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L’histoire serait-elle une éternelle répétition ? C’est dans la paresse et le vice que s’est éteinte la civilisation chaldéenne. Et pourtant, 2.700 ans avant l’ère chrétienne, Babylone était maîtresse du monde. La richesse de son architecture amoindrirait sensiblement la prétention de nos fabricants de gratte ciels américains. La renommée de ses palais, de ses jardins, traversait les océans. L’utile n’était pas sacrifié à l’agréable et si les Chaldéens surent construire des châteaux et des terrasses, ornant les larges voies de cette ville fantastique de 80 kilomètres de tour, ils surent aussi, pour fertiliser une terre sèche et aride, creuser des canaux dont la construction dépasse, vu l’époque, l’imagination humaine. Ils surent creuser, afin de garantir les populations, des lacs immenses dans lesquels, durant les périodes de crue, venaient s’écouler les eaux de l’Euphrate. De tout ce travail gigantesque, de toute cette force dépensée par des générations, il ne reste plus que le souvenir et un amas de ruines. La fausse civilisation, la guerre a passé là, pour réduire à néant l’effort productif de milliers d’années ; et, de même qu’elle a détruit la civilisation chaldéenne, elle a détruit celle de l’Egypte, celle de la Perse, de la Judée, de la Grèce, de Rome ; les deux dernières plus récentes nous ont laissé plus que les précédentes le produit de leurs travaux manuels et intellectuels et si, aujourd’hui encore, on peut lire les grands poètes et les grands philosophes, de la Grèce et de la Rome antique en peut également contempler les ruines de leurs arènes et de leurs palais qui rappellent un génie architectural tout au moins égal sinon supérieur à celui de nos civilisations modernes.

On ne s’inspirera jamais assez de cette idée : que les conquérants militaires, que les hommes avides de jouissance et de richesses et qui sacrifient tout le présent, tout le passé, tout l’avenir à l’assouvissement de leurs bas instincts, sont les irréductibles adversaires de la civilisation. Et dans l’actualité douloureuse, où la civilisation pourrait être triomphante avec ses chemins de fer, son téléphone, ses aéros, sa T.S.F, elle est encore en lutte avec tous les puissants de la terre qui, en voulant accaparer toutes les richesses sociales et bénéficier seuls des découvertes multiples, entravent la marche en avant de l’humanité.

Cependant, malgré la route jonchée d’épines, la civilisation suit progressivement son cours. Elle marque parfois un temps d’arrêt, mais elle reprend son chemin et repart, lentement sans doute, mais sûrement, pour atteindre son but. Rien n’est perdu des idées auxquelles elles donnent le jour, et si, sur un petit coin de la terre, une nation est détruite, un territoire anéanti par un fléau, ce n’est qu’un accident dans le temps et dans l’espace, qui ne peut arrêter sa marche en avant. Contre tous la civilisation triomphera. Si une puissance peut se permettre, durant une période plus ou moins longue, d’asservir les populations d’une autre puissance ; si la ploutocratie domine toujours et si la guerre n’a pas encore disparue de la surface du globe, il n’en est pas moins vrai, que les progrès de la science appliquée et du machinisme, que les découvertes sensationnelles de nos savants, que les idées émises par nos penseurs, planent au-dessus de nous et que tout travaille à la réalisation d’une humanité meilleure, c’est-à-dire réellement civilisée.

Les apparences, sont parfois trompeuses. Il peut sembler aux pessimistes que tout dégénère et que l’humanité rétrograde, que la civilisation décline. Aux heures de lassitude et de doute, il faut jeter un regard en arrière, contempler toute la route parcourue depuis des siècles.et des siècles et considérer les transformations formidables des sociétés. Si la civilisation, c’est-à-dire l’idée dominante de fraternisation humaine, a su

résister à tous les assauts ; si elle ne fut pas anéantie malgré les catastrophes, les carnages, les brutalités de la religion, de la patrie, de l’État, c’est qu’elle répond aux besoins et aux désirs des hommes et que, seule, elle peut assurer la paix au sein des collectivités. Il faut l’aider ; et plus elle est enveloppée des nuages obscurs de la réaction qui cherche à l’étouffer, au nom d’un passé glorieux et de l’avenir qui sera éclairé par ses flambeaux, plus il importe de la défendre. Il faut la défendre pour qu’elle réalise enfin l’idéal que nous, Anarchistes, nous voulons voir se matérialiser : le bonheur et le bien-être pour tous. — J. Chazoff.


CIVISME. n. m. Montesquieu appelait le civisme une « vertu politique » et ajoutait : « C’est un renoncement de soi-même. On peut le définir l’amour des lois et de la patrie. » On peut donc également ajouter en empruntant le mot à J.-J. Rousseau : « Les nations manquent aujourd’hui de civisme. » Et il ne peut en être autrement ; car il n’y a pas de vertus politiques ; il ne peut y avoir que des erreurs politiques, les qualités et la politique ne pouvant faire bon ménage. Le civisme n’est donc pas, selon nous, une vertu, mais une erreur, et le « bon citoyen », un homme aveuglé qui se laisse tromper par les apparences et leurrer par ses représentants.

Au lendemain de la Révolution française, on exigeait de toute personne voulant occuper une fonction publique, un certificat de civisme. De nos jours encore, pour avoir le droit de remplir ses devoirs « civiques », il faut faire preuve de son honorabilité et de son honnêteté. Ce qui n’empêche pas que nous soyons toujours et que nous serons toujours gouvernés par des coquins, malgré le civisme des électeurs. Le civisme est donc bien, comme le dit Montesquieu, une « vertu politique » mais elle est purement politique et nullement morale et logique. Pour nous, anarchistes, nous n’avons pas à nous embarrasser de civisme ; mais il faut s’attacher à en détruire l’esprit ; car l’amour des lois et de la patrie, est une qualité néfaste à l’évolution des individus et des sociétés.


CLAN. n. m. Vient du mot écossais « Klaan » qui servait à désigner une tribu composée d’un certain nombre de familles. Les clans persistèrent fort tard en Écosse et en Irlande et leurs mœurs étaient simples et pures ; mais vers le milieu du xviiie siècle, les populations paisibles des montagnes écossaises furent persécutées et assassinées par Georges II et, à dater de cette époque, disparurent les derniers vestiges du clan. À présent, dans le langage courant, le mot est employé pour désigner une fraction qui, au sein d’un parti ou d’une organisation, se singularise par une particularité quelconque qui la sépare du reste du groupe. Il se forme dans toute association des clans qui se combattent, s’opposent et parfois se déchirent. Généralement, les individus se groupent autour d’un homme : le chef de clan.

En Amérique, le Ku Klux Klan est une organisation réactionnaire groupant des milliers d’individus, et il peut être assimilé à nos organisations fascistes occidentales. Ses procédés et ses agissements sont semblables à ceux employés en Europe par les émules de Mussolini, le dictateur italien.


CLARTÉ. n. f. (du latin : clarus). Ce qui éclaire, ce qui est lumineux ; lueur, lumière. Antidote de obscurité. La clarté du jour ; l’obscurité de la nuit. Une clarté pâle, une clarté rayonnante, une clarté joyeuse. Il y a aussi la clarté qui est la lumière de l’esprit, et cette clarté de l’intelligence est aussi utile que la clarté du jour. Elle permet à l’individu de se faire comprendre tout en étant bref, mais précis, et évite bien