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L’épithète de caserne détachée par les dissidents était un peu justifiée. Le parti bolchévisé prenait de la caserne la brutalité et aussi l’indifférence. L’idéal n’apparaissait plus, masqué par le fonctionnarisme et l’esprit de coterie. Si on avait marché à la révolution, on aurait passé sur tous ces frottements inhérents à toute collectivité, mais la révolution ne se faisait pas.

La bolchevisation, à l’usage, fit voir ses inconvénients. De nombreux camarades que leur genre d’occupation ne permettait pas d’incorporer à une cellule furent rattachés à une cellule composée de camarades de profession différente. Dans certaines cellules, le nombre des rattachés était plus grand que celui des membres réguliers, ce qui faisait que la cellule perdait son caractère d’organisation de combat à l’usine. On créa donc des cellules de un ou de groupes de maisons, c’était revenir à la section. — Doctoresse Pelletier.


COMPAGNON. n. m. (Du latin Cum avec et panis pain). Étymologiquement le mot « compagnon » veut donc dire qui mange du même pain ou qui partage son pain avec un autre. Mais la valeur du mot s’est sensiblement étendue et à présent il sert à designer une personne avec laquelle on est en relation assez fréquente sans, pour cela, être liés par l’amitié. « Un compagnon de travail, un compagnon de chantier ou de bureau ». On dit aussi un bon compagnon et un mauvais compagnon. Dans certaines corporations et plus particulièrement dans l’industrie du bâtiment, le mot compagnon, sert à désigner un ouvrier accompli ; l’apprenti prend le nom de « aide ». On dit un ouvrier tourneur et un compagnon maçon. Depuis le xiiie siècle jusqu’à là révolution française, le compagnon était un ouvrier qui avait accompli un stage de plusieurs années chez un maître en tant qu’apprenti et qui avait justifié ses capacités par la production d’un chef-d’œuvre. C’était parfois cinq et même dix ans qu’il fallait travailler gratuitement pour obtenir le droit de se dire « compagnon ».

La révolution française a aboli le compagnonnage et a donné au travail une certaine liberté ; chacun aujourd’hui peut exercer un métier manuel sans être muni de brevets ou de diplômes attestant ses connaissances. Il n’y a que dans certains métiers d’ordre intellectuel que subsiste une certaine forme de compagnonnage. En exemple on pourrait donner la médecine, la pharmacie, le droit, etc. Tous ces métiers sont considérés comme étant exercés par une élite, appartenant naturellement à la bourgeoisie, et ces corporations sont pour ainsi dire fermées à la classe ouvrière.

Le mot compagnon s’emploie aussi comme synonyme de mari, d’époux. Ces deux derniers mots ont un caractère trop officiel et symbolise tellement l’autorité qu’en vertu de la loi l’homme a le droit d’exercer sur la femme, que dans certains groupements et par un grand nombre d’individus ils ont été totalement abandonnés. On ne dit plus ma femme ou mon épouse, mais ma compagne et mon compagnon. Il est évident qu’il ne suffit pas de changer le mot pour changer la chose et le véritable compagnon ne doit pas l’être seulement dans la lettre, mais aussi dans l’esprit. Il doit considérer sa compagne comme un individu qui a droit aux mêmes libertés que lui, qui est sensible aux mêmes émotions, et qui possède une personnalité propre qui ne doit pas être subordonnée à celle d’autrui. Un véritable compagnon doit être jaloux de sa liberté, mais il doit savoir respecter celle des autres.


COMPARAISON. n. f. Action de marquer la ressemblance ou la différence qui existe entre deux choses. Qu’est-ce que comparer ? « C’est observer, dit Pierre Leroux, alternativement et avec attention l’Impression différente que font sur moi deux objets présents ou absents ». Cette observation faite, je juge, c’est-à-dire je

rapporte exactement l’impression que j’aie reçue. Toute assertion sur le rapport des objets entre eux suppose comparaison de ces objets. La comparaison ne consiste pas essentiellement dans l’attention donnée à deux idées, ni dans la perception de l’idée de rapport qui la suit ; elle consiste dans le rapprochement des idées avec l’intention de saisir un rapport… Sans comparaison, pas de jugement. C’est donc une des facultés plus importantes de l’esprit humain, un des objets les plus intéressants que doive étudier la psychologie ».

Savoir comparer est donc une grande qualité. La comparaison nous permet d’acquérir une quantité de connaissances, et de nous éclairer sur le vif à la lumière des faits. C’est en comparant la richesse des uns et la misère des autres que l’on arrive à cette conclusion qu’il y a un vice de forme dans les sociétés modernes. C’est en la comparant à la tyrannie que l’on aime la liberté, et c’est en rapprochant chaque chose et en établissant la différence, bonne ou mauvaise, qui existent entre elles que l’on arrive à se faire une conception.

Celui qui n’a jamais étudié, qui n’a jamais cherché à connaître et à savoir, qui accepte comme des paroles d’évangile tout ce que lui raconte un personnage qu’il considère comme supérieur ; celui qui ne veut pas se donner la peine de regarder par lui-même et de comparer, est un être borné et étroit sur lequel on ne peut compter en aucune occasion. Ce qui singularise l’individu, ce qui lui donne une personnalité, c’est sa faculté de comparaison, et celui qui en est dénué ne sera jamais qu’un mouton qui légitimera le berger. Ils sont nombreux, hélas ! ceux qui, ne veulent pas comparer, et sans doute ne comprennent-ils pas qu’ils sont les meilleurs piliers de la société capitaliste. C’est un long travail qu’ont entrepris les Anarchistes d’ouvrir les yeux aux aveugles pour leur montrer ce qu’ils veulent pas voir ; mais chaque jour, un peu plus, la lumière pénètre dans les cerveaux et plus profonde aura été l’obscurité, plus violente sera la révolte lorsque le peuple enfin éveillé comparera son sort à celui de ses maîtres.


COMPARSE. n. m. Individu participant à une action, mais n’y figurant qu’au second plan. Autrefois, on donnait ce nom aux personnages qui figuraient dans les quadrilles ou dans les représentations théâtrales sans avoir à chanter ou à parler. Aujourd’hui, on désigne ces personnages par le mot « figurants », et l’on prête au mot « comparse » un sens plutôt péjoratif. « Cet escroc a des comparses. Ce criminel n’a pas agi tout seul, il fut aidé par des comparses. »


COMPATIR. v. n. (de cum, avec et pati, souffrir). Avoir pitié des douleurs d’un autre ; être touché par les misères et les malheurs d’autrui sans y être directement intéressé. « S’il est vrai que la pitié ou la compassion soit un retour vers nous-mêmes qui nous met en la place des malheureux, pourquoi tirent-ils de nous si peu de soulagement dans leurs misère ? » (La Bruyère). La compassion est peut-être un sentiment qui honore celui qui en est animé ; mais elle ne peut en rien soulager la misère collective, la misère en soi, qui a d’autres causes que la méchanceté des hommes. On peut la mettre, la classer dans le même ordre d’idées que la philanthropie et la charité qui, du reste, prennent leur source dans la compassion.

Compatir aux misères d’autrui est donc inutile ; ce qu’il faut, c’est en rechercher les causes et les détruire.

Il y a quantité de gens qui compatissent à la souffrance du peuple et qui se montrent affligés de la situation précaire qui lui est faite. Les cœurs compatissants soulagent quelques malheureux auxquels ils s’in-