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ses, en 1900, ou 34 organisations étaient représentées. La question des rapports avec les partis politiques fut encore posée, mais sans succès pour ceux qui discutaient la fusion avec les groupes socialistes.

Après une belle démonstration de Pelloutier condamnant l’effet désastreux qui résulterait de cette fusion le Congrès adopta, à l’unanimité, la motion suivante de la Bourse de Constantine :

Considérant que toute immixtion des Bourses du Travail dans le domaine politique serait un sujet de division et détournerait les organisations syndicales du seul but qu’elles doivent poursuivre : l’émancipation des travailleurs par les travailleurs eux-mêmes.

Décide :

Qu’en aucun cas, la Fédération des Bourses du Travail ne devra adhérer à un groupement politique.

Mais d’autre part, par un sentiment qu’on ne s’explique guère autrement, par une crainte de déviation qui aurait annihilé toute l’action et la propagande de la Fédération des Bourses, il fit repousser l’adhésion plus complète à la C. G. T.

« Ces deux organisations, dit le délégué de Lyon, doivent marcher de pair et faire chacune son travail, mais sans se confondre ».

L’œuvre incomplète de Rennes n’était pas achevée. Le Congrès de la C. G. T. se tint également à Paris, du 10 au 14 septembre 1900. 236 organisations y étaient représentées par 171 délégués.

La question des Fédérations d’industrie y fut agitée sans trouver de solution. Elle n’est pas encore solutionnée en ce moment.

La plus importante décision qui fut prise par le Congrès, fut la publication d’un journal syndicaliste La Voix du Peuple. L’abonnement de ce journal fut obligatoire. Il fit partie de ce qu’on a appelé : la triple obligation confédérale.

Lagailse fut remplacé au Secrétariat Confédéral par Renaudin (des Cuirs et Peaux), qui ne resta que quelques mois en fonctions et fut lui-même remplacé par Guérard (des Cheminots). Les deux Congrès Corporatifs (Bourses et Fédérations) se tinrent l’un après l’autre mais non dans la même ville.

Celui des Bourses se tint à Nice, le 17 septembre 1901. Pelloutier, mort en 1900, avait été remplacé par Yvetot.

Niel qui devait, un peu plus tard, être appelé au Secrétariat de la C. G. T. et qui représentait à ce Congrès la Bourse du Travail de Montpellier, concluait, dans son rapport sur la question de l’Unité, à l’union immédiate des deux grandes organisations nationales.

Cela est incompatible avec l’unité ouvrière, disait-il ; cela crée un antagonisme d’idées et de personnes. Il faut donc que l’une des deux disparaisse en tant qu’organisation centrale et qu’elle se fonde dans l’autre.

Et à son avis, ce qui peut surprendre ceux qui ignorent les idées de Niel, c’était la Fédération des Bourses qui devait disparaître ou tout au moins renoncer à son côté dirigeant.

Le Congrès n’entendit pas ce langage et ne suivit pas Niel. Yvetot s’opposa à la fusion ainsi conçue et sur son intervention, le Congrès se prononça en faveur « d’une étude plus approfondie » du projet Niel.

Toutefois, les désirs et les besoins d’unité étaient réellement considérables. Ils allaient devenir bientôt décisifs. Le Congrès confédéral, le 6e, se tint à Lyon, du 23 au 27 septembre 1901.

Le projet Niel revint en discussion. Le plan du délégué de Montpellier fut ainsi esquissé : à la base, le Syndicat ; au-dessus, la Bourse du Travail ; après les Bourses, les Fédérations ; enfin pour couronner l’édifice syndical, la C. G. T., synthèse de l’action ouvrière.

Les superpositions de groupements subsistaient encore, mais elles étaient considérablement réduites.

Le projet fut remis et renvoyé à l’examen du Congrès de 1902 qui se tint à Montpellier du 22 au 27 septembre.

Une nouvelle explosion de grèves, le vote de la loi des 10 heures (Colliard-Millerand), les incidents qui en résultèrent incitèrent les militants à en finir.

Le Congrès des Bourses réunies à Alger, la semaine précédente, avait reconnu la nécessité de l’union. Un projet fut adopté dans ce sens et on confia à Niel le soin de le présenter au Congrès Confédéral.

Montpellier fut le véritable Congrès de l’Unité. Il fut dominé par cette question essentielle et la préoccupation de lui donner un statut.

Un seul Syndicat, celui des Maçons de Reims, formula quelques réserves. L’accord fut scellé à la quasi-unanimité. La coordination des forces confédérales était réalisée. La C. G. T. prit à Montpellier sa véritable figure.

Maxime Leroy dans la Coutume Ouvrière définit ainsi la C. G. T. issue du Congrès de Montpellier :

« La Confédération Générale du Travail ne constitue pas un groupement fonctionnant indépendamment des Syndicats, Bourses et Fédérations, à la manière d’un pouvoir exécutif se superposant et s’ajoutant, en les complétant, aux divers rouages politiques ou administratifs de la République. Elle n’est pas, non plus comparable à une sorte de « Syndicat supérieur », le « Syndicat des Syndicats », comme disait M. Allou, au Sénat, pendant la discussion de la loi de 1884. Elle n’est pas davantage une association de personnes ; elle n’a pas une vie autonome ; elle n’a ni assemblée générale, ni adhérents individuels. »

Cette démonstration est exacte. Elle montre l’impossibilité pour le régime actuel d’incorporer la C. G. T. dans son cadre juridique. Si elle ne montre pas son rôle, ni son but, elle l’exprime pourtant par l’application de la théorie des contraires. Nous le verrons en examinant d’abord la résolution de Montpellier et aussi la Charte d’Amiens.

Désormais, la C. G. T. va représenter le groupement commun aux deux sections : Bourses et Fédérations, fusionnées dans son sein. C’est une organisation au troisième degré ; le groupement de base étant le Syndicat de métier ou d’industrie, le groupement secondaire ayant forme double de Fédération nationale ou Bourse du Travail et la C. G. T. le groupement réalisent entre celles-ci la liaison qu’elles forment elles-mêmes entre les Syndicats.

On pourrait croire que cette organisation double de la base au faite n’est pas souple, qu’il existe encore des chevauchements, que l’unité est incomplète. Il n’en est rien. Au contraire, une telle organisation assure l’autonomie des groupements et la coordination des efforts, à condition que l’une des deux organisations secondaires ne tente pas d’empiéter sur les attributions de l’autre.

L’article 3 des statuts de Montpellier qui sera d’ailleurs modifié à plusieurs reprises, notamment en 1918 après le Congrès de Paris, donne la raison décisive de cette constitution et fixe les attributions et obligations des organismes.

Ci-dessous le texte de cet article essentiel :

« Nul Syndicat ne pourra faire partie de la C. G. T. s’il n’est fédéré nationalement et adhérent à une Bourse du Travail ou à une Union de Syndicats locale ou départementale ou régionale de corporations diverses.

« Toutefois, la Confédération Générale du Travail examinera le cas des Syndicats qui, trop éloignés du siège social d’une Union locale, ou départementale, ou régionale, demanderaient à n’adhérer qu’à l’un des deux groupements cités à l’article 2.

« Elle devra, en outre, dans le délai d’un an, engager et ensuite mettre en demeure les Syndicats, les Bourses du Travail, Unions locales, ou départementales, ou ré-