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produits de toutes sortes restent inemployés et ne trouvent pas acquéreurs chez les acheteurs habituels trop appauvris.

Il y a enfin le protectionnisme qui joue, lui aussi, son rôle qui est considérable. Le protectionnisme va, en effet, en général à l’encontre du but qu’il poursuit. Une industrie protégée est enfermée dans le cadre national. Si des tarifs prohibitifs ferment en effet les frontières douanières aux produits étrangers, les pays qui se trouvent lésés dans leurs exportations et leur développement industriel usent de réciprocité en établissant des tarifs qui empêchent dans une très large mesure les produits de la nation protectionniste, d’entrer chez eux.

Bien entendu au bout de peu de temps les marchés nationaux sont engorgés, encombrés, l’offre reste sans demande et le chômage sévit dans cette industrie protégée.

Il y a encore, surtout en ce moment, en cette période de transformation du machinisme et de la technique, des chômages provoqués par l’utilisation beaucoup moins considérable de certains produits ou matières.

L’avènement de la vapeur a révolutionné les transports et fait disparaître sans qu’il y ait l’emploi immédiat des éléments employés en nombre d’industries ou de métiers ; celui du machinisme a eu les mêmes conséquences, parce que le déplacement industriel et agricole qui en est résulté n’a été ni réglé ni ordonné. L’application sans cesse plus considérable du pétrole et surtout de l’électricité, a produit des troubles profonds dans l’industrie minière en réduisant considérablement les besoins en charbon. L’utilisation de la houille blanche généralisée, produira des crises plus profondes encore, parce que le capitalisme est impuissant à réajuster et à réadapter les industries et les efforts humains.

Le chômage, qui atteint en Angleterre plus de 3 millions d’hommes en 1925 et frappe en Amérique un nombre presque égal d’individus, tient surtout à la crise des changes et à la sous-consommation du charbon dont l’utilisation s’est considérablement amoindrie.

Le chômage est un mal endémique en régime capitaliste. Il est la conséquence même de ce régime organisé pour la réalisation des profits au lieu de l’être en vue de satisfaire les besoins utiles.

Le chômage ne disparaîtra donc qu’avec le capitalisme lui-même. Il est facile de prévoir qu’il s’amplifiera sans cesse, à mesure que le capitalisme développera ses productions nouvelles et en raison de son impuissance à ordonner son effort industriel. Toutes les mesures prises pour l’enrayer resteront vaines.

Il serait encore plus grand, si, ne craignant pas pour la stabilité du système, le capitalisme laissait libre cours de s’exercer à la technique, à la science. Craignant d’être débordé par le progrès qui en résulterait, sachant d’avance que la ruine s’en suivrait pour nombre d’industries incapables d’évoluer assez rapidement, le capitalisme restreint, par l’argent, les recherches de la science et les applications de la technique.

Les causes du chômage sont, on le voit, extrêmement complexes et diverses. Revenons à celles qui sont essentielles et courantes, à celles qui sont exposées au début de cette étude.

1o Incapacité du capitalisme à organiser de façon rationnelle. — Le capitalisme, nous l’avons dit, dirige ses efforts en vue de profits à réaliser et non pour satisfaire les besoins utiles. Cette conception l’entraîne fatalement à surproduire dans certaines branches d’industrie et à sous produire dans d’autres.

Pendant que la surproduction, en jetant sur les marchés des quantités de matières ou de produits non utilisables, non demandés, engendre au bout de peu de

temps l’arrêt de l’industrie ou des industries qui n’ont pas su limiter leur effort, la sous-production ne permet pas de satisfaire les demandes. Dans les deux cas, le chômage en résulte. Ici, afflux de main-d’œuvre, là, moins de main-d’œuvre, mais cessation de l’effort. Dans les deux cas, c’est le chômage pour l’ouvrier, l’arrêt ou la marche ralentie de l’industrie qui l’emploie.

Si l’effort capitaliste devait — et ce ne peut pas être — avoir pour but de satisfaire les besoins collectifs, il en irait tout autrement. La limitation de la production dans tous les domaines à la satisfaction des besoins, la stabilisation des marchés sur des bases statistiques solides, rendrait impossibles toute surproduction et sous-production. Ce serait ainsi qu’on verrait la fin du chômage. Seuls les ouvriers, par leurs syndicats, sont capables d’organiser la production sur ces bases parce qu’ils auront au préalable, fait disparaître l’intérêt particulier et donné naissance au véritable intérêt collectif.

2o Limitation du capital-argent. — Par la limitation des ressources dont il dispose chaque année, ressources qui sont déterminées par le volume des transactions avec bénéfices réalisés dans le cours de l’année précédente, le capitalisme, par son caractère individualiste, est obligé de limiter la production, les frais de celle-ci au chiffre de ses ressources.

Bien souvent, des besoins accrus, des bénéfices possibles seraient ou satisfaits ou réalisés par voie de développement si les industriels et les commerçants pouvaient étendre le cercle de leurs affaires et augmenter pour cela leur production ou leurs ventes.

L’une et l’autre restent stationnaires ou régressent souvent, parce que les exploitants ne disposent pas des ressources suffisantes.

Cette limitation des ressources entraîne forcément celle des frais généraux dans lesquels les salaires entrent pour une large part. Si l’industriel a travaillé à perte, il licencie en partie le personnel qu’il emploie ou fait appel à une main-d’œuvre moins onéreuse par voie de mise à pied. C’est le chômage pour le personnel ancien.

3o Mauvaise répartition des matières premières. — L’absence totale de statistiques commerciales et industrielles fixant chaque année les besoins approximatifs de tous les pays et la quantité de matières disponibles, empêche que les industries soient approvisionnées en vue des productions nécessaires, tandis que d’autres reçoivent des quantités énormes de matières qui resteront inemployées.

Si les industries de transformation ne reçoivent pas ce que représente leur utilisation à plein rendement, c’est le chômage forcé des ouvriers dans cette industrie.

Si au contraire les industries de base, les exploitations d’extraction ont auparavant constitué des stocks et approvisionné les industries de transformation à leur pleine capacité, c’est le ralentissement chez ces exploitants et le chômage des ouvriers travaillant dans l’industrie de base.

On ne pourra remédier à cet état de choses que par la création d’offices nationaux et internationaux qui fixeront et les besoins de la consommation et le chiffre de la production. Ce n’est pas, encore, le régime capitaliste qui opérera ces redressements nécessaires à la réalisation de l’équilibre du système incriminé.

4o Spéculation sur les matières premières et les produits. — Les matières et les produits n’étant pas l’objet d’appréciations exactes dans le domaine des disponibilités et des nécessités, la répartition rationnelle des matières premières étant impossible, il va de soi que la fabrication est chaotique, comme nous venons de l’exposer ci-dessous.