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gement systématique des prisonniers faits par Versailles.

Les Versaillais, une fois entrés dans Paris, ne tinrent aucun compte de la modération excessive avec laquelle le peuple vainqueur avait traité ses ennemis.

Jamais ville conquise n’eut un sort aussi terrible que la capitale. Dans la semaine qui suivit le 21 mai et que le peuple a si justement nommé la Semaine sanglante, les massacres de Scylla et les atrocités de la Saint-Barthélemy furent surpassées. Tous les crimes, toutes les horreurs et toutes les monstruosités du moyen-âge reparurent à la surface. Le triomphe du peuple avait fait peur à la bourgeoisie, et la bourgeoisie se vengeait d’avoir eu peur dans le sang des prolétaires.

Durant sept jours, une soldatesque ivre d’absinthe et grisée par la poudre, massacra tout ce qui lui tomba sous la main. Les maisons furent fouillées depuis la cave jusqu’au grenier.

Le moindre soupçon de sympathie pour la Commune entraînait une mort certaine. Le port d’une blouse pouvait devenir un arrêt fatal. Quant aux membres de la Commune qui tombèrent entre les mains des vainqueurs, leur affaire était réglée d’avance : on les tuait sans autre procédé. Tel fut le sort de Raoul Rigault et de Varlin.

Il suffisait même d’une vague ressemblance avec un personnage qui avait joué un rôle plus ou moins important dans l’insurrection pour être aussitôt passé par les armes.

C’est ainsi que périrent plusieurs citoyens pour avoir eu un faux air de Vallès ou de Billoray.

Le docteur Tony Moilin, qui n’avait jamais pactisé avec la Commune, fut exécuté uniquement pour ses opinions socialistes et pour avoir fondé une bibliothèque populaire.

Sur sa demande ― pourquoi m’arrêtez-vous ? ― L’officier qui conduisait les soldats chargés de l’arrêter, lui répondit sèchement : « Vous êtes un socialiste, il faut se débarrasser des socialistes lorsque l’occasion s’en présente ».

Millière qui, lui non plus, n’avait jamais fait partie de la Commune, fut aussi fusillé sommairement pour l’excellente raison que ses écrits avaient déplu au général Cissey et avaient fait couler des larmes de rage au faussaire Jules Favre. Le titre de représentant du peuple, qui rendait Millière inviolable aux yeux de la loi bourgeoise, ne put le sauver de cette fin tragique. Son assassinat sur les marches du Panthéon prouve une fois de plus que la classe dirigeante et dévorante, si respectueuse de la légalité lorsque cette légalité sert à combattre ses ennemis, n’hésite pas un instant à la fouler aux pieds quand son intérêt le commande.

Le chassepot n’allant pas assez vite en besogne, les Mac-Mahon, les Vinoy et les Gallifet installèrent des mitrailleuses dans les principaux quartiers de Paris pour procéder à l’exécution en masse des fédérés. Les femmes et les enfants ne furent pas plus épargnés que les hommes, et le hideux marquis de Gallifet acquit une sanglante célébrité par le massacre des vieillards au quel il présida à la caserne Lobau.

Le vieux républicain Delescluze, la droiture faite homme, tomba place du Château-d’Eau face à l’ennemi. Paris était littéralement à feu et à sang, plus de 25.000 fédérés jonchaient le sol, la mitrailleuse régnait en souveraine…

Ce n’est qu’après ces assassinats innombrables, perpétrés sur les défenseurs de la République Sociale, que quelques citoyens suivis par une foule exaspérée, se saisirent des otages. Quatre-vingt capucins, agents des mœurs, mouchards et autres bandits, tombèrent sous le feu des balles révolutionnaires.

La responsabilité de ces exécutions incombe toute en-

tière à Thiers, qui avait refusé de livrer Blanqui en échange des otages.

Néanmoins, nous sommes, pour des raisons de défense humaine, loin de répudier la tardive explosion de colère populaire qui se fit jour à cette époque, et nous considérons, comme hautement symbolique la fin tragique de Darboy, Jecker et Boujean, ces trois représentants d’un régime de boue et de sang. Nous estimons en outre que le peuple a bien fait de renverser la colonne impériale, de brûler les palais de ses rois et de détruire les tabernacles de la prostitution monarchique.

Les révolutions ne se font pas en gants glacés et avec l’eau de rose. Une société qui ne vit que par des moyens répressifs et l’exploitation éhontée du prolétariat, ne peut être, hélas ! changée que par la force mise au service du Peuple et de l’Égalité sociale.

Si la Commune de Paris avait eu davantage conscience de cette vérité, elle aurait pris au collet la bourgeoisie par la main-mise sur la Banque de France et l’humanité n’aurait, peut-être, pas eu à enregistrer la plus épouvantable hécatombe de Républicains et de Communeux qui fut jamais :

30.000 fusillés, 42.000 arrestations, 13.700 condamnations, dont la plupart à vie, tel fut le bilan de la vengeance bourgeoise contre le Peuple de Paris, qui avait voulu poser les premiers jalons d’une société égalitaire assurant à tous, par le travail affranchi, le droit au bien-être et au savoir…

Plus d’un demi-siècle a passé sur ces événements tragiques.

D’autres plus tragiques et angoissants ont inondé l’Europe de boue et de sang.

La Guerre Mondiale, la scélérate guerre impérialiste pour tuer le renouveau social, a désaxé notre planète par ses 12 millions d’hommes fauchés à la fleur de l’âge et ses 40 millions de victimes.

La formidable Révolution Russe a allumé dans le cœur des spoliés et des sacrifiés une immense lueur et une grande espérance… mais la reculée du temps ne s’est pas faite sur elle d’une façon suffisante pour dire notre dernier mot et nous craignons d’être injustes en clamant nos déceptions… et nos craintes.

Partout la contre-révolution, qui veut nous ramener au moyen-âge, s’arme pour le combat décisif, car elle sent que la Révolution de demain, la plus profonde depuis les temps historiques, ne peut plus se contenter de demi-mesures.

Elle devra faire table rase du passé et labourer profond afin de mettre tout à sa place.

La planète et ses forces productives à ceux qui les font valoir, c’est-à-dire à l’universalité des êtres humains.

Les produits fécondés par la science et d’une abondance presque illimités à la libre disposition des consommateurs.

Elle libérera aussi l’amour des tyrannies polygamiques et monogamiques en faisant de la femme l’égale de l’homme et de la mère le pivot du groupe affectif.

Elle répartira le travail, devenu attrayant, entre les adultes des deux sexes, majeurs dès la puberté et travailleurs jusqu’au retour d’âge.

Et elle réconciliera enfin l’homme avec la nature et avec lui-même et nos destinées seront accomplies.

Les hommes seront devenus des dieux et Dieu et le Diable seront morts et enterrés. ― Frédéric Stackelberg.

La Commune. (Histoire de), 18 mars-29 mai 1871. — On connaît peu, même en France, l’histoire de « la Commune ».

En principe, et surtout dans les bourgades rurales, la population n’a de « la Commune » qu’une vague impression d’insurrection, de pillage, d’incendie, de violence meurtrière. Dans les centres importants et dans