir d’appartenir au groupement essentiel qu’est le Syndicat. — Comme conséquence, en ce qui concerne les individus, le Congrès affirme l’entière liberté pour le syndiqué de participer, en dehors du groupement corporatif, à toute forme de lutte correspondant à ses conceptions politiques ou philosophiques, en se bornant à lui demander, en réciprocité, de ne pas introduire dans le Syndicat, les opinions qu’il professe au dehors. »

Affirmation d’action directe et de neutralité envers les Partis et les groupements philosophiques. — « En ce qui concerne les organisations, le Congrès décide qu’afin que le Syndicalisme atteigne le maximum d’effet, l’action économique doit s’exercer directement contre le patronat, les organisations confédérées n’ayant pas, en tant que groupements syndicaux, à se préoccuper des Sectes et des Partis qui, en dehors et à côté, peuvent poursuivie en toute liberté la transformation sociale. »

Ces principes forment un tout. Il est clair, qu’en cessant de respecter l’un ou plusieurs d’entre eux, on ne pouvait que provoquer l’écroulement de l’édifice si péniblement construit et l’anéantissement du mouvement sur lequel il reposait.

C’est ce qui est arrivé, au moment même où l’Unité était plus nécessaire que jamais, alors qu’il était indispensable d’affirmer la valeur du syndicalisme, de préparer des cadres et de le diriger vers les buts à atteindre.

Personne ne contestera que les objectifs fixés à Amiens restent ceux d’aujourd’hui, puisqu’ils ne furent jamais atteints et correspondent toujours aux désirs et aux besoins des travailleurs. La besogne quotidienne et d’action révolutionnaire, de défense, de préparation, d’agitation, de transformation, reste identique et s’impose plus que jamais.

Cela suffit largement pour nous permettre d’affirmer avec raison, en dépit de toutes les expériences récentes — qui en sont plutôt la confirmation que l’infirmation — que la Charte d’Amiens conserve toute sa valeur