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b) La coopération de toutes les nations, sous l’égide de la S. D. N. contre tout pays qui, passant outre aux décisions d’arbitrage, déclarerait néanmoins la guerre ;

c) La création d’un Office International des Transports et de répartition des matières premières pour la satisfaction rationnelle des besoins des Peuples ;

d) Pas d’annexion territoriale, pas de représailles inspirées par la vengeance, mais réparations des dommages causés. Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ;

e) Constitution juridique mondiale par la Société des Nations. Désarmement général et lutte contre les militarismes. Triomphe de la démocratie internationale.

2° La C. G. T. demandait que les organisations centrales des pays belligérants participent à la discussion et à l’élaboration du Traité de paix. Elle déclarait aussi nécessaire la tenue d’un Congrès International.

3° Le rétablissement de toues les garanties constitutionnelles de toutes les libertés : droits de parole et de réunion, la suppression de la censure, l’amnistie pleine et entière, la libération des prisonniers étrangers des camps de concentration.

La reconnaissance du droit ouvrier par la reconnaissance du droit syndical à tous les fonctionnaires de l’État, la révision du Code d’inscription maritime.

La reconnaissance du droit d’intervention des Syndicats dans toutes les questions intéressant le travail. L’utilisation des bordereaux de salaire et leur généralisation par l’établissement de contrats collectifs sous le contrôle des organisations syndicales.

L’institution de la journée de 8 heures dans le commerce et l’industrie, la suppression du travail de nuit dans les boulangeries ainsi que dans les industries à feu continu, l’interdiction des métiers insalubres aux femmes et aux adolescents âgés de moins de 18 ans, la prolongation de la scolarité à 14 ans.

Le contrôle ouvrier pour le réajustement des productions de guerre aux productions de paix, l’institution d’un Conseil économique national et de Conseils régionaux au sein desquels serait représentée la classe ouvrière par des délégués désignés par elle. La fixation des règles de la démobilisation et de la reprise de l’activité économique.

La reconstitution des fonds de chômage et leur répartition sous, le contrôle des organisations ouvrières.

La reconstruction des régions libérées sous le contrôle d’organismes collectifs ayant personnalités civile et administrative et composés de producteurs et de consommateurs. L’obligation du remploi et la reconstitution opérée suivant les lois de l’hygiène et du progrès.

La réorganisation économique. — La C. G. T. réclame, pour l’avenir, la part de direction et de gestion de la production nationale qui doit revenir aux travailleurs organisés, la sauvegarde des droits collectifs par la classe ouvrière, le contrôle des entreprises qui se développent avec le concours de l’État, la surveillance des concessions faites par l’État à des Entreprises industrielles.

Le retour à la nation des richesses nationales. — C’est-à-dire des, mines, chemins de fer, ports, houille blanche et verte, etc. La C. G. T. présentait d’ailleurs cette partie de son programme sous la forme d’un contrôle collectif sur ces richesses. Ce n’est que par la suite qu’elle posera le principe des nationalisations industrielles, au cours des grandes grèves de 1920.

10° La lutte contre les fléaux sociaux : l’alcoolisme, le taudis, le chômage, l’invalidité, la maladie, la vieillesse.

11° Le recrutement, l’exercice des droits, l’organisation rationnelle de l’immigration, la fixation du contrat de travail pour les ouvriers étrangers, sous le contrôle des organisations syndicales du pays intéressés.

12° L’extension de l’assurance sociale à tous les travailleurs, étrangers compris.

13° La lutte contre la vie chère. — La création d’Offices municipaux corporatifs, nationaux, publics d’alimentation populaire, supposant la réquisition des produits. La suppression des droits de douane, régie et octroi. Les Offices devront être gérés par des délégués directs du travail organisé, et des consommateurs.

10° La répartition des charges budgétaires par l’application de la loi sur les bénéfices de guerre, l’impôt sur le revenu et les successions.

C’est ce programme minimum qui fut accepté à l’unanimité par le premier Comité Confédéral d’après-guerre, les 15 et 16 décembre 1918.

Ce même Comité avait modifié aussi la structure confédérale. Les Bourses disparaissaient pour faire place aux Unions départementales, fédérations départementales des Unions locales ou Bourses du travail. Ce projet fut dressé par Lapierre. De même la Fédération d’industrie remplaçait celle des métiers. À partir de ce moment, la C.G.T. est composée des Fédérations nationales d’industrie et des Unions départementales. Ce système serait parfait si, en fait, les Fédérations, organes centralisateurs, ayant leur siège à Paris, ne jouaient pas un rôle par trop dominant, si les Unions locales n’étaient pas réduites à un rôle social subalterne et si les Unions départementales, organes de décentralisation sociale, correspondaient à un besoin économique réel au lieu d’être des délimitations politiques sans valeur, déterminée dans le domaine économique.

Le programme minimum, avant de recevoir la sanction du Congrès Confédéral de Lyon en 1919, subit le feu de la critique de la minorité, qui commençait à regrouper ses forces une seconde fois. Dès qu’il fut exposé su Cirque d’Hiver, il fut violemment attaqué et il fallut toute l’habileté de Merrheim pour le faire accepter — si on peut dire — aux travailleurs parisiens.

Ceux-ci sentaient que ce programme, mi-politique, mi-économique n’était pas un programme spécifiquement syndical. Ils comprenaient que pour le réaliser, il fallait compter sur le pouvoir, composer avec lui, collaborer avec l’État dans toutes sortes de Commissions, d’organismes et s’asseoir en face des patrons dans des organismes mixtes, travailler à la constitution des monopoles d’État et faire de l’État un patron privilégié, bien qu’il soit doublement tyrannique, politiquement et économiquement, et incompétent par-dessus le marché.

Les travailleurs sentaient que tout ce programme qui ne pouvait, à part quelques questions réellement d’ordre ouvrier et placées là tout exprès pour faire accepter l’ensemble, devenir une réalité qu’avec le concours des Pouvoirs publics, dont la C. G. T., serait un rouage économique autant que politique.

C’était l’abandon de toute la doctrine, de toute l’action confédérale confirmées sans cesse par les Congrès de Limoges, de Bourges, d’Amiens, de Marseille, de Toulouse et du Havre. C’était, après le divorce retentissant, le mariage avec la démocratie. C’était aussi l’abandon de l’action directe pour la pratique forcée de l’action parlementaire et de l’action compromettante avec les Pouvoirs publics.

C’était la rectification générale du tir confédéral qui jetait la C. G. T. dans les bras de la démocratie. Depuis 1919, cette politique n’a fait que s’accentuer et la C. G. T. est devenue un appendice du Gouvernement.

Les syndicalistes révolutionnaires eurent un tort, celui-ci : s’en prendre aux hommes, à leurs trahisons, à leurs reniements, au lieu de dresser immédiatement en face du programme minimum leur propre programme. Cette besogne ne fut accomplie qu’en 1921 pour le Congrès de Lille, par le Comité Central des Syndicats révo-