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des rentiers, propriétaires, industriels, commerçants et autres parasites et cette confiscation eût été d’autant plus facile, que la plupart de ces parasites, cédant à une frousse intense, avaient fui précipitamment Paris tombé au pouvoir des insurgés.

Ils auraient dû, enfin, répondre coup pour coup aux attaques des Versaillais, tenter l’impossible pour briser le cercle infernal dans lequel Thiers s’efforçait de les emprisonner, prendre et appliquer des mesures propres à semer la panique dans les rangs de la réaction versaillaise et à faire naître l’enthousiasme et la confiance dans la conscience des déshérités.

Malgré ses erreurs et ses fautes, « la Commune » a laissé dans l’histoire révolutionnaire de l’humanité une page lumineuse, pleine de promesses et d’enseignements.

Diverses décisions et plusieurs tentatives sont remarquables et à retenir tant en raison de la pensée qui les a inspirées que des indications qu’on en peut tirer.

Je citerai deux de ces tentatives, empreintes d’un caractère révolutionnaire.

La première est du 20 mars 1871 : c’est l’acte par lequel Paris s’affirme commune libre et convie les autres villes de France à se constituer, elles aussi, en communes indépendantes. Il faut voir là un premier jalon de la Révolution future : l’abolition de l’État centralisateur et omnipotent, la Commune devenant la base de l’organisation fédéraliste se substituant au centralisme d’État.

La seconde est du 16 avril. C’est un décret dont voici le texte : « Considérant qu’une grande quantité d’ateliers ont été abandonnés par ceux qui les dirigeaient, afin d’échapper aux obligations civiques, sans tenir compte des intérêts des travailleurs, et que, par suite de ce lâche abandon, de nombreux travaux essentiels à la vie communale se trouvent interrompus, l’existence des travailleurs compromise « la Commune » décrète que les Chambres syndicales ouvrières dresseront une statistique des ateliers abandonnés, ainsi qu’un inventaire des instruments de travail qu’ils renferment, afin de connaître les conditions pratiques de la prompte mise en exploitation de ces ateliers par l’association coopérative des travailleurs qui y sont employés. »

On a fait du chemin depuis le 16 avril 1871 et il est permis de taxer ce décret d’excessive timidité et modération. Il est évident que de nos jours, une insurrection victorieuse, disons mieux : la Révolution sociale n’aura pas la naïve faiblesse de procéder par voie de décret. Elle prendra possession brutalement et sans formalité des instruments de travail, des matières premières et de tous les moyens de production dont auront été dépossédés les détenteurs capitalistes ou que ceux-ci auront eu « la lâcheté » d’abandonner.

N’empêche que, dans ce décret ― si modéré, si timide qu’on le trouve et qu’il soit ― il y a la proclamation du droit ― et je dirai même du devoir ― qu’ont les producteurs de s’emparer sans autre forme de procès, de la terre, de l’usine, du chantier, de la manufacture, de la gare, du bureau, du magasin, en un mot de tout ce qui représente, à un titre quelconque, la vie économique dont ils sont les animateurs, les facteurs et les auxiliaires indispensables et souverains.

Organisation politique ayant comme base le noyau communal et comme méthode le fédéralisme.

Organisation économique reposant tout entière sur la production assurée et administrée par les travailleurs eux-mêmes, ayant mis la main sur tous les moyens de production, de transport et de répartition.

« La Commune », il est vrai, n’a pas réalisé ces deux points fondamentaux de toute transformation sociale véritable ; mais elle en a donné l’indication précieuse,

essentielle et elle a, de cette façon, été une ébauche de ce que doit être, de ce que sera la Révolution sociale de demain.

Je ne veux pas terminer cet exposé trop court sans rendre hommage à la vaillance héroïque avec laquelle, jusqu’à la dernière minute, se sont battus les défenseurs de « La Commune ». Même à l’heure où tout espoir de vaincre était perdu, même à la tragique minute où ils savaient qu’il ne leur restait plus qu’à succomber, ils ont fait le sacrifice de leur vie, sans hésitation et le front haut, en regrettant la mort de « la Commune » plus que la leur.

Si les révolutionnaires et anarchistes se jettent, le jour de la Révolution, au cœur de la lutte, avec la même ardeur, avec la même farouche résolution, avec la même inébranlable détermination de vaincre ou de mourir, il n’est pas douteux que rien ne leur résistera. ― Sébastien Faure.


COMMUNISME (LE). n. m. Le Communisme — qu’il faut se garder de confondre avec « le Parti Communiste » — est une doctrine sociale qui, basée sur l’abolition de la propriété individuelle et sur la mise en commun de tous les moyens de production et de tous les produits, tend à substituer au régime capitaliste actuel une forme de société égalitaire et fraternelle. Il y a deux sortes de communisme : le communisme autoritaire qui nécessite le maintien de l’Etat et des institutions qui en procèdent et le communisme libertaire qui en implique la disparition…

Le premier se confond avec le collectivisme (voir ce mot), le second n’est autre — plus spécialement sur le terrain économique — que l’Anarchisme. La plupart des personnes qui se réclament de l’esprit anarchiste sont communistes.

Dans une motion adoptée à l’unanimité par les anarchistes, réunis en Congrès, du 11 au 14 juillet 1926, à Orléans, on lit ceci : « Les anarchistes groupés au sein de « l’Union Anarchiste de langue française » se déclarent et sont communistes, parce que le Communisme est la seule forme de Société assurant à tous, sans aucune exception et, notamment aux enfants, aux vieillards, aux malades, aux moins bien doués physiquement et intellectuellement, une part égale de Bien-Etre et de Liberté ». Il ne faut pas perdre de vue que si le principe de liberté est le point central de leur doctrine sociale, les Anarchistes, voulant instaurer un milieu social qui assurera à chaque individu le maximum de bien-être et de liberté adéquate à toute époque, ont conscience qu’ils ne peuvent parvenir à la réalisation pratique de cette volonté qui les anime que par la mise en commun (le Communisme) de tous les moyens de production, de transport et d’échange. Seule, cette mise en commun, placée à la base du régime social, garantira à tous et à chacun le droit effectif et total de participer solidairement et fraternellement à tous les avantages des richesses et produits matériels et des progrès intellectuels et moraux constamment accrus par l’effort commun.

Il y a loin, bien loin, on le constate facilement, de ce Communisme libre, c’est-à-dire anarchiste au Communisme étatique et imposé des Bolchevistes (voir Bolchevisme), de leurs partisans et de leurs imitateurs.

À ce Congrès de l’Union Anarchiste française, tenu à Orléans, du 11 au 14 juillet 1926, certains délégués ont fait observer le discrédit dans lequel est tombé le mot « Communisme » perfidement usurpé et tristement galvaudé par le Gouvernement Bolcheviste et les tenants des divers Partis Communistes organisés nationalement et internationalement. Ces délégués estimaient que cette doctrine sociale « le Communisme » était à ce point disqualifiée, que, pour éviter toute confusion de principe