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AGR

coup de pays, on fait venir les prolétaires étrangers pour remplacer la main-d’œuvre indigène fuyante, mais c’est retarder la question et non la résoudre ; l’étranger ne se fixant que pour un temps, et, aussitôt acclimaté et adapté, courant ailleurs chercher mieux. Cette question du recrutement de la main-d’œuvre agricole est un grave problème pour les pays industriels. Ne voulant pas donner les améliorations nécessaires à rétablir l’équilibre, les exploiteurs ne trouvent que des solutions aléatoires et provisoires. Et puis, il est bien difficile à notre époque de relations faciles et d’instruction générale, où l’habitude du déplacement gagne chaque jour du terrain, de maintenir la cloison entre la ville et la campagne et de baser un état social sur l’infériorité d’une nombreuse classe de malheureux. C’est encore une frontière que l’évolution fait disparaître et que les mesures de conservation sociale ne maintiendront plus longtemps. Grâce aux développements du machinisme, le travail agricole tend à se rapprocher du travail industriel. Dans une ferme relativement bien outillée, le rendement d’un producteur est de 300 à 400% de ce qu’il était avec le travail manuel (ces chiffres sont plutôt au-dessous de la vérité). Aucune raison n’existe donc plus pour ne pas faire bénéficier les campagnards pauvres de cette transformation. À condition de durée et de fatigue égales, le travail agricole, en plein air, est préférable au labeur dans les usines.

Les facilités de transport peuvent permettre ou de donner au villageois la possibilité d’aller à la ville chercher ce qui lui manque ou même au citadin d’aller aux champs travailler. Les régimes autoritaires ont toujours tenté d’établir des barrières entre les hommes pour les empêcher de s’associer. La conception anarchiste, qui place la commune à la base de son organisation économique, abolira ces frontières. Elle élèvera le travail agricole au même rang que les autres. Alors que les collectivistes (ou bolchevistes) ont rêvé d’armées industrielles allant cultiver les champs sur l’ordre de chefs ; la libre association libertaire, la Commune anarchiste amalgamera harmonieusement la production agricole et l’industrielle qui, d’ailleurs, sont inextricablement liées. Elle appellera le prolétaire agricole à prendre place dans la grande famille communale. Le rêve de certains penseurs réalistes verra probablement le jour : les travailleurs des usines, pour échapper un moment à l’atmosphère de la fabrique, pour se retremper au sein de la nature, arrêtant pour quelque temps leur travail pour aller donner le coup de main aux frères des champs. Quelle immense réforme pour la santé morale et physique des citadins ! Cette transformation du travail agricole rendu agréable et peu fatigant par l’emploi des forces mécaniques, chimiques, etc., cette liaison étroite entre la ville et la campagne s’opère aujourd’hui, mais bien lentement, car le régime social y voit un danger pour son existence. La propriété accumule les obstacles sur la route de l’évolution qui libèrera le travail agricole en même temps que les autres prolétaires. La Commune anarchiste balayera ces obstacles et en quelques années établira un régime totalement nouveau, ayant fusionné tous les travailleurs libres dans une étroite solidarité. — Georges Bastien.


AGRICULTURE n. f. C’est l’art de produire dans cette usine qu’on appelle la terre, le sol, non seulement tout ce qui est nécessaire à l’alimentation de l’être humain et, au surplus, du règne animal, depuis le plus colossal éléphant jusqu’au plus petit des insectes, mais encore de fournir aux industries les matières premières pour la fabrication du vêtement, de la chaussure, des outillages et machines diverses de toutes sortes, employées tant dans l’agriculture elle-même que

dans les diverses industries, le sous-sol nous fournissant tous les métaux, le charbon, le pétrole, etc. L’agriculture est un art, disons-nous, et qui, par ce fait même, nécessite un outillage pour l’exécution des travaux qui

constituent les façons culturales qu’il faut préalablement donner au sol avant de lui confier semences ou plantations, si on ne veut pas avoir un insuccès complet. Cet art nécessite en outre des connaissances techniques et scientifiques étendues, variées et solides, que doivent posséder à un très haut degré nos professeurs d’agriculture et nos ingénieurs agronomes. L’agriculture est donc et surtout la mère nourricière de l’espèce humaine ; elle nous fournit le blé dont nous faisons le pain, et tous les autres céréales que nous employons à la nourriture de nos divers animaux domestiques ; elle nous fournit les produits de la vigne, avec les raisins de laquelle nous faisons de si bons desserts, des vins exquis, des eaux-de-vie délicieuses, cognacs et armagnacs, et des alcools avec lesquels nous fabriquons de si excellentes liqueurs ; elle nous donne des légumes de toutes les espèces, des viandes de toute sorte, des fruits des goûts les plus divers ; elle nous permet de fabriquer des conserves alimentaires de tout genre avec ces fruits, viandes ou légumes ; elle nous donne encore les sucres, thés, cafés, chocolats, les parfums les plus exquis, comme la vanille, et les remèdes les plus précieux qu’emploie la médecine humaine et vétérinaire pour la guérison des maladies ; en un mot, grâce aux produits si variés que nous fournit l’agriculture, les tables des gourmets les plus exigeants et les plus délicats sont toujours chargées de mets ou de desserts qui leur donnent pleine et entière satisfaction. Mais pour que les diverses plantes, herbes, arbres ou arbustes, dont nous recouvrons la surface de la terre en vue d’en récolter les divers produits dont nous venons de parler puissent croître normalement et atteindre leur développement intégral, il est absolument indispensable que leurs racines trouvent dans le sol une abondante nourriture pour fournir aux besoins de leur luxuriante végétation, tout comme les hommes et les animaux ont besoin d’être nourris pour vivre. On appelle engrais ces matières qui, mélangées au sol par les travaux des façons culturales, fournissent aux végétaux, par l’intermédiaire de leurs racines, qui sont leurs bouches absorbantes, la nourriture abondante qui permet leur développement normal. La nature qui fournit ces engrais, ce sont tous les débris et déchets du règne végétal et du règne animal qui, atteints par la mort et tombant en décomposition, sont mélangés au sol dans le sein duquel, sous l’influence des acides qu’il contient, s’en réalise la nitrification qui les rend propres à être assimilés par les végétaux. Ces engrais ce sont les engrais humifères, ils sont indispensables au développement des végétaux.

Il existe encore des engrais minéraux, dont nous aurons l’occasion de parler à la fin de cette étude. Ces explications sur les principes fondamentaux qui servent de base à l’agriculture, n’ont pour but que de donner au néophyte étranger à ces questions et aux habitants des villes, une idée, aussi simple que possible, de ce qu’est la production agricole et de son immense importance dans la vie de l’humanité, et non de faire un cours d’agronomie. Cette étude a pour but : 1o de montrer clairement ce qu’ont été et ce que sont encore présentement et l’agriculture et l’ouvrier agricole, la terre appartenant à quelques-uns constitués en classe ; et 2o ce que seront demain l’agriculture et le travailleur agricole, la terre appartenant à tous, à la collectivité, les classes ayant disparu. Sous l’époque romaine, les propriétaires faisaient travailler leurs terres par leurs esclaves ; pendant le moyen-âge, les nobles seigneurs et l’église, qui possédaient toute la terre, la faisaient travailler par leurs serfs, qui, comme un vil bétail, étaient