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COMBINAISON. n. f. Assemblage de plusieurs substances ou de plusieurs idées. Se dit au physique et au moral. Chimiquement, par exemple, le mot combinaison signifie « l’acte par lequel deux ou plusieurs corps s’unissent ensemble de manière à former un nouveau corps dont les parties, même les plus infimes, contiennent une certaine quantité des premiers ». Pour nous, c’est surtout au sens politique que le mot présente intérêt, la combinaison étant un des échafaudages sur lesquels reposent le parlementarisme et la puissance gouvernementale. Le parlementaire est passé maître dans l’art de combiner, lorsqu’il désire obtenir un quelconque résultat et, en France ― comme dans les autres pays d’ailleurs ― les couloirs et les salons de la Chambre des Députés et du Sénat sont le repaire où s’entendent les « combineurs » ― qui ne tiennent nullement à donner au public le spectacle de leurs louches tractations. C’est à la combinaison que l’on a recours pour former un ministère, et le terme fut tellement usité qu’on ne lui prête plus un sens péjoratif. On dit couramment « une combinaison ministérielle » sans vouloir remarquer que la composition d’un ministère n’aboutit jamais qu’à la suite de tripotages malpropres, et où chaque ambitieux cherche à obtenir la meilleure place et à écraser son adversaire.

Mme de Staël déclarait que : « L’histoire attribue presque toujours aux individus comme aux gouvernants plus de combinaisons qu’ils n’en ont ». Nous ne sommes pas de cet avis, bien au contraire ; et nous sommes convaincus, par l’exemple et par l’expérience, que tout gouvernement n’arrive à s’imposer que grâce à des combinaisons, et que sans elles la vie lui serait impossible. Ce ne serait du reste pas un mal, si nous considérons qu’un gouvernement n’est nullement utile à la vie des hommes et des sociétés et que ses uniques fonctions consistent à défendre les privilèges d’une armée de parasites.


COMÉDIEN. n. m. Celui qui joue la Comédie sur un théâtre public. Le travail du comédien consiste à s’imprégner du rôle que joue, dans la pièce, le personnage qu’il interprète, à mettre en action toutes ses capacités pour copier ses vices, ses mœurs, ses travers ou ses qualités, afin de les présenter au spectateur aussi exactement et naturellement que possible. Il doit savoir faire naître l’émotion, la joie ou la tristesse, la gaîté ou la terreur. Il doit attacher et intéresser le public à la comédie qu’il représente, et tour à tour déchaîner les rires et les pleurs. Un bon comédien est généralement un grand artiste et son art exige de réelles qualités d’adaptation.

De nos jours, le comédien est admiré et adulé, mais il n’en fut pas toujours ainsi, et il y a peu de temps encore il était écarté du reste de la société, et ce ne fut qu’en 1789 qu’ils furent admis à jouir de leurs droits civils et politiques. Même à l’époque du Grand Molière, qui fut cependant admis à la table de Louis XIV, les comédiens étaient victimes d’une sourde hostilité, et n’étaient considérés que comme des bouffons chargés d’amuser l’aristocratie. La Révolution de 89 a effacé cette injustice, et ce fut un bien pour l’art théâtral. Libre, le comédien s’est perfectionné et est arrivé à traduire de façon parfaite l’œuvre éclose dans le cerveau du poète ou de l’écrivain. Certains acteurs ont acquis une célébrité mondiale vraiment justifiée. De notre temps, ceux qui ont eu le plaisir et la joie d’entendre Sarah Bernhardt, Réjane, Lucien Guitry ou le grand De Max (nous nous excusons de ne parler que de la scène française) en ont gardé un souvenir ineffaçable.

Malheureusement, le comédien ne se rencontre pas uniquement sur la scène du théâtre ; on en rencontre également à chaque tournant de la vie, qui n’est peut-

être, elle aussi, qu’une grande comédie dont nous sommes les acteurs. Mais tous les acteurs ne sont pas sincères, et il en est qui se masquent et qui jouent avec une perfection remarquable le rôle qu’ils se sont eux mêmes attribué. Ces comédiens-là sont dangereux, d’autant plus dangereux qu’ils n’avouent pas être des personnages fictifs, mais qu’ils cherchent à convaincre leur public de leur réalité, alors que tout en eux n’est que convention et mensonge. Et de ces comédiens, on en rencontre partout ; ils pullulent dans les parlements, dans les cours judiciaires et jusque dans les organisations sociales et syndicales. Avocats, députés, magistrats, autant de comédiens qui jouent si bien leur rôle que le peuple se laisse prendre et qu’il est continuellement berné, malgré les conseils et malgré les exemples. Si l’acteur, par son art, agrémente notre vie et nous fait oublier parfois la tristesse et les difficultés de l’existence, s’il nous permet de nous éloigner de la triste réalité pour nous bercer un peu dans le rêve, s’il occupe nos loisirs et nous repose de la lutte quotidienne aride et féroce, s’il a droit en conséquence à toute la considération des hommes, le comédien politique et social est un être malfaisant dont il faut s’éloigner et qu’il importe de combattre de toute notre énergie.


COMITÉ. n. m. Réunion de délégués chargés de déterminer un travail quelconque, d’en établir un rapport ou de pourvoir à son exécution. Le rôle du Comité consiste à simplifier ou à éclaircir un sujet, une question ou une affaire, avant de les présenter à une assemblée qui en délibère en dernier ressort. Le mot Comité est d’origine anglaise et ne fut importé en France qu’en 1789. Le premier des comités qui se réunirent en France fut celui de vérification et fut chargé en 1789, aux États Généraux, d’établir un rapport sur les élections. Le succès de Ce comité détermina l’Assemblée Générale et la Convention à se fractionner pour étudier séparément chacune des questions qui lui étaient soumises, et il se forma, de ce fait, un grand nombre de comités. Lorsque la Révolution fut menacée par les ennemis intérieurs et extérieurs, la Convention abandonna le Pouvoir exécutif à une minorité d’individus et cette réunion de délégués prit le nom de « Comité de Salut public ». Sans méconnaître les erreurs et les excès de ce Comité tout puissant, erreurs et excès presque inévitables en période d’orage et de lutte, il faut avouer que dans une certaine mesure, ce fut lui qui permit à la Révolution Française de vivre et d’abattre certains de ses ennemis. Les pouvoirs de ce fameux comité furent très étendus, trop étendus. C’était lui qui nommait ministres, généraux, magistrats, juges et jurés, et qui les destituait lorsqu’il les considérait comme impropres à servir la cause révolutionnaire. Par la « loi des suspects », le comité de Salut public disposait de toutes les personnes ; il faisait arrêter, juger, condamner et exécuter ― souvent arbitrairement ― tous ceux qu’il supposait comploter arbitrairement contre l’État. Y a-t-il lieu de s’étonner que, pourvu d’une telle autorité, le Comité de Salut Public en ait abusé ? Il ne faut pas demander à un homme d’être un Dieu, mais simplement un homme et accorder à un nombre restreint d’individus une trop grande puissance, c’est aller au désastre. C’est ce qui se produisit.

Depuis la Révolution Française, aucun comité n’exerça une aussi grande autorité que le Comité de Salut Public. Actuellement, dans les assemblées législatives, il se forme des comités officiels qui sont chargés de délibérer sur diverses questions « d’intérêt public ». Ces comités prennent le nom de « commissions » et sont composés de parlementaires recrutés au sein même de l’assemblée. Dans les grandes organisations sociales,